Prédire l’issue de sa relation de couple en cinq minutes?

Isabelle Dumont
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Prédire l’issue de sa relation de couple en cinq minutes?

Tout le monde sait que la communication est essentielle au couple. Mais si nous rivalisons d’imagination pour créer et maintenir des liens avec un nombre toujours plus grand de personnes, nous sommes assez primaires lorsqu’il s’agit de notre partenaire. Quelques indices peuvent pourtant nous aider à assainir notre relation amoureuse, en mettant en lumière notre façon d’interagir avec l’autre.

Six ans: c’est le temps moyen que prend un couple en difficulté avant de consulter. Non seulement nous avons tendance à sous-estimer la gravité de nos problèmes, mais ceux-ci sont parfois quasi sédimentés lorsque nous nous tournons enfin vers un thérapeute.

On répète toujours qu’il faut bien «communiquer» avec son partenaire. Mais comment? John Gottman, psychologue américain, a observé des couples discuter de leurs difficultés pendant une quinzaine de minutes après leur avoir demandé d’essayer de résoudre une divergence. Ses travaux révèlent que dans 96% des cas, il serait possible de prédire l’issue d’une telle conversation à partir des trois premières minutes. Par exemple, quand elle commence de façon abrupte, par une critique ou une pointe d’ironie, elle se termine habituellement de la même manière, c’est-à-dire négativement. Les observations de Gottman l’ont amené à identifier des indices, plus précisément des «formes de négativité», qui permettent de mesurer dès les cinq premières minutes d’observation et avec une précision de 91% les risques de séparation des couples. Ces formes de négativité apparaissent habituellement dans cet ordre: la critique, le mépris, la défensive et le mutisme.


5:1, le ratio idéal 

Au début d’une relation, nous mettons naturellement l’accent sur les aspects positifs. À cette étape, nos différences nous charment. Malheureusement, on le sait bien, cette attention sélective change avec le temps; plus la relation dure, plus nous devenons critiques, traduisant nos insatisfactions dans nos gestes et paroles.

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Gottman précise que la critique est différente de la plainte. Cette dernière porte davantage sur une action spécifique («Tu n’as pas habillé les enfants assez chaudement»), alors que la critique cible une caractéristique ou un trait de personnalité («Tu ne penses qu’à toi»; «Tu es immature»; «Tu es trop anxieuse»; «Tu te plains tout le temps»).

Lorsqu’elle est occasionnelle, la critique n’est pas en elle-même un signe que le couple est en difficulté. C’est quand elle se fait envahissante qu’elle peut mener à des formes de négativité encore plus destructrices.

Les experts s’entendent pour dire que l’objectif idéal serait d’atteindre un ratio de cinq interactions positives pour une négative. Pas facile, me direz-vous. Visez un ratio de 2:1, ce sera déjà un bon début.


Le mépris

La ligne est mince entre la critique et le mépris. Celui-ci se manifeste par les sarcasmes, l’ironie et la moquerie («Tu es vraiment très doué pour t’inventer quelque chose à faire quand vient le temps de t’occuper des enfants»; «Ton charme est tellement irrésistible, je suis sûr que tu n’as rien eu à faire pour attirer son attention»). Il est alimenté par des pensées négatives longuement entretenues au sujet du partenaire. Dans ce cas, nous avons moins tendance à considérer les comportements qui nous permettraient de nuancer notre perception de l’autre.


La défensive

La critique et le mépris conduisent habituellement à une position défensive chez la personne visée, qui cherchera alors à se justifier, à nier ou à contrattaquer. Cela ne donne rien de bon. La contrattaque entraine généralement une escalade du conflit.


Le mutisme

À un certain stade dans cette escalade, la négativité prend toute la place et amène l’un des deux partenaires à se désengager et à se fermer à toute discussion-sérieuse. Après le fight, le flight. Lui parler est comme parler à un mur. Si vous reconnaissez votre conjoint, c’est que dans 85% des cas, ce sont des hommes qui adoptent ce comportement au sein des couples.


Que faire?

S’intéresser à l’autre. Le questionner, s’enquérir de ses projets, de ses états d’âme. 

Examiner notre façon de communiquer. Offrir une écoute attentive et empathique, sans jugements, conseils ou résolutions de problèmes non sollicités, et nous interroger sur le but de nos propos; exprimer nos sentiments de façon efficace. Cela suppose de dire ce que nous éprouvons avec clarté, respect et bienveillance, en insistant sur nos besoins («Je ressens...»; «J’ai besoin que tu...»), afin d’éviter de blâmer ou d’attaquer l’autre.

Mettre l’accent sur les interactions positives. Prendre le temps de poser des gestes quotidiens qui montrent que nous sommes attentifs, solidaires et affectueux. Cet aspect est d’une grande évidence, mais comme nous passons tellement de temps sur le pilote automatique, englués dans nos préoccupations, il peut s’écouler des jours sans que nous n’interagissions de manière véritablement positive avec notre partenaire. 

Ne pas attendre six ans avant de consulter un professionnel! La séparation peut être plus facilement évitée si une consultation a lieu au cours de la première année pendant laquelle apparaissent les indices que le couple est en mauvaise santé relationnelle.

Trop de couples vivent leur relation comme une longue suite de petites et de grandes agressions. Cela, évidemment, est insensé. Les relations de couple étant très fortement corrélées au bien-être, il est grand temps de déployer notre intelligence pour mieux comprendre comment interagir de façon bienveillante et constructive avec notre douce moitié. 


Pour aller plus loin

Bien ensemble, David Burns, Belfond, 2010.

The Seven Principles for Making Marriage Work, John M. Gottman, Three Rivers Press, 2000.

Marriage Rules. A Manual for the Married and the Coupled Up, Harriet Lerner, Gotham Books, 2012.


Isabelle Dumont, docteure et TS, est chargée d’enseignement et superviseure à la Clinique de médecine familiale Notre-Dame, et professeure associée à la Faculté de médecine de l’Université McGill. Elle anime des groupes de soutien pour la Société canadienne du cancer et reçoit des clients en consultation au Centre d’éducation en psychologie, à Montréal.

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