Chronique d’une mort annoncée

Lucien Desbiens
Photo: The Gazette (archives)
Publié le :
Autre époque

Chronique d’une mort annoncée

Pour commémorer son 25e anniversaire, le quotidien Le Devoir publiait en 1935 «Comment se fait Le Devoir». Dans un chapitre, le critique théâtre et cinéma Lucien Desbiens parle de son secteur.

Sans doute pour me punir de quelque obscure fredaine ou peut-être de quelque accroc à la ponctualité, mon directeur me force, cruellement, à parler de théâtre, alors qu’il sait fort bien que le théâtre n’est plus qu’un mythe à Montréal.

Comme scènes régulières de théâtre français mixte, nous n’avons pas grand’chose à Montréal; et le peu que nous avons doit plutôt nous humilier que nous enorgueillir. Deux scènes dans l’est de la ville, l’une où l’on joue de l’affreux mélodrame, l’autre où un pitre se laisse aller aux pires excentricités devant un auditoire louche.

Le chroniqueur de théâtre, par le temps qui court, n’est-il pas justifiable de n’apporter aucun gout et encore moins d’enthousiasme à la rédaction de ses chroniques théâtrales, sans compter que les heures précieuses qu’il perd à s’abrutir à des spectacles médiocres pourraient plus judicieusement servir à autre chose? Cette médiocrité même du théâtre, chez nous, est peut-être le dernier sursaut d’un art qui se meurt, déjà vaincu d’avance par le cinéma qui sera, qu’on le craigne ou non, la formule de l’avenir. Tout ce que nous présentent nos écrans n’est pas beau et bon; mais on peut dire qu’en général, la moralité et aussi la qualité du spectacle y sont mieux observées. Quant au chroniqueur de cinéma, il a un double avantage sur le chroniqueur de théâtre; il peut se coucher à une heure plus normale; il n’a pas à lutter contre l’influence des artistes ou des demi-artistes, des directeurs ou administrateurs, des m’as-tu-vu et des histrions vaniteux.

Voilà ce que je pense du théâtre français à Montréal. La brève expérience que j’en ai m’en a déjà dégouté.

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