Les principes qui guident Guy Rocher

Photo: Cindy Boyce
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En principes

Les principes qui guident Guy Rocher

Le sociologue québécois nous présente quelques-uns des principes qui guident ses actions et donnent du sens à sa vie.


Le souci de vérité

J’ai enseigné pendant plus de 50 ans. J’ai en même temps consacré une grande partie de ma carrière à la recherche. Ces deux métiers sont structurés autour d’une valeur primordiale, le souci de véracité. Enseigner, c’est inculquer des réflexes d’analyse et favoriser l’esprit critique. Faire de la recherche, c’est tenter de mettre au jour des mécanismes, des complexités, des vérités—petites ou grandes. Ce fut pour moi un honneur et une responsabilité de travailler à les répandre, tout en gardant la liberté de les discuter, voire de les remettre en question. Car ce n’est pas simple : la vérité est exigeante; la fabulation, la fausseté, le mensonge sont faciles et courants.



L’indulgence face à l’erreur

Paradoxalement, la recherche de la vérité s’accompagne d’une certaine bienveillance à l’endroit de l’erreur. Les Anciens le savaient bien: errare humanum est, disaient-ils. Elle fait partie de toute démarche d’apprentissage, de tout nouveau projet. On progresse en identifiant un problème, en le contournant, en le corrigeant. J’ai appris à ne pas m’étonner ni me scandaliser de l’erreur—les miennes comme celles des autres. Et j’ai cherché à les combattre, avec tout le respect que doit le combattant à un puissant et vénérable ennemi, qui est souvent en nous mêmes. Ainsi, à mon âge dit avancé, les souvenirs abondent. Mais la mémoire est faillible: il m’arrive de me tromper de date, de nom, d’évènement, de chronologie, quand on m’interroge sur un passé que j’ai connu. J’ai parfois peiné à rectifier. La vérité a tous les droits sur l’erreur.


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L’ouverture et la curiosité

Dans mon enseignement, j’ai cherché du mieux que j’ai pu à inspirer la curiosité chez mes étudiants. Car au-delà des savoirs et des théories, c’est l’envie d’apprendre qui reste. Le monde est rempli d’énigmes, qui piquent ou devraient piquer notre intérêt: il est une source de questionnements inépuisable. La curiosité toujours en éveil, c’est le sel de la vie: c’est une importante raison de vivre et de continuer à vivre. Elle m’a aidé à m’intéresser aux autres, à sortir de ma bulle et aussi à m’adapter à de nouvelles situations, à de nouvelles conditions de vie. À plus de 90 ans, elle éclaire encore chacune de mes journées



La défense du bien commun

Cette expression a perdu la faveur qu’elle eut autrefois. Il faudrait à mon sens la remettre sur le marché des idées sociales, du discours privé et, surtout, du discours public. Le bien commun, c’est l’ensemble des conditions les plus favorables à la bonne vie de chacun et de tous. Parce qu’il pose un but collectif où chacun se retrouve, il est l’antithèse de l’individualisme courant et du repli sur soi. Il est le socle d’une Cité.



L’implication

C’est d’abord ouvrir les deux yeux, regarder autour de soi, constater qu’il y a des choses à faire et que l’on peut être utile. Les causes auxquelles on peut apporter son appui, son coup de main— son coup de pied à l’occasion— ne manquent pas. On ne se retrouve pas toujours du côté de la majorité, mais peu importe. Plus on s’engage, plus on découvre que les fronts à défendre se multiplient. On se rend compte que la justice, la liberté, l’égalité ne sont pas des valeurs abstraites; elles sont des projets à réaliser dans des situations et des contextes bien concrets.



L’indignation

Il y a tant de raisons de s’indigner. Comment rester indifférent devant les énormes écarts de richesse et de confort entre une minorité de très riches et une multitude d’enfants grandissant dans la misère et la pauvreté ? Il faut se soulever devant tous les comportements motivés par l’appât du gain: les guerres meurtrières, généralement inutiles parce que mues par des intérêts mesquins, l’obstination à ne pas reconnaitre les menaces quotidiennes faites à la planète, le recours aux paradis fiscaux. La poursuite de la paix, de la justice sociale et la réduction des inégalités sont un objectif sans fin. S’indigner, ça fait du bien, à soi et parfois aux autres.


Formé à Harvard, Guy Rocher enseigne la sociologie depuis les années 1950. Désormais professeur émérite, il a occupé un poste de chercheur au Centre de recherche en droit public de la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Il a été membre de la commission Parent, sous-ministre au Développement culturel et au Développement social et a participé à l’élaboration de la Charte de la langue française (1977). Il a publié une vingtaine d’ouvrages.

1 commentaire :
Dany Dufour :
dimanche 12 mai 2024 à 20 h 14
Merci beaucoup pour votre message humaniste et profondément rempli d’amour pour vos semblables. Vous êtes l’exceptionnel humain qui manque aux dirigeants de ce monde en folie, ils devraient tous vous lire.
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