Des voix s’élèvent contre la transphobie
Plusieurs militant·e·s observent actuellement un recul des droits des personnes LGBTQ+ en France. Adèle Surprenant est allée à leur rencontre.
Quatre correspondants nous donnent des nouvelles de leur coin du Canada.
Coordination: Clément Sabourin
Dans un nuage de pesticides
Basavilbaso, Argentine—Des vaches, des gauchos à cheval, des champs. Une odeur de viande grillée et un petit air de tango, pianoté sur un vieux bandonéon. Ça, c’est pour la carte postale de la pampa argentine.
La réalité, c’est un territoire cédé presque aux deux tiers au soja transgénique, baigné dans une mer de pesticides. Autour, deux millions d’enfants à risque de développer de graves problèmes de santé pour avoir été exposés à ces substances, d’après l’ombudsman de l’Argentine.
La petite Julieta avait huit ans la première fois qu’un avion a largué sa charge de pesticides au-dessus de sa tête. «C’était la récréation. On jouait dehors et, d’un coup, on a entendu un bruit et l’odeur a commencé, raconte-t-elle en faisant visiter sa petite école entourée de champs dans la province d’Entre Ríos, à 300km de la capitale, Buenos Aires. Ma bouche est devenue toute sèche et je me suis mise à vomir.»
Sa maman, Mariela Leiva, aussi directrice de l’école, a lancé un mouvement national pour faire cesser l’épandage aérien en zone scolaire. Mais «ici, où que tu sois, dans ton salon, à l’école, au parc, le poison vient te chercher, souffle Fabian Tomassi. Il est partout et il est fait pour tuer sans distinction, que tu sois une plante, un insecte ou un humain».
Tomassi est l’un des opposants aux pesticides les plus connus d’Argentine. Il a longtemps rempli lui-même les cuves des avions chargés de l’épandage aérien. Aujourd’hui, il souffre d’une polyneuropathie toxique sévère, une maladie dégénérative directement causée par l’exposition aux pesticides. Alors qu’il a déjà pesé 80kg de muscles, il est maintenant réduit à 43kg de peau et d’os.
«Je suis la face cachée du succès», dit-il. Comme lui, des milliers d’Argentins sont intoxiqués dans l’ombre de la toute-puissante industrie agro-exportatrice, première productrice mondiale de farine et d’huile de soja. En zone agricole, le nombre de cancers dépasse de deux à quatre fois la moyenne nationale.
La situation est telle qu’un groupe de médecins et d’avocats a déposé une plainte devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme contre l’État argentin. Mais le gouvernement détourne le regard: il a adopté un train de mesures fiscales pour augmenter la production de soja et en doper les exportations.
Anne Caroline Desplanques • Journaliste scientifique basée à Buenos Aires, elle écrit notamment pour Québec Science et National Observer. Son reportage «Échangeur Turcot: histoire d’un passé fissuré» est paru dans NP02.
Le jour où Trump ira à Berlin
Berlin, Allemagne—Ils ne se sont jamais rencontrés, mais on imagine qu’un jour, dans un avenir proche, le nouveau président américain se rendra à Berlin pour voir son homologue allemande. Il l’annoncera sans doute en 140 caractères sur Twitter: «Je pars voir la super chancelière Angela Merkel et -l’incroyable peuple allemand.»
Bien évidemment, selon le protocole prévu pour les visites d’État, il sera d’abord accueilli au château de Bellevue par le président allemand, à qui il demandera certainement: «Où est Merkel?» Elle l’attendra dans la Chancellerie, à quelques centaines de mètres. Ce jour-là, les médias du monde entier filmeront la rencontre entre l’homme le plus puissant de la planète et la femme la plus puissante d’Europe—leurs sourires forcés, leur marche protocolaire sur le tapis rouge devant les soldats allemands.
Puis, enfin, Donald et Angela assisteront à la «surprise» préparée par la chancelière allemande: les hymnes des deux pays joués par un orchestre mixte de réfugiés syriens et de musiciens allemands. Les deux dirigeants disparaitront ensuite pour déjeuner ensemble et s’entretenir «avec respect, pour trouver des solutions et des compromis à [leurs] défis communs», selon la formule qu’ils répèteront ensuite aux journalistes, en conférence de presse.
Dans l’après-midi, la chancelière originaire de l’ancienne République démocratique -d’Allemagne accompagnera Trump pour lui montrer le mur de Berlin. «Quelle provocation!», commenteront les correspondants étrangers. Le soir, interviewé à la télévision germanique, le président américain ne manquera pas de dire qu’il a passé un «très bon moment avec Angie» et qu’il a trouvé le mur «très intéressant».
Un journaliste tentera alors de le piéger, en lui demandant s’il pense que les musiciens syriens qui ont interprété l’hymne quelques heures plus tôt sont une «erreur catastrophique», ou si Angela Merkel a bien fait de les accueillir, elle qui a ouvert la porte à un million de réfugiés. Habile, le blond le plus puissant du monde fredonnera la cinquième symphonie de Beethoven avant de répondre: «Ils ne ressemblaient pas vraiment à de grands musiciens allemands comme Mozart ou Wagner, mais c’était pas mal.» Une punchline de moins de 140 caractères qui ne manquera pas d’être twittée et retwittée par des milliers de personnes, dont Trump lui-même.
Jacques Pezet • Journaliste franco-hondurien installé à Berlin depuis 2014, il travaille pour les journaux français Libération et Rue89.
Les éprouvettes éprouvées
Moscou, Russie—Entassés dans un auditorium au décor soviétique, les grands noms du sport russe écoutent attentivement deux envoyés spéciaux de l’Agence mondiale antidopage (ama) égrener les efforts qui s’imposent à la Russie si elle veut réintégrer le sport international. L’exercice est diffusé sur les chaines d’État.
La Russie reconnait le problème du dopage chez ses sportifs, mais nie que le Kremlin et les services secrets aient quelque chose à voir là-dedans. Elle s’indigne donc des conclusions de l’ama qui soulignent l’existence d’un système de dopage institutionnalisé.
En découle une animosité généralisée à l’égard de cette agence basée à Montréal, et une méfiance vis-à-vis tout ce qui provient de cette ville: «Vous venez de Montréal? me lance un journaliste russe. J’espère que vous n’êtes pas comme Dick Pound et l’autre... McLaren.»
Et face à ce que certains présentent comme un complot occidental visant à ostraciser et à humilier la Russie, les autorités russes invoquent la transparence du système antidopage—n’ont-elles pas à maintes reprises ouvert la porte aux journalistes étrangers?
En mai 2016, le ministère des Sports a en effet organisé un voyage de presse, avec l’aide d’une agence de relations publiques britannique. Les médias étaient invités à interroger le ministre Vitali Moutko, à visiter l’agence antidopage russe rusada et le fameux laboratoire accusé d’avoir détruit plus d’un millier d’échantillons douteux.
L’ancien patron de celui-ci, Grigory Rodchenkov, devenu persona non grata en Russie, a été dans le collimateur de l’ama pour ses pratiques non orthodoxes et sa manipulation d’échantillons positifs. Exilé depuis aux États-Unis, Rodchenkov avait révélé le complexe stratagème pour -effacer toute trace de dopage chez les sportifs russes aux Jeux olympiques de Sotchi de 2014. Cela incluait le trafic nocturne d’échantillons d’urine et la préparation de cocktails alcoolisés contenant des substances dopantes. «Un drôle de bonhomme, raconte un de ses anciens col-lègues, Grigori Krotov. Si c’est vrai qu’il a fait ça, alors il a agi seul.»
Après une année passée à nettoyer les dégâts, le ministre Moutko a été promu au poste de vice-premier ministre, tandis que l’équipe d’athlétisme et les sportifs paralympiques demeurent à l’écart des compétitions internationales. La Fédération internationale de bobsleigh et de skeleton a même décidé de déplacer les épreuves du Championnat du monde qui devaient avoir lieu à Sotchi en février 2017 en raison du scandale du dopage. On se questionne sur la présence des Russes aux Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang, dans un peu plus d’un an.
Mais pendant ce temps, des publicités louant les bienfaits du meldonium—le produit interdit par l’ama en janvier 2016 qui a causé tant de tort aux sportifs russes—continuent d’être diffusées à la télévision.
Gabrielle Tétrault-Farber • Elle est correspondante pour l’Agence France-Presse à Moscou, où elle vit depuis 2013.
La Zumba ou la tombe
Manille, Philippines—Dario Albesa ne se rend plus au marché pour faire ses courses, pourtant situé à une dizaine de minutes à pied. Il vit cloitré chez lui. Ancien accro à la méthamphétamine, ce cinquantenaire vit dans la peur. Il craint de prendre une balle en pleine rue, car dans son quartier de Manille, il est toujours catalogué comme consommateur. Et aux Philippines, mieux vaut éviter de trainer une étiquette de toxicomane. Depuis l’arrivée au pouvoir de Rodrigo Duterte, fin juin 2016, il ne se passe pas une nuit sans la découverte de dizaines de corps criblés de balles dans la capitale. Le nouveau président philippin s’est lancé dans une guerre sans pitié contre le narcotrafic. Une croisade qui consiste à éliminer physiquement tous les trafiquants de drogues et leurs clients. Depuis sa prise de fonction, 5 000 personnes ont ainsi perdu la vie dans le cadre d’opérations de police ou de règlements de compte.
Les policiers ont la gâchette facile. Quant aux citoyens, ils sont encouragés par Rodrigo Duterte en personne à prendre les armes: «Le président a instauré une loi de la jungle qui ne nous laisse aucune seconde chance. Ça me met en colère», regrette Dario Albesa.
Les rares fois où il sort de chez lui, c’est pour se rendre à des cours de danse organisés par une élue de son quartier. Ces sessions hebdomadaires de Zumba ont pour but d’aider les toxicomanes à se sevrer.
Quand je retrouve Dario Albesa, il s’échauffe devant sa maison. Et il en fait des tonnes devant ma caméra: pompes, flexions, rotations des poignets. Il veut montrer qu’il est motivé à ne plus jamais retoucher au shabu, la méthamphétamine locale. Il affirme avoir décroché depuis juillet. «La danse m’aide à oublier la drogue. De toute façon, c’est la Zumba ou la tumba», s’amuse-t-il, pas peu fier de son jeu de mots. Je le suis jusqu’à la salle où une dizaine d’autres toxicomanes le rejoignent. Les enceintes grésillent et tous n’ont pas le rythme dans la peau. Après 45 minutes de danse, Dario Albesa est exténué. «Je suis claqué! Je sens que les résidus de la drogue sont évacués avec ma transpiration et je me sens bien», lâche-t-il en s’écroulant par terre.
Dario Albesa souhaiterait suivre une cure de désintoxication, mais il manque de temps et d’argent—il a deux enfants à charge. Alors pour l’instant, il va s’en tenir à l’unique antidote à sa portée: suer.
Ophélie Giomataris • Journaliste installée au Japon, elle a réalisé un reportage pour France 24 sur la macabre guerre contre la drogue menée par Rodrigo Duterte aux Philippines.
Plusieurs militant·e·s observent actuellement un recul des droits des personnes LGBTQ+ en France. Adèle Surprenant est allée à leur rencontre.
En reportage dans les Balkans, Pauline Gauer s’est arrêtée devant les vestiges des Jeux olympiques de 1984, reconquis depuis par la population locale.
Alexis Riopel accompagne des chercheur·euse·s sur les traces du déversement d’un porte-conteneur japonais au large de l’archipel.
Julien Lefort-Favreau mesure les conséquences du désinvestissement du gouvernement provincial sur le secteur de l’éducation supérieure.