Des voix s’élèvent contre la transphobie
Plusieurs militant·e·s observent actuellement un recul des droits des personnes LGBTQ+ en France. Adèle Surprenant est allée à leur rencontre.
Quatre correspondants nous donnent des nouvelles de leur coin du monde.
Coordination: Clément Sabourin
La Cascadie, enclave anti-Trump
Vancouver, Colombie-Britannique—Avec l’élection de Donald Trump, faire sécession est redevenu à la mode dans l’Ouest américain. Les Californiens ont été conviés à un référendum sur leur indépendance en 2019 et Brandon Letsinger, le fondateur de CascadiaNow!, surfe sur une vague de popularité sans précédent.
L’organisation, basée à Seattle, s’est fait remarquer à ses débuts en réclamant l’indépendance du Pacifique Nord-Ouest (de l’Oregon à la Colombie-Britannique en passant par l’État de Washington), avant de s’éloigner de la sphère politique pour devenir une ong à visée socioculturelle. «Depuis la présidentielle, notre ascension est impressionnante. Le soir du scrutin, vers 19h, lorsque Trump a commencé à gagner des voix, nous avons enregistré notre plus gros pic de connexion en dix ans d’existence», confie Brandon. Plus de 100 000 visiteurs et de 200 000 abonnés en ligne: des chiffres vertigineux pour cette petite équipe qui n’avait rien vu venir. «On a vendu tous nos drapeaux le lendemain de l’élection, alors qu’on pensait se servir de ces stocks toute l’année. Nous avons des centaines de nouveaux membres et des centaines de nouveaux bénévoles depuis.»
Il existe à l’heure actuelle deux jeunes branches se revendiquant de la «mouvance cascadienne»: Yes Cascadia qui, sur le modèle de la Californie, plaide pour un référendum populaire indépendantiste, et le Cascadia Independence Party, officialisé en janvier lors d’une convention dans l’État de Washington devant une poignée de conquis.
Aux États-Unis, comme au Canada, ce mouvement charpenté autour de valeurs locales et de préoccupations écologiques (le biorégionalisme) a de beaux jours devant lui. Selon David Tindall, professeur à l’Université de la Colombie-Britannique, «cette idéologie s’exprimera surtout par des mouvements sociaux. Il risque d’y avoir beaucoup de manifestations durant les quatre prochaines années».
«Je ne crois pas à une sécession, mais davantage à une coopération politique accrue sur le plan régional, le long de la chaine montagneuse des Cascades. Il y a par exemple des discussions pour un train à grande vitesse entre les États-Unis et Vancouver, poursuit-il. Des sociétés comme Microsoft ouvrent de plus en plus de vitrines à Vancouver pour chercher des employés hautement qualifiés.»
Sous une administration ouvertement climatosceptique, l’Oregon, Washington et la Colombie-Britannique vont resserrer leurs liens. «Les États opposés à la politique de la Maison-Blanche s’approprieront des questions généralement gérées au niveau fédéral, comme celle du climat», prédit M. Tindall.
En septembre déjà, la première ministre britannocolombienne et le gouverneur de Washington ont signé une entente afin de créer un hub d’innovation et de technologie entre Seattle et Vancouver. Le tout porté par un nouveau rassemblement annuel: la Cascadia Corridor Conference.
Anne-Diandra Louarn • Journaliste indépendante, elle vit depuis 2014 à Vancouver, où elle collabore avec Radio-Canada, Arte et RTL. Elle a auparavant travaillé à Figaro, au Monde et à France 24.
Denendeh, terre de 11 langues
Yellowknife, Territoires du Nord-Ouest—En plus de l’anglais et du français, neuf langues autochtones officielles sont reconnues aux Territoires du Nord-Ouest (tno). Pour cette terre—Denendeh—d’environ 45 000 habitants, cela parait fou. Le chipewyan, le cri, le gwich’in, l’inuinnaqtun, l’inuktitut, l’inuvialuktun, l’esclave du Nord, l’esclave du Sud ou le tłı̨chǫ qu’on entend ici appartiennent aux langues dénées, inuites et algonquiennes/cries.
Elles véhiculent une culture, mais également des traumatismes. Madelaine Pasquayak, professeure de tłı̨cho, parle d’une toute petite voix lorsqu’elle se remémore l’école qu’elle a rejointe à l’âge de cinq ans, à Fort Smith. «Il était interdit de parler notre langue. Mais les nonnes venues de Montréal, elles, conversaient en français. Pendant longtemps, entendre cette langue me ramenait à ces mauvais souvenirs. J’ai enfin trouvé le chemin de la guérison.»
Madelaine insiste: tant que les jeunes Autochtones ne pourront pas trouver un travail dans leur langue, il y a peu d’espoir. La professeure voit disparaitre les ainés un à un et, avec eux, une partie de cette culture qui repose sur des histoires orales.
Des initiatives existent heureusement pour la protéger. Le gwich’in, par exemple, n’est plus parlé que par environ 335 personnes au nord des tno. Une jeune femme, Jacey Firth-Hagen, a lancé une campagne sur les réseaux sociaux (#SpeakGwichinToMe) pour sensibiliser le grand public à la disparition de sa langue. Après sept ans de travaux, le Gwich’in Tribal Council vient quant à lui de publier des légendes racontées par les ainés sur YouTube en langue originale, sous-titrée en anglais.
Dans la lutte pour la préservation des langues, les Dénés peuvent compter sur Alessandro Jaker. Ce polyglotte américain enseigne à Dettah, une communauté reliée à Yellowknife par une route de glace. Linguiste, il apprend aux jeunes à lire et à écrire dans leur langue natale, ainsi qu’à utiliser les caractères particuliers sur ordinateur.
«Aujourd’hui, il existe des applications pour téléphone qui rendent ces langues plus accessibles. Toutes n’en sont pas au même stade, bien sûr, mais je suis très impressionné par ce qui est fait dans la région Sahtu, par exemple.»
Dans un Canada qui compte 58 langues autochtones, la plupart en voie de disparition, le premier ministre, Justin Trudeau, a promis une nouvelle loi pour en «assurer la protection et la revitalisation» et donner davantage de moyens aux écoles amérindiennes. Aucun détail sur le calendrier législatif n’a pour l’heure été fourni.
Les Premières Nations, les Inuits et les Métis représentent 4,3% de la population canadienne. Leurs idiomes sont les gardiens d’au moins 10 000 ans d’histoire transmise oralement de génération en génération. Ce sont donc des pans entiers de la culture qui doivent être sauvés d’un oubli irréversible.
Mélinda Trochu • Rédactrice en chef de cklb Radio et journaliste multimédia, elle vit à Yellowknife.
Marquer le territoire
Nehekau Shipi, Québec—À Nehekau shipi, un embranchement de la rivière du Petit-Mécatina, le réveil se fait chaque jour à 4h du matin. Le poêle crépite, le fanal bourdonne; la lumière qu’ils produisent illumine brusquement la tente, indiquant invariablement qu’il est temps de s’activer pour préparer le déjeuner.
Dans la communauté innue Unamen Shipu, il n’y a pas d’accès routier, la vie suit le rythme des bateaux de ravitaillement. Pour rejoindre les territoires de chasse comme celui où nous sommes aujourd’hui, l’hydravion s’impose. À l’intérieur des terres, le temps est occupé à arpenter le pays, à pied et en canot, à trapper et à chasser les animaux qui seront partagés de retour au village.
Pendant ces longues journées, on réalise rapidement qu’un territoire, ce n’est pas seule-ment la somme des arbres et des animaux qui s’y trouvent. C’est un tissu de souvenirs, qui marquent l’esprit de ceux qui l’ont arpenté, mais aussi la terre—les anciens sites de campe-ment, les chemins de portage, les sépultures. Lors d’une pause au sommet d’une dune en bordure de la rivière, un de mes compagnons me confiait ainsi: «Je venais glisser ici quand j’étais enfant. On patinait, un peu plus loin là-bas, avec les patins que mon grand-père nous avait faits. Mes meilleurs souvenirs d’enfance sont ici.»
Pour entretenir la mémoire et conserver ces marques, il faut retourner chaque année au territoire, l’arpenter et le raconter. Une ainée m’a averti: si les Innus venaient à ne plus y retourner, la forêt se refermerait sur les chemins de portage et les sites de campement, les laissant oubliés pour toujours.
Du haut de la falaise, mon compagnon de chasse me disait: «Ça pourrait être la dernière fois que je viens ici. Si le barrage est construit, tout sera inondé et nous perdrons notre territoire.» Depuis les années 1980, Hydro-Québec a construit quelques installations—dont une piste d’atterrissage—en bordure de la rivière du Petit-Mécatina. Sans annonce officielle. Mais ce projet de barrage est l’épée de Damoclès qui pèse sur Unamen Shipu. Il impliquerait la perte du territoire, du souvenir et des traces de ceux qui ont marché et raconté avant eux.
Émile Duchesne • Il est journaliste indépendant et fait des études supérieures en anthropologie.
Dompter la baie de Fundy
Moncton, Nouveau-Brunswick—Un impressionnant spectacle se produit deux fois par jour dans la baie de Fundy, entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Au rythme des marées, 115 milliards t d’eau entrent et sortent du bassin, provoquant des mascarets, des tourbillons et des fluctuations de profondeur dépassant régulièrement les 20m de haut.
Ces marées fascinent depuis l’arrivée des colons français en Acadie. Dès 1607, des moulins alimentés par le mouvement de l’eau ont été construits près de la baie. Un peu plus de 400 ans plus tard, un exploit d’ingénierie digne de la science-fiction tente de mettre la mer au service de l’humain. Le 7 novembre dernier, une turbine de 300t a été plongée dans le passage Minas, à l’extrême est de la baie de Fundy. Il s’agit de la première turbine marémotrice en eau vive d’Amérique du Nord.
Pour ne pas la voir détruite par le courant—comme lors d’une première expérience, il y a 8 ans—, l’hydrolienne a été fixée à une base de 700t. La structure sous-marine fait la taille d’un édifice de 6 étages.
En tournant à une vitesse moyenne de 6 à 8 révolutions par minute, les 10 lames de plastique à renfort de fibres de verre génèrent 2mw d’énergie, l’équivalent de 1 000t de charbon.
Dans le plus optimiste des scénarios, un parc de dizaines de turbines sous-marines exploitera l’énergie des marées de Fundy d’ici 2028. Il transmettra 300mw au réseau d’énergie néo-écossais par câbles sous-marins, assez pour alimenter 75 000 foyers. De quoi nourrir l’imaginaire sur le plan économique. Une étude menée par un groupe indépendant estime que ce parc créera de 4 000 à 22 000 emplois d’ici 2040. Mais surtout, ces hydroliennes doivent guider la Nouvelle-Écosse vers un avenir plus vert. À l’heure actuelle, 75% de l’énergie dans la province est produite à partir du charbon.
Bien que le potentiel soit grand, son développement dépend de l’ingéniosité humaine, de la volonté politique et des marchés. En attendant, les résidents des provinces maritimes ont le droit de rêver.
Jean-Marc Doiron • Il est journaliste pour le quotidien francophone provincial du Nouveau-Brunswick, Acadie Nouvelle.
Plusieurs militant·e·s observent actuellement un recul des droits des personnes LGBTQ+ en France. Adèle Surprenant est allée à leur rencontre.
En reportage dans les Balkans, Pauline Gauer s’est arrêtée devant les vestiges des Jeux olympiques de 1984, reconquis depuis par la population locale.
Alexis Riopel accompagne des chercheur·euse·s sur les traces du déversement d’un porte-conteneur japonais au large de l’archipel.
Julien Lefort-Favreau mesure les conséquences du désinvestissement du gouvernement provincial sur le secteur de l’éducation supérieure.