Biorégion ou barbarie
Et si le projet biorégional pouvait nous aider à traverser l’effondrement? Dans cet extrait de l’essai «Faire que!», récemment paru chez Lux Éditeur, l’auteur et philosophe Alain Deneault appelle à un certain retour à la terre.
Dans son essai intitulé Des quartiers sans voitures paru aux éditions Somme toute, le maire de Laval tire les plans de sa ville idéale. Il partage un rêve urbanistique ambitieux, des idées concrètes qui n’ont rien à voir avec les «éco-quartiers» des promoteur·trice·s immobilier·ière·s.
Même si Laval a l’une des agences de transport en commun les plus innovantes au Canada, qu’elle possède des infrastructures de transport en commun lourdes comme des stations de métro et des gares de train, et que plusieurs de ses quartiers soient assez denses, l’automobile reste la norme culturelle. Selon un sondage mené par la municipalité, 57% de la population considère que «l’accessibilité à un stationnement à un cout raisonnable est un élément important de la qualité de vie1Enquête menée à l’interne par le Département des communications de la Ville de Laval.».
Mais il faut briser cette façon de voir les choses, car la voiture vient également avec d’autres effets indésirables sur le plan social, économique et environnemental. Je me suis donc demandé s’il y avait d’autres façons de développer la ville de manière à pouvoir se déplacer où nous le voulons, quand nous voulons. Car après tout, c’est ça que nous recherchons: la liberté de mouvement.
Afin d’amorcer la réflexion, le premier paradigme auquel nous devons nous attaquer est l’idée qu’il faut un véhicule pour se déplacer d’un bâtiment à un autre. Qu’arriverait-il si les quartiers étaient connectés au reste de la ville par la voiture ou le transport en commun grâce à un stationnement public ou un arrêt d’autobus à leur entrée, mais que nous faisions nos déplacements à pied ou en transport actif à l’intérieur de ceux-ci ?
En éliminant les rues locales, les places de stationnement et les garages, nous économiserions beaucoup d’espace. Les distances à parcourir entre chaque bâtiment seraient ainsi réduites. Par conséquent, il serait plus facile et rapide de les parcourir à pied ou à vélo. Plutôt que d’y retrouver des rues et des cases de stationnement, on y retrouverait des allées piétonnes bordées d’arbres, de fleurs et de jardins. Sans voitures dans les rues, le quartier serait non seulement plus silencieux, mais aussi plus sécuritaire pour y laisser jouer les enfants, il serait plus agréable de s’y promener, d’y lire un livre sur un banc public ou d’y prendre un verre sur une terrasse. Les rues seraient également plus animées. Pour une personne âgée qui utilise un déambulateur ou quelqu’un en fauteuil roulant, il serait également beaucoup plus plaisant et sécuritaire d’y circuler.
Ainsi, on se sentirait un peu plus proche de nos voisin·e·s, les taxes seraient plus basses, tout comme les loyers et les hypothèques, grâce à l’élimination des infrastructures locales vouées à la voiture. L’absence d’asphalte pourrait laisser place à plus d’espaces verts et de végétation, réduisant du même coup les ilots de chaleur en été. Il serait probablement plus facile d’y tisser des liens avec le voisinage, car nous ne serions plus isolé·e·s dans l’habitacle de notre voiture. Avec le gain d’espace, les nouveaux projets d’habitation n’auraient pas besoin d’être construits en hauteur pour atteindre une plus grande densité à l’échelle du quartier, des garderies et des écoles à distance de marche pourraient voir le jour. Les parents passeraient moins de temps sur la route pour aller y déposer les enfants. Plus actifs et moins exposés aux pollutions atmosphériques et sonores, les gens y vivraient plus détendus et en santé. On y construirait un heureux mélange de maisons unifamiliales, de plex et d’édifices de logements afin de répondre aux besoins de chaque ménage et ainsi assurer une mixité. Grâce au système de transport mis en place, il serait facile pour les gens en visite d’y venir.
Avec le gain d’espace, les nouveaux projets d’habitation n’auraient pas besoin d’être construits en hauteur pour atteindre une plus grande densité à l’échelle du quartier, des garderies et des écoles à distance de marche pourraient voir le jour. Les parents passeraient moins de temps sur la route pour aller y déposer les enfants.
Bref, un quartier sans voitures pourrait représenter cet équilibre entre qualité de vie et développement durable. Il pourrait correspondre aux besoins des familles, tout en contribuant à résoudre les enjeux environnementaux, économiques et sociaux auxquels font face nos villes. Bien que cette vision puisse sembler radicale par rapport à ce qui se fait aujourd’hui en Amérique du Nord, elle est loin d’être irréaliste et pourrait bien représenter le futur de nos villes.
Quelques exemples de quartiers sans voiture
Pontevedra (Espagne)
Même si la ville de Pontevedra date de l’époque médiévale, cela ne l’a pas empêchée de démarrer le XXIe siècle avec audace en bannissant les voitures de son centre-ville. Voilà bientôt deux décennies qu’une bonne partie de la ville est sans voitures.
Cinque Terre (Italie)
Les villages sont pratiquement inaccessibles en voiture, ce qui fait que les gens s’y déplacent à pied et empruntent le train lorsqu’ils veulent en sortir ou aller au village voisin. Il s’agit d’une version antique de ce qui pourrait être fait aujourd’hui.
Vauban (Allemagne)
Lorsque l’armée française a quitté la ville de Fribourg-en-Brisgau en Allemagne de l’Ouest, celle-ci s’est retrouvée avec une base militaire désaffectée. Longtemps considérée comme un squat, la Ville a décidé d’en faire un quartier modèle 124 dans les années 1990.
Stéphane Boyer est le maire de Laval. Il est également l’auteur du récit de voyage Un monde de différence (Bertrand Dumont éditeur) et de l’essai Des quartiers sans voiture, paru aux éditions Somme toute.
Pour aller plus loin
Des quartiers sans voiture, un essai de Stéphane Boyer paru aux éditions Somme toute le 13 septembre dernier.
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