Colombe St-Pierre

Vanessa Allnutt
 credit: Illustration: Isabelle Arsenault
Illustration: Isabelle Arsenault
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Visages du Québec Nouveau

Colombe St-Pierre

Pour la chef bicoise, la cuisine est plus qu’un simple plaisir de la table. C’est d’abord une affaire de politique.

«La cuisine doit être plus engagée que jamais», affirme Colombe St-Pierre, lorsqu’on la questionne sur l’avenir de la gastronomie québécoise. «Il y a beaucoup de produits qui ont disparu et qui continueront de disparaitre. Pour bien manger, il faudra faire des choix et prendre position.» Identité régionale, approvisionnement local et autonomie alimentaire, voilà quelques principes qu’elle défend depuis 15 ans, devant et derrière les fourneaux, et pour lesquels elle continue de militer chaque fois qu’on lui tend le micro.

Son histoire commence sur l’ile Bicquette, un lieu idyllique situé dans l’estuaire du Saint-Laurent, à quelques kilomètres de la côte, face au village du Bic. C’est là, dans un lieu interdit aux visiteurs où nichent des milliers -d’eiders à duvet, qu’elle passe les premières années de sa vie. Son père, un original, y est gardien de phare; c’est sa mère qui s’occupe des petits. Lorsque ceux-ci arrivent en âge d’aller à l’école, la famille repart s’installer sur la terre ferme, non sans retourner sur l’ile chaque été. Au primaire, Colombe s’attire les moqueries des autres enfants: on est en 1984, et Céline Dion chante «Une colombe» pour le pape Jean-Paul II. Longtemps, elle sera tenue à l’écart. Une marginalité qu’elle revendique aujourd’hui.

Comme bien des jeunes de son âge, Colombe St-Pierre quitte la région après la fin de son secondaire. Elle s’inscrit au cégep du Vieux-Montréal, où, en véritable touche-à-tout, elle se frotte à plusieurs domaines d’études. Pour gagner sa vie, elle fait la plonge dans un restaurant de la rue Ontario. Peu à peu, elle monte en grade dans différents établissements de la ville, jusqu’à devenir brièvement chef d’un petit bar à vin. Elle a 18 ans.

St-Pierre ne fréquentera jamais l’école culinaire. Les années qui suivent sont plutôt faites de voyages—Australie, Europe, Asie—où elle s’imprègne de la culture des pays qu’elle visite. Après huit années à parcourir le monde dans tous les sens, elle revient au Bic en 2004 afin d’y ouvrir son propre restaurant, avide de mettre en valeur la générosité du terroir bas-laurentien. Malgré les rigueurs du métier, elle fonde une famille avec son conjoint. Ils ont aujourd’hui trois jeunes enfants.


La cuisine nous convie à réfléchir à la façon dont notre alimentation nous définit.

Chez St-Pierre est devenu au fil des ans un fleuron du Bas-Saint-Laurent, faisant de cette région une destination agrotouristique fort prisée, ce qui a notamment valu à la Bicoise d’être sacrée chef de l’année en 2018 lors du tout premier gala des Lauriers de la gastronomie québécoise. Une double reconnaissance pour celle qui cherche à donner plus de visibilité aux femmes dans un milieu encore fortement dominé par les hommes. Depuis, St-Pierre profite de toutes les tribunes qui lui sont offertes pour éveiller les consciences. Si les arts de la table sont souvent associés dans l’imaginaire populaire à un mode de vie hédoniste, elle y voit plutôt une responsabilité à l’égard de notre héritage culinaire, dans lequel elle reconnait un marqueur de culture.

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