Manger comme un homme

Mickaël Bergeron
Photo: Jessica Garneau
Publié le :
Idées

Manger comme un homme

Les breuvages et les aliments ont-ils un genre? Dans Cocorico, son essai nouvellement paru aux éditions Somme toute, Mickaël Bergeron s’intéresse aux clichés perpétrés par les «vrais mâles» autoproclamés. En voici un extrait.

Mickaël Bergeron

Celui derrière le compte Instagram @fighttoxicmasculinity, Michael Bejani, a déjà raconté que lorsqu’il baignait encore dans cette mentalité masculiniste toxique, il allait jusqu’à faire croire qu’il buvait du café alors qu’il buvait du chocolat chaud. Le chocolat chaud, écrit-il, ça ne faisait pas viril, mais le café, oui.

Ça m’a fait sourire, parce que je ne bois pas de café non plus, mais du chocolat chaud, aussi. Et, contrairement à lui, je ne l’ai jamais caché, mais j’ai déjà senti le jugement. Pas juste celui de se demander comment je fais pour me réveiller sans café, mais aussi le jugement de me prendre plus pour un gamin ou une espèce de princesse. Mais oui, je bois du doux chocolat chaud et je ne vois pas le problème avec ça!

Il y a quelque chose de similaire avec l’alcool fort. Un homme, ça aime «le fort». Ça connait ça, le fort. Un homme qui se gâte se commande un vieux whisky bien vieilli.

Moi, je ne tripe pas sur le fort. Ni sur les bières IPA. Ni sur le pastis. Ni sur le porto. J’aime les stouts torréfiées et chocolatées. Je n’ai pas l’impression que ça dit grand-chose sur ma masculinité.

C’est quand même drôle de voir qu’il y a des aliments qui sont «mâles» et d’autres non. Il y a quelques années, PFK avait fait une publicité pour un nouveau poulet croustillant, il me semble, et leur slogan était «manger comme un homme». Le gars, dans la pub, passait d’un jeune homme urbain à un bûcheron barbu après avoir pris une bouchée. Je ne sais pas comment ce genre d’idée peut passer toutes les étapes d’approbation.

Il y a quelques années–était-ce en 2017 ?–, j’étais dans un restaurant spécialisé en burgers. Sur le menu, il y avait des burgers pour hommes, massifs et débordants de viande et d’ingrédients, et des burgers pour femmes, petits ou végétariens. C’était tellement ridicule!

Ricardo aussi avait publié il y a quelques années un spécial «BBQ» pour hommes dans son magazine éponyme, avec plein de recettes de viandes. Accordons-lui tout de même d’avoir compris que c’était digne des années 1950; il a depuis publié d’autres numéros consacrés au BBQ sans pour autant l’associer à un genre en particulier.

Reste que, même aujourd’hui, en 2023, le barbecue est encore associé à l’homme et la cuisinière, à la femme.

Le steak, c’est mâle, le tofu, c’est féminin (je suppose). Les ailes de poulet, c’est mâle, les fondues au fromage, c’est féminin (j’imagine). Le bacon, c’est mâle, le creton, c’est féminin (je devine). Les côtes levées, ça, c’est mâle, une soupe, c’est féminin (je présume). Des piments forts, c’est mâle, du basilic, c’est féminin (je sais pas).

C’est tellement absurde. Tous les corps ont les mêmes besoins en nutriments (protéines, glucides, etc.). Après, c’est juste une question de goût, de culture et d’habitudes.


Mickaël Bergeron est chroniqueur pour le quotidien La Tribune à Sherbrooke. On lui doit également les ouvrages La vie en gros (2019) et Tombée médiatique (2020). Avant de gagner sa vie avec sa plume, il a animé plusieurs émissions à Québec et sur la Côte-Nord, tant pour Ici Première que pour des radios communautaires et privées.


Pour aller plus loin

Cocorico, un livre de Mickaël Bergeron paru aux éditions Somme toute

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