Des voix s’élèvent contre la transphobie
Plusieurs militant·e·s observent actuellement un recul des droits des personnes LGBTQ+ en France. Adèle Surprenant est allée à leur rencontre.
Quatre correspondants nous donnent des nouvelles de leur coin du monde.
Coordination: Clément Sabourin
Rio de Janeiro, Brésil
La sagesse du fou
Les apparences sont souvent trompeuses: les fous paraissent raisonnables, tandis que les gens raisonnables semblent fous.
Quand j’ai rencontré Sergio Ricardo, militant brésilien pour la défense de l’environnement, je me suis demandé si c’était lui, le fou.
Nous étions dans la baie de Guanabara, face à Rio sur la Ilha Seca, une petite ile située à une poignée de milles marins de la «cité merveilleuse», cet ancien dépôt pétrolier abandonné -depuis 50 ans et couvert de détritus est un symbole de la pollution qui défigure l’un des plus beaux littoraux au monde. En se frayant un chemin au -milieu des ordures, suivi de près par un groupe de chercheurs, de pêcheurs et de membres de la société civile, Sergio s’est écrié: «C’est un miracle!» Un miracle, ce spectacle désolant de poupées -démembrées, de restes de meubles et de -voitures, de bouteilles en plastique?
Mais Sergio a un plan ambitieux pour cet ilot d’un peu plus de deux hectares. Il a même obtenu un avis favorable du gouvernement de Dilma Rousseff, après dix ans de lutte. Il entend le transformer en réserve naturelle, et rien ne semble pouvoir l’arrêter: ni la bureaucratie brésilienne, ni la mainmise du tout-puissant groupe pétrolier Petrobras sur la baie depuis la découverte d’immenses champs pétrolifères sous--marins, ni la corruption rampante, ni même la crise politique qui a renversé le gouvernement.
«Le pouvoir veut nous faire croire que la baie est morte d’un point de vue environnemental, mais nous lui prouverons le contraire», assure Sergio. Ainsi la Ilha Seca deviendra le symbole de la lutte contre la destruction du littoral brésilien. Des mulets, des bars et autres poissons natifs de la baie seront élevés dans des aquariums installés à la place des anciennes cuves de la pétrolière Texaco. Dans ce qui reste des bâtiments—quelques murs ici et là—, un centre de recherche universitaire et un restaurant gastronomique verront le jour.
Sergio n’a aucun soutien financier, seule-ment des promesses, mais il assure qu’il n’abandonnera jamais. Et, dans le groupe qui l’accompagne, on est prêt à le croire. «C’est un visionnaire, il sait que ça va finir par arriver, remarque Frederico Tannenbaum, un entre-preneur high-tech qui l’appuie. Pour être un vrai leader, ne faut-il pas être un peu fou comme lui?»
Adèle Smith • Journaliste globetrotteuse, elle est en ce moment à Rio pour La Presse, le Journal du Dimanche, L’Obs et Le Monde.
Asosa, Éthiopie
Rien ne fera barrage à la «Renaissance»
Le long du Nil, les pyramides de Gizeh ont été érigées sur la rive gauche, et celles de Nubie, sur la droite. Symboles des anciennes puissances égyptiennes et soudanaises, qui, même sous protectorat britannique, ont régné en souveraines sur le fleuve.
Les accords coloniaux de 1959 ont donné à l’Égypte et au Soudan la quasi-totalité des droits sur le Nil, même si 80% des eaux déversées dans le delta proviennent du lac Tana, en Éthiopie.
Mais récemment, en amont du fleuve, l’État éthiopien s’est dressé devant les monopoles ancestraux: il est temps pour lui de jouir de ses ressources. Dénué de pétrole, «le château d’eau de l’Afrique» a pris conscience de son -potentiel. Le choix de l’énergie verte est une nécessité politique.
L’ancienne Abyssinie a sa fierté. Ce royaume multimillénaire, jamais colonisé, compte aujourd’hui 94 millions d’habitants. Et il voit grand. En 2010, alors que l’Éthiopie affichait une croissance à deux chiffres, le premier ministre Meles Zenawi lançait un mégaprojet: le barrage de la Grande Renaissance.
Les superlatifs inondent le vocabulaire quotidien. On parle du «plus grand chantier d’Afrique» sur «le plus long fleuve du continent». Le contrat est attribué à l’entreprise italienne Salini Impregilo, sans appel d’offres.
Le projet prévoit pour 2017 la construction sur le Nil d’un mur haut comme quatre statues de la Liberté, sur les reliques d’une forêt primaire déjà évaporée, à l’extrême ouest du pays. Dans cette région délaissée entre deux frontières, les montagnes cuisent sous un soleil implacable. Quand le réservoir sera rempli, six ans plus tard, elles ne seront plus que des ilots éparpillés. Pour l’ingénieur en chef au flegme religieux, ce lac artificiel deviendra à coup sûr «une attraction touristique mondiale». Et le pays, un puissant exportateur d’électricité.
En 2023, l’Éthiopie produira 6 000 mégawatts d’électricité, principalement voués à l’exportation vers les pays voisins, «et même jusqu’en Europe via Gibraltar», dixit notre ingénieur, sans sourciller. Un symbole de grandeur à 4,7 milliards$ US, financé uniquement par le contribuable éthiopien.
Pour sa «Renaissance», le pays emboite le pas à ses voisins. Le barrage doit être pharaonique.
Justine Boulo • Journaliste indépendante basée à Addis Abeba depuis 2013, elle travaille notamment pour Radio France Internationale.
Palmyre, Syrie
Une ode à la paix dissonante
Un jeudi après-midi de mai, l’amphithéâtre -romain de Palmyre—qui servait il n’y a pas si longtemps d’arène d’exécutions au groupe armé État islamique—, s’est métamorphosé en une improbable salle de concert. Sur scène, des rangées de musiciens de l’Orchestre du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, vêtus de noir sous un -soleil de plomb, leurs fronts ruisselant de sueur, ajustent leurs instruments à cordes et à vent. Derrière eux, une allocution de Vladimir Poutine est projetée sur grand écran. L’homme fort du Kremlin, contrairement à son ministre de la culture, n’a pas affronté les périls d’un -déplacement en Syrie.
Des œuvres de Bach, de Prokofiev et de Chtchedrine, menées par le célèbre chef d’orchestre Valeri Guerguiev, retentissent sur le lieu des massacres et octroient, aux yeux de la -population russe du moins, une certaine autorité -morale à leur pays. Le message: la Russie vainc la barbarie. Elle sème le bien, à coups d’archets et de frappes aériennes.
Les quelque 400 personnes présentes, dont un troupeau de journalistes strictement encadrés par des militaires russes, ont droit à un solo dissonant du violoncelliste Sergueï Roldouguine, ami de jeunesse de Poutine -épinglé des -semaines plus tôt dans le scandale Panama Papers.
La Russie, qui offre son soutien indéfectible au régime de Bachar al-Assad, s’efforce de se poser en messager de la paix, dans un conflit qui entame sa sixième année. Un panneau réu-nissant les portraits de Poutine et d’al-Assad, symbole d’une amitié que la pression internationale n’a su effriter, accueille les visiteurs à l’entrée des ruines de Palmyre. Mais l’ode à la paix sonne faux. À deux pas du site, les tirs d’artillerie vrombissent. Au loin, une colonne de fumée s’échappe du paysage urbain et noircit l’azur. Les quartiers résidentiels de Palmyre ont été désertés par les 70 000 personnes qui y vivaient avant la guerre. Sans électricité ni eau courante, la ville reste sous la menace d’une -offensive du groupe armé État islamique. À une dizaine de kilomètres de la Perle du désert, site inscrit au patrimoine mondial de l’unesco depuis 1980, des jihadistes viennent de s’emparer d’un énième village.
Le surlendemain, un soldat russe succombe après avoir reçu une balle à la tête dans la région de Homs. Ailleurs au pays, des civils meurent sous les bombes.
La musique n’adoucit pas les mœurs.
Gabrielle Tétrault-Farber • Elle est correspondante pour l’Agence France-Presse à Moscou, où elle vit depuis 2013.
Kyoto, Japon
Vivre dans l’appréhension du Big One
Dans notre petite machiya de Kyoto, je me -réveille en pleine nuit. Avec des enfants, il n’est pas rare que je sois alertée par un bruit dans la chambre d’à côté. Les deux respirations sont pourtant régulières, celle de mon amoureux aussi. Avant même que je ferme les yeux pour me rendormir, le tremblement de terre débute et j’agrippe le bras de Philippe, apeurée. Il se -réveille, mais c’est déjà fini. Une petite secousse de rien du tout, un Shindo 3, comme on le dit au Japon. Après un an et demi ici, c’est la première fois que je ressens un séisme.
Le Japon est posé sur quatre plaques tectoniques. Je me souviens encore du premier reportage que j’ai vu à la télévision, à mon arrivée: une animation 3D du glissement de terrain à prévoir, si un séisme de forte magnitude frappait la ville. J’ai regardé autrement Arashiyama, la «montagne de la tempête», qui domine le paysage.
Quatre jours après ce réveil nocturne, le 14 avril 2016 en soirée, c'est l'horreur. Plus loin au sud, la région de Kumamoto, sur l’ile de Kyushu, est secouée par un Shindo 7, un monstre. Blottie dans mon Kyoto, au centre de l’ile principale, je ne ressens rien. Mais j’ai une amie qui y habite. Je la texte, elle est saine et sauve, bien qu’elle vive dans la crainte des répliques qui ne cessent d’agiter Kyushu après ce premier séisme. On en a compté 1 400, qui ont laissé près de 100 000 personnes sans abri, puis causé 58 décès et fait d’innombrables blessés.
Le Japon est en alerte. Quand une plaque bouge beaucoup, comme ce fut le cas ce 14 avril, les autres ont tendance à «s’ajuster». Serait-ce un avant-gout du Tôkai, séisme majeur recensé tous les 100-150 ans, qui toucherait la sur-peuplée Tokyo? On a échappé à la catastrophe cette fois. Mais on a revu les consignes de sécurité, la trousse d’urgence est prête et notre cellulaire n’est jamais éteint, pour que nous puissions entendre l’alerte installée par défaut sur tous les téléphones japonais. C’est tout ce que nous pouvons faire.
Valérie Harvey • Écrivaine et sociologue installée à Tokyo, elle s’intéresse particulièrement aux difficultés rencontrées par les Japonaises lorsqu'elles veulent devenir mères.
Plusieurs militant·e·s observent actuellement un recul des droits des personnes LGBTQ+ en France. Adèle Surprenant est allée à leur rencontre.
En reportage dans les Balkans, Pauline Gauer s’est arrêtée devant les vestiges des Jeux olympiques de 1984, reconquis depuis par la population locale.
Alexis Riopel accompagne des chercheur·euse·s sur les traces du déversement d’un porte-conteneur japonais au large de l’archipel.
Julien Lefort-Favreau mesure les conséquences du désinvestissement du gouvernement provincial sur le secteur de l’éducation supérieure.