Biorégion ou barbarie
Et si le projet biorégional pouvait nous aider à traverser l’effondrement? Dans cet extrait de l’essai «Faire que!», récemment paru chez Lux Éditeur, l’auteur et philosophe Alain Deneault appelle à un certain retour à la terre.
Dans Ports d’attache, essai paru chez Québec Amérique, Karine Côté-Andreetti s’intéresse (notamment) à ces célibataires qui décident de fonder une famille d’un genre nouveau. À en croire ces adelphes de cœur, l’amour et la tendresse platonique sont un terreau fertile pour élever un enfant.
Geneviève: «Alors toi, si tu veux écrire sur la solitude dans la maternité, c’est que tu l’as vécue?»
Je souris. Je l’aime déjà. Oui et non, ma réponse est plate. J’ai un partenaire formidablement impliqué, mais je réalise, au fil de mes rencontres, que les origines de la solitude des mères sont multiples et que la rigidité des distinctions entre l’amour et l’amitié a beaucoup plus de poids dans la balance de la solitude qu’on le croit. Ces cases qu’on doit cocher, nous faisant exister en silos, l’orientation sexuelle, la monogamie, la mononormativité, elles nous briment lorsqu’on veut réinventer l’amitié et la famille de façons qui nous ressemblent et nous conviennent davantage.
Lors de mes rencontres avec des femmes hétérosexuelles, j’ai constaté que, parfois, les amitiés entre femmes sont si galvanisantes et profondes que ces mêmes standards semblent inaccessibles dans leurs relations avec des hommes, ce qui met parfois K.-O. leur relation amoureuse. Pour les mères, cette sensation jumelée à l’iniquité de la distribution de la charge mentale et du travail invisible fait émerger le rêve d’une parentalité entre mères, comme dans La Galère.
Je partage ces réflexions avec Geneviève, qui hoche la tête avec vivacité: Si L. et moi avions eu des conjointes plutôt que des conjoints, on n’aurait certainement pas eu la même histoire! Les relations hétérosexuelles font partie des choses qui nuisent à la sororité», me dit-elle avec ardeur et certitude.
Son histoire avec L. commence avec le besoin irrépressible de se faire jouer dans les cheveux, de se faire toucher par un autre être humain, besoin qui émerge lorsque Geneviève quitte son conjoint. Elle confie alors qu’elle a soif d’affection et d’intimité physique, mais qu’elle ne se sent pas prête à s’investir dans une relation avec un homme. «L. m’a répondu “Ben je vais venir, moi, te jouer dans les cheveux!” Et je me suis dit : HEIN? On peut faire ça? On a le droit de faire ça?»
Depuis, L. et Geneviève rejoignent souvent les bras de Morphée sous la même couverture. «Ça a été une petite révolution, pour moi! Je pensais que c’était la job d’un·e conjoint·e et que si tu en avais pas ou que ton chum partait une semaine, ben tu dormais toute seule et c’est tout. MAIS NON! On peut dormir avec des ami·e·s!»
S’est alors amorcée la déconstruction d’une multitude de concepts que Geneviève, a-t-elle réalisé, s’était fait enfoncer de force dans la gorge depuis ses premiers visionnements des films de Disney. En voyant L. lui faire son café le matin ou nettoyer son plancher pour lui donner un coup de main, l’idée lui est venue: pourquoi ne pas cohabiter?
«J’avais l’impression que tout serait plus facile, avec cette personne. Je n’ai pas d’attirance physique envers L., je ne suis pas en amour L., mais je l’aime, d’un amour valide et important.» Geneviève considère ses amitiés comme une forme de polyamour. Elle envoie des textos pour leur souhaiter «bon matin» et «bonne nuit». Ce sont ses partenaires de vie.
Moi : «Alors, qu’est-ce qu’une relation amoureuse t’apporterait de plus qu’une amitié?»
Geneviève: «Rien. C’est ça l’affaire! On peut dormir avec nos ami·e·s. Certain·e·s ont des relations sexuelles.. On peut habiter avec nos ami·e·s. On peut faire des enfants avec nos ami·e·s. Pourquoi les relations amoureuses sont toujours peintes comme étant le but ultime d’une vie?»
J’ai contacté Geneviève à la suite d’un article paru dans le 24 heures où elle partageait vivre un scénario digne de la télésérie La Galère: elle et quatre amies également monoparentales ont acheté un chalet ensemble où elles se réunissent pour y voir pousser leurs huit enfants, fleurir leur amitié et protéger leur santé physique et mentale.
Faire famille autrement–en y centrant l’amitié–est définitivement un modèle inspirant. La co-parentalité serait-elle une réponse salvatrice à la charge mentale? Tell me more, tell me more!
«J’ai toujours eu le fantasme d’un late baby–j’approche la quarantaine–mais je n’ai plus confiance depuis mon expérience de co-parentalité extrêmement difficile. Même chose du côté de L., qui vivait une insatisfaction face à la dynamique et la répartition de la charge mentale dans son couple. Puis L. m’a confié vouloir également un autre enfant.»
La graine était plantée et elle a germé rapidement.
«L’autre jour, ma fille a fait une crise d’anxiété et c’est L. qui l’a calmée. Moi, j’étais au bout de mes ressources. On partage les mêmes valeurs parentales, on a la même vision. J’aime qu’on partage le même espace. C’est rapidement devenu une évidence. Je ne ferai jamais confiance à un partenaire autant que je fais confiance à L. pour avoir un bébé. Et même si la cohabitation ne fonctionnait pas, je sais qu’on va séparer les dépenses équitablement, qu’on va régler les conflits sans judiciariser. Je nous vois nous débrouiller, on est tellement fort·e·s et hot! On a de bons outils, une intelligence émotionnelle développée, on va être des co-parents vraiment cool.»
Geneviève considère ses amitiés comme une forme de polyamour. Elle envoie des textos pour leur souhaiter «bon matin» et «bonne nuit». Ce sont ses partenaires de vie.
Le duo magasine actuellement un duplex où s’installer. L. est en couple et Geneviève aspire sincèrement à une relation amoureuse un jour, mais ça ne change rien à leur plan. Il s’agit de deux sphères de leur vie bien distinctes, loin des dynamiques patriarcales et hétéronormatives. «Si j’ai un chum, ça ne fera plus partie de ma vie familiale. Je veux des relations sexuelles et amoureuses avec des hommes, mais ça va exister en dehors de tout le reste. Récemment j’ai eu un flirt qui a mis fin à notre relation parce que je passais trop de temps avec mes amies. Mais je ne vais plus jamais prioriser un homme. Lorsque j’étais en couple avec le père de mes enfants, j’étais sa blonde, sa partner, son co-parent, sa meilleure amie, sa psy… il y a même un moment où tu te dis que tu n’as pas besoin des autres parce qu’on devient une bulle qui s’autosuffit. Quand ça s’est terminé, j’ai réalisé que je n’avais plus rien. Lorsqu’on associe relation amoureuse et famille, la famille éclate en même temps que le couple. Ça ne fait aucun sens.»
Les deux parents ont un noyau solide, leur famille choisie. D’ailleurs, leurs ami·e·s–avec qui ils partagent une hypothèque–trippent sur leur projet. « L’une d’elles m’a dit qu’elle aussi voulait faire un bébé avec nous! Juste d’en parler participe à la transformation de la pensée. Les réflexions font leur chemin. On élève déjà nos enfants ensemble, sous forme de village. Je n’ai pas une famille super fonctionnelle. Quand j’ai besoin d’aide, ce sont mes ami·es qui viennent garder mes enfants ou me cuisiner des petits plats.» Elle poursuit: «Je ne veux pas évacuer des figures masculines saines de la vie de mes enfants, mais j’ai la certitude que fonder une famille avec un·e ami·e ne peut certainement pas avoir un dénouement pire que celui de mes dernières relations hétérosexuelles! On n’a plus le choix, il faut essayer autre chose.»
Karine Côté-Andreeti raconte des histoires dans divers médias, devant une classe d’élèves au collégial ainsi qu’à ses trois enfants. Elle vulgarise de nombreux sujets de façon ludique et accessible sur les médias sociaux. Optimiste, révoltée et hypersensible, elle aspire à cultiver du grand grâce aux petites choses.
Pour aller plus loin
Ports d’attache: osons révolutionner nos amitiés de Karine Côté-Andreeti est paru aux éditions Québec Amérique.
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