Biorégion ou barbarie
Et si le projet biorégional pouvait nous aider à traverser l’effondrement? Dans cet extrait de l’essai «Faire que!», récemment paru chez Lux Éditeur, l’auteur et philosophe Alain Deneault appelle à un certain retour à la terre.
La contre-agriculture repose sur l’idée d’un nouveau pacte entre la société québécoise et son agriculture. Elle désire inspirer une culture agricole différente, libérée des complexes d’infériorité et des incohérences. C’est le refus des rouages actuels et la vision d’un paysage plus beau, plus sain, plus vrai. Un cri du coeur pour un Québec agricole vivant.
Si les grandes villes sont l’arbre de notre société du 21e siècle, les régions agricoles, elles, resteront toujours ses racines. Maltraiter ses racines, c’est mettre en péril son identité. Pourtant, il n’y a pas de Plan Nord pour nos régions agricoles: il n’y a pas de plan du tout. Elles sont colonisées par un néolibéralisme dogmatique. Moitié moins de fermes qu’il y a 50 ans, mais quelques intégrateurs. Moitié moins de commerces, mais des Walmart. L’avenir de nos régions agricoles est dicté par une poignée de gros joueurs.
Nous devons nous offrir un projet commun pour un Québec agricole libre; c’est ce que propose la contre-agriculture, en misant sur la créativité et l’expression sociale et identitaire. Ce courant de pensée est fondamental afin d’éviter la stérilisation et l’abrutissement de notre culture agricole.
Nos régions agricoles ont perdu la fierté et le dynamisme qui leur étaient propres. Des dirigeants politiques sujets au lobbyisme imposent des projets envahissants à des villages agricoles entiers, bradant nos ressources et imposant aux ouvriers agricoles une spécialisation qui va à l’encontre de leur mode de vie. La relève agricole, bouillonnante d’idées mais dépourvue de moyens, est confrontée à l’augmentation constante du prix des quotas dans les productions sous gestion de l’offre, à une syndicalisation unique et centralisatrice et au manque de soutien gouvernemental pour les productions émergentes. Le désir de dépassement est freiné. La diversité de nos récoltes est très pauvre, alors que notre territoire boréal et notre historique alimentaire permettent pourtant un nombre incaculable de techniques culturales. La créativité de nos agriculteurs n’arrive plus à germer.
Une société qui se respecte peut-elle accepter qu’une poignée d’entreprises contrôlent ainsi la chaîne alimentaire? La seule option qui semble se présenter aux agriculteurs passe presque exclusivement par les multinationales agropharmaceutiques. La grande majorité d’entre eux se noient dans les ingrédients synthétiques produits par ces multinationales, en dépit des nombreuses études confirmant leur toxicité pour l’environnement naturel et humain. Tristement, cette science agronomique appelée à tort «conventionnelle» semble être la seule planche de travail pour une majorité d’agriculteurs. Résultat: ils sont souvent perçus par la population urbaine comme des pollueurs à la mentalité dépassée. Cette désaffection et ce mépris durent depuis trop longtemps. Les agriculteurs ressentent de l’isolement social, ce qui occasionne de la détresse psychologique. Par amour inconditionnel de leur terre, les agriculteurs subissent inlassablement des contrecoups financiers et sociaux liés à leur mode de vie. Un peuple est en train de s’éloigner de ses racines, de son environnement et de sa solidarité identitaire.
Au sein de la population générale, des habitudes et des attentes nuisent aussi à l’essor d’une nouvelle agriculture. En tête d’affiche, notre désir nord-américain de tout vouloir payer moins cher. Nos aliments ne peuvent être vus comme une marchandise comme une autre. La pression actuelle sur les prix ne peut nous offrir que des aliments et des entreprises qui auront un impact négatif: des aliments industriels sans âme, produits en fonction de normes bactériologiques et phytosanitaires si élevées qu’elles fragilisent graduellement le corps humain; des aliments chimiques qui génèrent en nous des maladies virulentes et désorientent notre instinct à distinguer le naturel de l’artificiel. Il y a un prix à payer pour que les personnes qui nous nourrissent puissent vivre normalement de leur travail et évoluer dans une direction plus favorable au bien commun. Au lieu de constamment revenir sur le fait que certaines personnes n’ont pas les moyens de s’offrir une alimentation normale, posons-nous la question: notre système actuel est-il propice à l’équilibre social et à la santé de tous? Est-il d’intérêt public de manipuler ainsi les rouages de l’alimentation à des fins purement mercantiles?
La contre-agriculture ne se présente pas comme un remède miracle, mais elle regroupe une partie de ceux qui cherchent des pistes de solution.
Une société en quête d’un monde meilleur peut blâmer ses dirigeants et se contenter d’attendre, mais elle peut aussi choisir de se serrer les coudes et de se relever les manches. La contre-agriculture croit que la solution à nos problèmes agricoles se trouve dans un changement d’attitude chez la population générale.
L’éclosion d’un nouveau leadership agricole doit abattre le mur entre la société québécoise et son agriculture. Des objectifs doivent être partagés par un front commun regroupant les agriculteurs, les artisans, les pêcheurs, les cueilleurs, les -restaurateurs, les épiciers, les professeurs, les médias, les chercheurs, les historiens, les politiciens, les agronomes, les nutritionnistes et, ultimement, les consommateurs, sans qui aucun véritable changement n’est possible.
Alex Cruz et Cyril Gonzales sont les fondateurs de Société-Orignal, une entreprise militant pour que l’agriculture soit reconnue comme une expression sociale moderne.
Voici les idées que partagent les endosseurs de la contre-agriculture:
Nous rompons avec l’agriculture industrielle, et favorisons la préservation d’une classe agricole libre, porteuse de l’empreinte d’un peuple nord-américain. Nous créons sans complexe, avec les moyens du bord, une alimentation -boréale moderne représentative de nos diversités territoriales et culturelles. Nous considérons comme important d’être de notre environnement.
Nous croyons qu’il faut unir les Québécois autour d’un nouveau projet: jeter les bases d’une nouvelle cuisine québécoise à la fois moderne et traditionnelle. Une cuisine d’affirmation locale basée sur l’éthique, la simplicité et l’appartenance.
Nous réapprivoisons la terre-mère. Nous vivons avec elle et non sur elle, nous nous émerveillons à nouveau, et ce, comme bon nous semble.
Avec curiosité, nous nous penchons sur la richesse de notre tissu social: Amérindiens, Français, Britanniques et autres apports issus d’une migration plus récente. Il nous faut tisser des liens entre nous.
Nous voulons des aliments ayant préservé leur essence naturelle. Nous doutons que les intégrateurs du Québec et que la science agropharmaceutique aient conscience de ce qu’est un aliment. Nous doutons aussi que le monopole syndical de l’Union des producteurs agricoles (upa) respecte les réalités, les valeurs et la liberté d’expression de tous ses -membres. Nous doutons que les appellations contrôlées et les normes standardisées soient adéquates, et nous les croyons peu pertinentes pour notre avenir. Nous voulons revenir à l’expression de notre joie de vivre à travers l’alimentation. Un retour à la simplicité avec des semences, des récoltes sauvages et des techniques représentatives de la singularité de notre climat naturel et culturel. Des aliments qui utilisent moins d’énergie, moins de travail au sol, moins de manigances, moins de synthèse. Nous voulons des aliments transparents, vrais, qui reflètent l’identité de leurs producteurs.
Nous croyons que l’avenir des régions doit toujours reposer entre les mains des familles agricoles, fers de lance de l’occupation du territoire et de l’essor de la ruralité rebelle. Les investissements doivent être dirigés dans la stimulation de la biodiversité et la préservation de l’intégrité de ces familles.
Nous désirons que les dirigeants politiques instaurent des lois qui favoriseront de nouvelles dynamiques au sein du milieu agricole et de la distribution alimentaire au Québec. Qu’ils établissent le plus tôt possible un plan de remboursement des quotas sous gestion de l’offre afin de mettre fin au mirage du protectionnisme. Qu’ils jettent un regard nouveau sur le processus des achats institutionnels, octroyés au plus bas soumissionnaire. Qu’ils arrêtent de subventionner à perte certaines productions; notre agriculture n’est pas un filet social, le problème n’est pas les subventions, mais bel et bien la spéculation immorale qu’elles encouragent.
Nous habitons un territoire à la fois fertile et dangereux. Nous sommes tous ceux qui partagent une vision sensible aux besoins de leur époque et veulent participer à la construction d’une nouvelle agriculture québécoise. Par le fait même, nous édifions un modèle qui vise à inspirer d’autres régions agricoles de par le monde. La contre-agriculture ne se présente pas comme un remède miracle, mais elle regroupe une partie de ceux qui cherchent des pistes de solution.
Et si le projet biorégional pouvait nous aider à traverser l’effondrement? Dans cet extrait de l’essai «Faire que!», récemment paru chez Lux Éditeur, l’auteur et philosophe Alain Deneault appelle à un certain retour à la terre.
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