Réalités parallèles

Annie O’Bomsawin-Bégin
Publié le :
Nos gens

Réalités parallèles

Les femmes autochtones peuvent-elles espérer un avenir meilleur?

Considéré dans ce texte

Le féminisme autochtone. Les silences de l’université. Le cloisonnement des luttes. Le 2,3%. L’invisibilisation. Biche Pensive, Shehaweh et le syndrome Braveheart.

Depuis que je suis toute petite, je sais que je suis Abénakise. Ma mère m’a bercée dans un tikinagan (porte-bébé autochtone) et me répétait que j’étais plus foncée que les autres parce que, dans la famille, «on est Indiens». Pour autant, je ne savais pas ce que ça voulait dire, être Abénakise: je n’ai pas grandi au sein de ma communauté, bien que j’en aie appris les danses et les chants traditionnels. Enfant, je m’identifiais à Shehaweh (Marina Orsini) dans la série éponyme, et à Biche Pensive (Geneviève Rochette) dans Au nom du père et du fils, c’est dire. Un peu comme si un Québécois d’origine écossaise se raccrochait à son premier kilt d’enfant et s’identifiait à Mel Gibson dans Braveheart.

En dehors de ma famille et des quelques contacts avec la communauté, rien ne me permettait de tracer les contours de mon identité. Je ne pouvais pas davantage tirer les choses au clair en puisant dans le récit qu’en faisait la société québécoise, dans ses cours d’histoire ou à la télévision—le fait que je sois Abénakise semblait exister dans une réalité parallèle.

Alors que j’étudiais au baccalauréat en philosophie, j’ai vu Le peuple invisible, de Richard Desjardins. Ça m’a bouleversée. Pour la première fois, je comprenais ce qu’était la Loi sur les Indiens et pourquoi ma famille élargie vivait dans une réserve. Et surtout, je prenais conscience que j’étais le parfait produit de décennies de politiques d’assimilation: je parlais français, j’habitais en ville, j’étais une universitaire qui se destinait à enseigner la sagesse des Grecs; je connaissais peu mes origines et au plus fort de ma folie, je m’identifiais à des Québécoises qui se «déguisent en Indiennes» dans des séries télé historiques.

J’étais une autochtone assimilée.


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