Se marier pour payer ses frais de scolarité

Maude Careau-Bélanger
Photo: Art Hanson / National Archives at College Park
Publié le :
Reportage

Se marier pour payer ses frais de scolarité

À l’heure où les unions libres sont légion au Québec, de (très) jeunes couples d’étudiant·e·s se marient encore pour les prêts et bourses. Analyse d’un phénomène anachronique.

Considéré dans ce texte

L’insécurité alimentaire des jeunes universitaires. La conciliation travail-études. Les mariages homosexuels entre hétéros. Les fleurs en plastique. L’Aide financière aux études. La désuétude des programmes sociaux des années 1960. 

Sept heures du matin, octobre 2022. Les habits d’Arthur et Béa détonnent parmi ceux des multiples couples venus s’unir en blanc ce matin au palais de justice de Montréal. Ça fait un peu moins d’un an que les deux partenaires s’aiment et déjà il et elle se disent oui. Gueules de bois et bas dépareillés, le duo n’a préparé aucun vœu à s’échanger. Son histoire est loin de celle des idylles des contes de fées. Si ces deux-là se marient, c’est pour les prêts et bourses. «Les deux, on n’avait pas de cash et c’était la solution qui nous paraissait la plus facile pour payer nos études, raconte Béa. C’était comme un bon mauvais coup.»

Avant d’être marié, le couple dans la jeune vingtaine n’était pas admissible à l’Aide financière aux études. Aujourd’hui, avec la bague aux doigts (en l’occurrence, deux petits points tatoués sur leur annulaire), Arthur reçoit annuellement 10 000 dollars de bourses et 5 000 dollars de prêts, alors que Béa touche 12 000 dollars de bourses et 3 000 dollars de prêts.

Dans les années 1960, à une époque où les églises débordaient les dimanches de messe, le gouvernement québécois a créé l’AFE afin de veiller à ce que personne ne se prive d’étudier à temps plein faute d’argent. Les prêts et bourses offerts par le programme sont d’abord calculés selon les moyens de l’étudiant·e et s’ajustent par la suite aux revenus des parents. Si l’État considère que ces derniers peuvent subvenir aux frais de scolarité et de subsistance de leur enfant, il est rare que la demande faite à l’AFE soit acceptée.

Arthur peine à comprendre pourquoi le salaire de ses parents a une incidence sur l’aide financière qu’il reçoit: «Mes parents ne font pas tant d’argent que ça. Ils n’ont pas payé mes études. Ni à moi, ni à mes frères et sœurs.» Comme plusieurs universitaires, sa copine et lui assument seul·e·s toutes leurs dépenses. Pourtant, d’après l’AFE, cela ne suffit pas pour s’émanciper de la tutelle des parents. Pour être considéré·e comme autonome, il faut déjà détenir un diplôme universitaire de premier cycle, être enceinte, avoir un enfant à sa charge et/ou être marié·e.

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