Comment réduire le quart de nos gaz à effet de serre?

Pierre-Olivier Pineau
Photo: Martin Jozwiak
Publié le :
Économie environnementale

Comment réduire le quart de nos gaz à effet de serre?

Le Québec veut réduire de 25% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020. Est-ce réaliste? Peut-être. Mais il faudrait commencer par comprendre que cela implique des changements majeurs dans notre façon de vivre.

Il y a unanimité chez les partis politiques québécois: en 2020, le Québec devra avoir réduit d’au moins 20% ses émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport aux émissions de 1990. Ces GES sont essentiellement le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et l’oxyde nitreux (N2O). Si le premier ges vient de la combustion d’énergies fossiles (surtout dans les transports), au Québec, le méthane provient d’abord des sites d’enfouissement de déchets, puis de l’élevage animal. Le N2O est principalement lié à l’utilisation d’engrais azotés en agriculture.

La promesse de réduction de 20% pour 2020 était celle du Parti libéral du Québec. Avec le Parti québécois au pouvoir, c’est 25% qui est visé, tout comme la Coalition Avenir Québec le proposait (Québec solidaire souhaitait une réduction de 35%). En 1990, le Québec émettait 84 millions de tonnes (Mt) d’équivalent CO2, contre 82 en 2009. Réjouissons-nous: au Québec, les émissions ont décru de 2%—nous allons donc dans la bonne direction! Notons en revanche qu’elles ont crû de 17% au Canada...

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Comme l’indique le graphique, entre 1990 et 2009, les émissions québécoises ont stagné ou décru dans tous les secteurs, sauf les transports. Dans le secteur industriel, elles ont chuté grâce aux gains d’efficacité des alumineries et aux fermetures de papetières.

Par contre, il reste un effort majeur à faire pour en arriver à un total de 63 Mt en 2020 (soit 25% sous le niveau de 1990). Imaginons deux scénarios pour y arriver: A, où tous les secteurs participent aux réductions; et B, où le secteur du transport fournit l’essentiel des réductions.

Dans le scénario A, comme dans le B, la politique d’interdiction d’enfouissement des déchets organiques mise en place par le gouvernement libéral est un succès (une collecte sélective des «matières brunes» doit donc exister partout). Cela élimine presque entièrement les émissions de GES liées aux déchets. Pour ne pas brusquer les habitudes alimentaires des Québécois, rien ne change par contre en agriculture. Les émissions sont constantes dans ce secteur.

Le scénario A se distingue par un chauffage de plus en plus électrique ou au bois—un changement majeur en peu de temps pour le secteur résidentiel, commercial et institutionnel. L’industrie, à laquelle on doit déjà la plus importante réduction d’émissions entre 1990 et 2009, continue dans cette voie. Difficile à faire, toutefois, sans fermer plus d’usines... Dans les transports, on ne vise «que» 15% de réduction d’émissions, ce qui implique tout de même que les ventes d’essence à la pompe soient réduites de 25% pour ne pas toucher au transport en commun et commercial. Une voiture sur quatre doit cesser de rouler, en somme.

C’est 60% des ventes d’essence à la pompe qui doivent disparaitre, ce qui équivaut à retirer des routes six véhicules sur dix!

Dans le scénario B, on n’exige pas de changement majeur dans le chauffage des bâtiments, ni de réduction d’émissions dans l’industrie—notamment pour préserver les emplois. L’essentiel de l’effort vient du secteur du transport. C’est 60% des ventes à la pompe qui doivent disparaitre pour réduire de 14 Mt les émissions de GES, ce qui équivaut à retirer des routes six véhicules sur dix!

Force est de constater que pour atteindre les objectifs de réduction de GES, nous devrons nous conduire autrement. Sommes-nous prêts pour ces changements radicaux? Ou allons-nous préférer continuer de nous mentir éhontément, en fixant des objectifs sans discuter des moyens de les atteindre? 


Pierre-Olivier Pineau s’intéresse de près aux politiques énergétiques. Il croit que le marché peut être compatible avec l’équité sociale et les considérations environnementales... mais que d’énormes progrès restent à faire.

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