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Conversations autour de la pompe à essence

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Duceppe

Conversations autour de la pompe à essence

Deux décennies après la sortie du film, l’univers de Gaz Bar Blues continue de remettre en question les normes de la masculinité au Québec. Cette fois, le rendez-vous est sur les planches du théâtre Duceppe, dans une adaptation théâtrale mettant en vedette Martin Drainville.

L’histoire se déroule en 1989. De l’autre côté de l’Atlantique, le mur de Berlin tombe. Au Québec, François Brochu, dit «le Boss», voit de plus en plus de clients délaisser son gaz bar pour la station libre-service voisine. Les braquages se multiplient. Ses enfants rêvent d’une autre vie. Malgré tout, la vie continue pour la petite communauté tissée serré qui gravite autour du gaz bar.

En 2003, Gaz Bar Blues recevait trois prix au Festival des films du monde. Le film du réalisateur Louis Bélanger comptait sur de grands noms de la culture populaire québécoise, dont Serge Thériault dans le rôle de François Brochu.


L’homme fort et silencieux, mais sensible

Dans une conversation vidéo avec David Laurin, responsable de l’adaptation théâtrale du film, Louis Bélanger admet qu’il en avait «un peu soupé des hommes qui ne parlent pas, incapables de verbaliser leurs émotions, de nature violente, peu à l’écoute». 

Au moment de la sortie du film, il avait d’ailleurs confié au journal Le Soleil avoir eu le gout de briser la traditionnelle image du père dans le cinéma québécois et de montrer sa part de tendresse. 

Le réalisateur s’est ainsi retrouvé à contrecourant d’une tendance lourde. Le «strong silent type», commente Stéfany Boisvert, était un modèle très présent en Occident à l’époque, et il l’est  encore aujourd’hui. 

La chercheuse en communication et en étude des médias relève également une spécificité culturelle propre au Québec: la sensibilité de ses personnages masculins. Mais attention, sensible n’est pas synonyme de bavard pour autant.

«Gaz Bar Blues est un cas très intéressant, affirme la chercheuse. Les hommes y ont une plus grande aisance à s’exprimer, tant à l’oral qu’à l’écrit, que ce qu’on trouve dans d’autres productions.» Ailleurs, les émotions sont plus souvent suggérées par les images, à l’abri des regards. Le Boss, quant à lui, exprime ouvertement son amour et ses inquiétudes pour ses enfants, par exemple. 

Le film s’éloigne aussi des normes habituelles de la masculinité en présentant un homme malade qui finit par accepter l’aide médicale vers laquelle le poussent ses enfants. On y voit également des amitiés masculines fortes qui s’opposent au stéréotype d’indépendance des hommes et un père qui fait moins figure d’autorité que d’inquiétude et de bienveillance. Une bienveillance parfois mal placée, rigole Stéfany Boisvert, puisqu’elle empêche tout d’abord les enfants du Boss de voler de leurs propres ailes, loin de la station d’essence. Jusqu’à ce que le père lâche la bride.


Un deuxième souffle sur la scène

Cette figure de père aimant a ému David Laurin, alors étudiant au Collège Lionel-Groulx, quand il a vu le film à sa sortie. Le potentiel théâtral du récit s’est imposé comme une évidence. Encore aujourd’hui, il estime important de montrer ce personnage de père imparfait, mais touchant dans sa volonté de changer par amour pour ses enfants. On en voit trop peu sur scène, estime-t-il.

 L’adaptation théâtrale de Gaz Bar Blues est donc en germe depuis 20 ans dans l’esprit de celui qui est devenu depuis le codirecteur artistique du théâtre Duceppe. 

Pour lui, c’était d’abord important que Louis Bélanger soit emballé par l’idée. À partir de là, la collaboration entre les deux hommes a permis d’amener l’histoire un peu plus loin, tout en gardant la couleur et l’authenticité des dialogues du film. Pour y arriver, David Laurin a fait parler Louis Bélanger de son enfance et de ses souvenirs du gaz bar de son père.

 Il est entre autres ressorti de ces discussions que le film s’éloignait de la réalité sur un point majeur. Louis Bélanger avouait ainsi que ses frères et lui étaient un peu irresponsables, qu’ils arrivaient en retard au gaz bar ou qu’ils ne se présentaient carrément pas parce qu’ils avaient fêté trop fort la veille. C’étaient donc ses sœurs et sa mère qui tenaient la place.

Le réalisateur racontait les avoir écartées de son histoire, à regret d’ailleurs, pour les besoins du récit. Il voulait son personnage central fort, digne et émouvant, ce que la présence de ces femmes fortes ne lui permettait pas, selon lui.

Qu’à cela ne tienne, la pièce était l’occasion de rebrasser les cartes. La distribution presque exclusivement masculine représentait un enjeu pour David Laurin, malgré la sensibilité des personnages masculins. Il a donc voulu amener une jeune femme forte sur la scène. En puisant dans les souvenirs de Louis Bélanger, il a ainsi pu redessiner un personnage féminin qui ne laisse pas sa place dans l’univers du gaz bar.


En émotion et en musique

Une autre nouveauté de la pièce est la grande place accordée à la musique. Déjà, dans le film, la musique jouait un rôle non négligeable. Comme le note la chercheuse Stéfany Boisvert, le film reconnait la tendance impassible des hommes, mais il leur offre des exutoires dans l’écriture et la musique, notamment. Les lettres du fils parti à Berlin et les notes d’harmonica du fils musicien sont autant de canaux de communication qui leur permettent de s’exprimer et de faire comprendre à leur père ce qu’ils veulent devenir, observe-t-elle.

Sur scène, la musique se posera en vecteur d’émotions, indique David Laurin. Le récit sera ainsi tissé de musique, grâce à une distribution entière de comédien·ne·s-musicien·ne·s. L’harmonica y aura bien sûr sa place, tout comme le piano, le saxophone, les percussions… David Laurin admet avoir très hâte de présenter cette pièce musicale, une forme qu’on voit trop peu au théâtre selon lui.


La pièce Gaz Bar Blues prend l’affiche en janvier 2023, au cœur d’une saison sous le signe de la création, pour les 50 ans du théâtre Duceppe.


Duceppe est un théâtre rassembleur qui prend le pouls de la société et en expose les enjeux importants. On y propose des histoires qui captivent, des œuvres à grand déploiement, jouées dans une langue directe et vivante.


Ce contenu, réalisé par le Studio A10 dans le respect de ses lignes directrices, a été commandité par Duceppe.

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