Les affaires de notre temps
Merci aux matières naturelles fossilisées par des milliers d’années et aux métaux lourds extraits de la Terre.
Souvent t’étais en dessous de mes bras
Souvent tu respirais là
Ça sentait la baby powder le lavage l’insomnie
(je te regardais souvent dormir)
Tu reniflais les yeux fermés cachés
En dessous de mes bras où que c’est chaud.
T’étais bien là.
Dans tes draps pas lavés depuis huit mois
On se racontait nos vies à Québec.
On sentait le steak du souper
(ta fan était brisée)
Dans les draps que je t’ai donnés
Je mêlais ma tresse à ton poil de chest.
Sur ton sofa en tweed
On écoutait des films d’action.
Tu mangeais des fruits du bout du bec
Tu me crachais les pépins dessus.
Dans ton sofa en tweed on sentait les vieux qui oublient
Dans tes déprimes tu regardais l’autre sofa en tweed
En face. Longtemps parti.
Dans ta douche je me lavais vite même pas partout
Tu écoutais de l’autre côté de la porte
Tu disais «Tu fais ça don-ben vite».
Moi j’étais pas pour répondre que c’était parce que
ta douche me levait le cœur
avec ses toiles d’araignées dans les coins secs.
Je pleurais souvent.
Une fois à cause d’une chanteuse.
Une fois à cause d’un peintre.
Une fois à cause de la voisine.
Je pleurais souvent parce qu’un soir
T’avais envie de rien.
Parce qu’un soir tu jouais au roi.
Parce qu’un soir j’étais belle et tu trouvais que pas.
Parce qu’au jour de l’An t’as embrassé un garçon.
T’as dit «Un garçon une fois c’est pas gai
c’est pas tromper oké»
Je t’ai pardonné.
Sur le trottoir de ta rue on gelait souvent
Sur le trottoir de ta rue on collait notre langue
sur le rack à vélos
On s’est aimés l’hiver.
On sortait les cheveux mouillés
Toi tout nu dans tes jeans Marlboro
Moi je sentais le repas de la veille
J’ai jamais eu le temps de laisser une brosse à dents
Tu voulais pas tu disais «Faut pas se laisser trainer».
Sarah-Maude Beauchesne est l’auteure du blogue d’histoires soft-sexu Les Fourchettes. Elle a publié un livre numérique, Les Je-Sais-Pas, chez publie.net, puis sa suite, Les Je-Sais-Pas-Pantoute, aussi publiée sur du vrai de vrai papier.
Merci aux matières naturelles fossilisées par des milliers d’années et aux métaux lourds extraits de la Terre.
L’autrice de «Trente» et «Encore» tricote un poème inédit, aussi réconfortant qu’un pull enfilé par-dessus une robe-soleil pour apprivoiser l’automne.
Le Montréalais signe un poème inédit qui donne envie de fuir la ville, et de chérir nos liens filiaux.