Les affaires de notre temps
Merci aux matières naturelles fossilisées par des milliers d’années et aux métaux lourds extraits de la Terre.
Un poème tendre sur la mort et l'amour qui y subsiste, enveloppé dans l'étoffe d'une jaquette d'hôpital.
les médecins ont peur de voir les anges
se battre à mort dans nos poitrines
les photos mentent, tu flambes
ton sourire est la fumée
d’un feu de poupées cousues
par les femmes oubliées sous terre
les miroirs forment la carte
des régions infiltrées par l’ennemi, le sens-tu
jouir après la science
les cicatrices intérieures
s’ouvrent toutes en même temps
nos corps, deux cadavres
titillés par la résurrection deviennent
des costumes de jeunes comédiens
…
tes robes rouges répandent la même
odeur de fer que les fenêtres brisées
des hôpitaux débordant
d’oiseaux perdus
tu es née un jour d’avortement
devant toi le soleil fait pousser
barbelés et tours de contrôle
tu n’es plus à l’abri
les rapaces ont pondu les rêves
dans la tête de l’homme blanc
tout ce qui t’effraie
fascine
tu es une urgente
hémorragie de lumière
…
tu paies cher la beauté
tu es l’Allemagne de l’Est de notre chambre, dehors
tes plaies attendent le prochain autobus
je les suis tous les soirs
pour donner de tes nouvelles
aux chiens et aux fantômes prenant le thé
dans les intestins de la Terre
parfois je ne reviens pas, je te croise
sur le chemin du retour en enfer
…
t’embrasser est ma source d’informations
avant et après
la chaise électrique des jours qui passent
je te crois, nous trouverons plus beau
l’autre côté des ecchymoses
ici de grands malades rêvent de jouer
à la balle avec nos têtes
je te préfère loin, bien cachée derrière
les satellites espions sous tes paupières
attends-moi où tu veux
des astronomes m’indiqueront le chemin
j’ai donné ton nom
à l’araignée qui entre
dans mon crâne par les yeux, elle aussi
se nourrit de caillots de lumière
et de drogues riches en fibres pour recharger
ses armes préférées
la soie, le venin, la fièvre
elle poursuit ton chapitre
dans l’histoire de la souffrance
…
tes antécédents d’astre fou
éclairent la maison vide
tu es la dilatation d’un monde en équilibre
sur un fil d’étoiles, là-bas
les ressuscités se suicident et sortent
vivants de leur corps comme d’un écrasement
d’avion foudroyé
aucune science n’avance
assez vite pour nous retracer
sous ta peau échappant
aux télescopes des lois
Originaire de Rimouski, François Guerrette consacre sa vie à la poésie. Il a publié de nombreux recueils (Constellation des grands brûlés, Mes ancêtres reviendront de la guerre, Panique chez les parlants, Les oiseaux parlent au passé et Pleurer ne sauvera pas les étoiles, qui a été traduit en anglais). Il prépare une thèse à l’Université de Montréal sur l’œuvre de Denis Vanier.
Merci aux matières naturelles fossilisées par des milliers d’années et aux métaux lourds extraits de la Terre.
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