L'école des portées disparus

François Guerrette
Œuvre: Jason Cantoro, Twins (coloured people series), 2015, acrylique sérigraphié sur cotton stonehenge.
Publié le :
Poésie

L'école des portées disparus

Un poème tendre sur la mort et l'amour qui y subsiste, enveloppé dans l'étoffe d'une jaquette d'hôpital.

les médecins ont peur de voir les anges

se battre à mort dans nos poitrines

les photos mentent, tu flambes

ton sourire est la fumée

d’un feu de poupées cousues

par les femmes oubliées sous terre

les miroirs forment la carte

des régions infiltrées par l’ennemi, le sens-tu

jouir après la science

les cicatrices intérieures

s’ouvrent toutes en même temps

nos corps, deux cadavres

titillés par la résurrection deviennent

des costumes de jeunes comédiens

tes robes rouges répandent la même

odeur de fer que les fenêtres brisées

des hôpitaux débordant

d’oiseaux perdus

tu es née un jour d’avortement

devant toi le soleil fait pousser

barbelés et tours de contrôle

tu n’es plus à l’abri

les rapaces ont pondu les rêves

dans la tête de l’homme blanc

tout ce qui t’effraie

fascine

tu es une urgente

hémorragie de lumière

tu paies cher la beauté

tu es l’Allemagne de l’Est de notre chambre, dehors

tes plaies attendent le prochain autobus

je les suis tous les soirs

pour donner de tes nouvelles

aux chiens et aux fantômes prenant le thé

dans les intestins de la Terre

parfois je ne reviens pas, je te croise

sur le chemin du retour en enfer

t’embrasser est ma source d’informations

avant et après

la chaise électrique des jours qui passent

je te crois, nous trouverons plus beau

l’autre côté des ecchymoses

ici de grands malades rêvent de jouer

à la balle avec nos têtes

je te préfère loin, bien cachée derrière

les satellites espions sous tes paupières

attends-moi où tu veux

des astronomes m’indiqueront le chemin

j’ai donné ton nom

à l’araignée qui entre

dans mon crâne par les yeux, elle aussi

se nourrit de caillots de lumière

et de drogues riches en fibres pour recharger

ses armes préférées

la soie, le venin, la fièvre

elle poursuit ton chapitre

dans l’histoire de la souffrance

tes antécédents d’astre fou

éclairent la maison vide

tu es la dilatation d’un monde en équilibre

sur un fil d’étoiles, là-bas

les ressuscités se suicident et sortent

vivants de leur corps comme d’un écrasement

d’avion foudroyé

aucune science n’avance

assez vite pour nous retracer

sous ta peau échappant

aux télescopes des lois


Originaire de Rimouski, François Guerrette consacre sa vie à la poésie. Il a publié de nombreux recueils (Constellation des grands brûlés, Mes ancêtres reviendront de la guerre, Panique chez les parlants, Les oiseaux parlent au passé et Pleurer ne sauvera pas les étoiles, qui a été traduit en anglais). Il prépare une thèse à l’Université de Montréal sur l’œuvre de Denis Vanier.

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