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Arrivé au cap des 40 ans, l’auteur vit une petite révolution intérieure qui l’amène à se demander comment faire le meilleur usage de son temps. Crise de la quarantaine ou évolution inévitable?
C’est le premier écologiste à occuper un poste aussi névralgique au sein d’un gouvernement canadien. Entre appréciation et dénigrement, Steven Guilbeault marche parfois sur un fil.
La radicalité versus les compromis. Les stratégies politiques d’un «Jésus vert». Les tensions au sein du mouvement écologiste. Les idéaux et la politique partisane.
«Être ministre et être militant, fondamentalement, c’est la même affaire.»
On a 45 minutes chrono, lorsque l’équipe de Steven Guilbeault, ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, le connecte au rendez-vous Zoom que j’ai réussi à obtenir à l’arraché. Quelques semaines à peine viennent de s’écouler depuis le marathon de négociations et d’interventions médiatiques auquel l’ancien militant s’est livré à la 15e Conférence des Nations unies sur la biodiversité, où j’ai pu intercepter des membres de son équipe, la plupart du temps au milieu du brouhaha du Palais des congrès de Montréal.
Le père de quatre enfants (et beau-père de deux autres) n’a pas l’air pressé ni épuisé, pas le moins du monde: cette déclaration à priori surprenante, il la fait sur le ton posé, mesuré, qu’on lui connait bien. Il marque de courtes pauses avant de répondre à chacune de mes questions. On est loin de l’image de l’agitateur radical que ses adversaires aiment dépeindre—et pile dans le portrait du diplomate conciliateur que m’ont tracé les ex-collaborateur·trice·s qui se portent à sa défense.
Ce serait pourtant compréhensible qu’il perde son cool: la lune de miel à la tête du ministère a été de courte durée pour celui qui est entré en poste après les élections fédérales d’octobre 2021.
Le 6 avril 2022, il annonçait l’autorisation du projet de forage Bay du Nord, un investissement de la pétrolière norvégienne Equinor estimé à 12 milliards de dollars, ayant le potentiel d’extraire 300 millions de barils de pétrole du fond marin au large de Terre-Neuve. Une annonce au timing assez malheureux: deux jours plus tôt, le secrétaire général de ’Organisation des Nations unies appelait à une réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre, accusant les gouvernements et les corporations qui investissent encore dans des industries polluantes de «jeter de l’huile sur le feu».
Cette décision de Guilbeault, qui a suscité l’indignation d’ancien·ne·s collègues, a ramené au premier plan une question épineuse: est-il possible de changer les choses de l’intérieur, ou est-on condamné·e, en traversant du côté du pouvoir, à consentir à des compromis qui se rapprochent plus d’un pacte faustien?
Le ministre de l’Environnement idéal est-il, comme Nicolas Hulot, celui qui démissionne?
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Voir les forfaitsDéjà membre? Ouvrir une session.Un demi-siècle après la publication originale de ce texte, force est d'admettre que le dilemme entre environnement et économie monopolise encore le débat public.