Les lectures de Phoebe Greenberg

Phoebe Greenberg
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Les lectures

Les lectures de Phoebe Greenberg

Chaque numéro, Nouveau Projet vous permet de plonger dans l’univers littéraire d’une personnalité publique. Cette fois-ci, nous vous proposons les lectures de la fondatrice du Centre Phi, Phoebe Greenberg.

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé lire. Mais c’est lorsque je me suis installée à Paris, en 1985, que la lecture est vraiment devenue aussi essentielle à ma vie que l’air que je respire. J’ai réalisé alors à quel point je n’avais rien lu, et qu’il y avait un monde entre Montréal et la Ville Lumière, pas juste un océan.

Dès lors, j’ai décidé que je lirais au minimum deux des auteurs les plus importants de chaque pays. Tout un programme, me direz-vous. Mais c’est un programme que j’ai suivi à la lettre durant les huit années où j’ai vécu à Paris. C’est pourquoi, au lieu de vous parler des livres que je lis actuellement, j’ai pensé vous présenter ceux qui ont marqué mon parcours. Les livres qui m’ont éduquée, façonnée, et qui m’ont appris à vivre et à respirer.

Comme vous le verrez, j’aime l’absurde, tout ce qui n’est pas conventionnel, tout ce qui dérange et force à penser, voire à repenser le monde. J’aime les créateurs, leur processus.

  • Photo: Création Phi
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Down and Out in Paris and London

George Orwell, 1933

Tout le monde connait Orwell pour 1984, mais quand on débarque à Paris à 21 ans, mieux vaut lire ce livre. Presque documentaire, il détaille la vie des laissés-pour-compte dans le Paris et le Londres de la fin des années 1920. Cette image de la faim qui vous vide de tout votre sang pour le remplacer par de l’eau tiède m’est restée. Un traitement-choc pour la jeune femme naïve que j’étais alors.



Les lettres au Castor

Jean-Paul Sartre, 1983

J’ai bien sûr lu Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir, comme toutes les jeunes femmes dégourdies de l’époque, mais ce sont les lettres de Jean-Paul Sartre qui m’ont le plus touchée. Écrites sur près de 40 ans, ces lettres retracent les idéaux et les mouvements de pensée du couple mythique. Il faut dire que leur relation me fascinait et que j’admirais ce féminisme à la française, un féminisme qui laisse place à la féminité. Quand j’avais assez de sous, j’allais au Café de Flore. Et j’attendais mon Jean-Paul... qui s’est finalement appelé Richard.



Le livre du rire et de l’oubli

Milan Kundera, 1979

C’est par ce livre que j’ai découvert Kundera, et que je l’ai tout de suite adopté. C’est une sorte de voyage en sept étapes, un roman sur Prague et sur l’oubli, parfois drôle et parfois grave. Je n’oublierai jamais le jour où je me suis retrouvée assise à côté de Kundera dans ma brasserie préférée, Le Balzar. Il était aussi impressionnant que son œuvre.



Le corps poétique

Jacques Lecoq, 1997

Lecoq, c’est mon mentor. J’ai passé deux des plus belles années de ma vie dans son École internationale de théâtre. J’y ai appris la pantomime, le masque, le chœur des tragédies antiques, le clown et le bouffon. Et j’y ai surtout appris à m’étudier et à me définir. Le corps poétique, c’est la méthode de Lecoq: «C’est du silence que nait le verbe; et le mouvement, de l’immobilité.» À ce jour, Jacques Lecoq est encore celui qui inspire le plus ma vie créative.



Elizaviéta Bam

Daniil Harms, 1928

Harms est un maitre du théâtre de l’absurde, et Elizaviéta Bam est un chef-d’œuvre du genre: «Seules m’intéressent les absurdités, ce qui n’a aucun sens pratique. La vie nem’intéresse que lorsqu’elle se manifeste de manière absurde.»



Antonin Artaud: Works on Paper

Margit Rowell, 1996

Ce livre, publié par le Musée d’art moderne de New York, est essentiel pour quiconque veut comprendre le génie d’Antonin Artaud, plutôt que sa folie: «J’ai toujours comme un objet prodigieux ou un monde à créer et à appeler.»


Très engagée tant pour les arts que pour Montréal, Phoebe Greenberg a fondé en 2007 DHC/ART, Fondation pour l’art contemporain, qui offre gratuitement aux Montréalais des expositions d’envergure internationale. En juin 2012, elle ouvrait le Centre Phi, qui s’est donné pour mission de faire, de l’art, un lieu de rencontre.

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