Pour la suite du monde
Plutôt que de se laisser submerger par la vague bleu pâle de la CAQ, l’ancienne députée solidaire s’accroche à l’espoir, à l’optimisme et aux convictions portées par la jeunesse.
«Est-ce que je devrais signer?», ai-je demandé à mon fils Gaël le 16 novembre, lors de la cérémonie d’assermentation qui s’est déroulée au marché Bonsecours. Debout à mes côtés, alors que je tenais la plume qui allait dicter le rythme de ma vie au cours des quatre prochaines années et qui symbolisait l’aboutissement de plusieurs mois de travail, Gaël, surpris, m’a glissé un timide «oui» à l’oreille. En cette soirée pluvieuse d’un magnifique automne que je n’ai pas vu filer, j’ai signé.
Mais pourquoi ai-je signé? Pourquoi ai-je accepté ce pari fou de conduire la destinée de la métropole du Québec pour les années à venir?
Je l’ai évidemment fait par conviction. Parce que j’aime profondément Montréal, parce que les enjeux municipaux m’inspirent, parce qu’en tant que citoyenne, mère et cycliste, j’avais envie de léguer une ville en santé à mes enfants.
Je l’ai aussi fait par gout du défi et par intuition. Un peu plus d’un an auparavant, à l’automne 2016, j’étais attablée avec des collègues qui discutaient de la course à la direction de Projet Montréal. La conversation a soudainement pris une tournure inattendue, tant pour mon parti que pour ma ville et ma vie. «Ce qu’il manque dans cette course, c’est une femme», a dit un collègue. «Tu devrais te lancer, Valérie», a dit l’autre. J’étais donc la femme de service dans la course à la chefferie.
Une femme doit avoir énormément de détermination pour faire sa place en politique, sans repères, avec peu de modèles à suivre. Et pour briser le proverbial plafond de verre dans un univers dominé et codifié par des hommes. C’est en regardant cette montagne qui se dressait devant moi que je me suis lancée. Lorsque j’ai réalisé que même mes proches n’auraient pas mis un vieux deux sur ma candidature, j’ai décidé de tout donner.
Je savais que je pouvais compter sur ma famille et sur l’énergie d’une équipe dévouée et investie. Cette équipe, elle m’a accompagnée dans mon quotidien et dans mon intimité, dans les meilleurs moments, comme dans les plus difficiles. Au cours des derniers mois, nous avons vécu ensemble trois évènements décisifs, qui font de moi la mairesse que je suis aujourd’hui.
Au milieu d’un été qui tardait à débuter, on m’a présenté une campagne publicitaire audacieuse. Moi qui avais travaillé pendant des années à promouvoir des causes féministes, je deviendrais «l’homme de la situation». Les réactions fusaient de tous côtés. J’ai d’abord hésité, puis j’ai osé ce pied de nez à l’ordre établi.
Un mois plus tard, à la mi-septembre, devant une foule entassée au Cabaret Lion d’Or, j’ai prononcé mon premier discours de campagne. Je ne voulais pas de texte ni de lutrin, seulement quelques fiches. Derrière le rideau, alors que je me concentrais sur ma respiration pour combattre la nervosité, je me suis promis de devenir la première mairesse de Montréal. Et c’est en arrivant sur scène que j’ai compris que pour l’emporter, je devrais tracer mon propre chemin. Ce soir-là, j’ai pris le contrôle de la campagne.
Et c’est finalement le soir du 19 octobre que j’ai acquis la crédibilité nécessaire aux yeux des analystes, des observateurs et autres experts de la politique. Au cours du seul débat francophone de la campagne électorale, alors que peu de gens me croyaient capable de tirer mon épingle du jeu, j’ai démontré ma maitrise des dossiers. J’ai démontré ma pertinence. J’ai démontré que la passion, la ténacité et l’intelligence peuvent mener plus loin que le traditionnel trio: contacts, argent, expérience.
En trois mois, ces moments mémorables ont fait basculer ma vie.
Mais la victoire ne fait pas foi de tout. Pour une femme qui gravit les échelons, le syndrome de l’imposteur rôde toujours tout près. Ce doute, on le perçoit aussi dans le regard des autres. Il nous oblige à batailler pour conserver une certaine estime de soi. Pour pallier ce manque de confiance qui survient parfois, je me suis donné le droit d’essayer des choses et de me tromper. Dans l’adversité ou dans un combat qui semble perdu d’avance, on y gagne de la force.
S’il y a une idée que je veux transmettre aux femmes et aux hommes, aux jeunes et aux moins jeunes, c’est que l’intuition et la volonté sont d’excellents moteurs. Elles ont orienté mon parcours et peuvent certainement guider les femmes qui souhaiteraient suivre cette voie.
Anthropologue et muséologue de formation, Valérie Plante a travaillé de nombreuses années auprès de divers organismes communautaires. Elle a fait ses débuts en politique comme conseillère municipale dans le district de Sainte-Marie, où elle a été élue en 2013. Cheffe du parti Projet Montréal, elle est devenue en novembre 2017 la première femme à accéder à la mairie de Montréal.
Plutôt que de se laisser submerger par la vague bleu pâle de la CAQ, l’ancienne députée solidaire s’accroche à l’espoir, à l’optimisme et aux convictions portées par la jeunesse.
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, une circonscription jusqu’ici représentée par une députée de Québec solidaire, vient de passer aux mains de la Coalition avenir Québec. Écrit à chaud, quelques heures après le dépouillement des votes, ce texte de notre correspondant rouynorandien permet de prendre le pouls de la ville du FME, mais aussi de la très polluante fonderie Horne.
Qu’arriverait-il si nous faisions le choix individuel et collectif d’une vision plus rose de l’avenir?