Opinion

Pour la suite du monde

Françoise David
 credit: Photo: Québec solidaire
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Billet

Pour la suite du monde

Plutôt que de se laisser submerger par la vague bleu pâle de la CAQ, l’ancienne députée solidaire s’accroche à l’espoir, à l’optimisme et aux convictions portées par la jeunesse.

Qui doutait de la victoire de la Coalition avenir Québec? On n’est pas vraiment surpris·es, et on ravale notre amertume. On se demande de quoi seront faites les quatre prochaines années. Les défis sont tellement énormes.

Faudra-t-il qu’un ouragan déferle encore sur les berges des iles de la Madeleine? Qu’une autre inondation dévaste les sous-sols d’Hochelaga-Maisonneuve? Que les alertes aux orages violents se multiplient? Que nos agriculteur·trice·s vivent d’autres gels printaniers, d’autres sècheresses estivales? Quand nous déciderons-nous à agir face aux inévitables changements climatiques? Se pourrait-il que la négligence déplorable de François Legault face à des catastrophes annoncées reflète non seulement son positionnement idéologique et pratique–il fréquente probablement trop de milieux peu intéressés à cette question névralgique–, mais qu’elle soit aussi un choix stratégique? Après tout, il savait le 3 octobre dernier qu’il gagnerait avec ou sans les voix écologistes. Bête comme ça! 

Ce n’est pas le seul défi collectif qui nous attend. Le système de santé craque de toutes parts. Des travailleuses me disent: «Madame David, on a de très sérieux problèmes dans nos établissements de santé. Le gouvernement le sait et ne fait à peu près rien.» Problèmes de gouvernance (pensons à la terrible réforme Barrette), manque de personnel, manque de médecins de famille, épuisement professionnel, difficultés énormes des personnes et des  familles qui doivent composer avec des ennuis de santé physique et mentale. Où est le soutien de l’État? Et ce gouvernement ose nous proposer un peu plus de privé! De quoi alimenter davantage les inégalités sociales qui persistent…

Et puis, je pense aux écoles. Et à la DPJ. Et au cout de la vie. Et à la pauvreté. Sans parler de la culture qui en arrache, de la langue française qu’on maltraite. Ajoutons-y la lutte au racisme. Car oui, il y a des manifestations de racisme au Québec. Et notre premier ministre est loin de donner l’exemple en matière de vivre-ensemble. C’est le moins qu’on puisse dire! 

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Vous l’aurez donc compris: je suis vraiment inquiète. J’écris pourtant ces lignes par un après-midi radieux. Vous savez, ces journées d’automne qu’on adore parce que le bleu du ciel est lumineux et que les feuilles rougissent? Splendide! Fait que... je tente de retrouver espoir. 

Mon espoir, c’est ma petite-fille de bientôt six ans qui a marché quelques minutes avec moi le 23 septembre dernier et qui a compris qu’il fallait sauver la planète: «Avec maman, on a ramassé des déchets au bord de l’eau!» Mon espoir, c’est la jeunesse québécoise qui est prête à se mobiliser contre les changements climatiques. Incidemment, je me demande: est-elle allée voter, la jeunesse? Mon espoir, ce sont ces milliers de militant·e·s qui, souvent dans l’ombre, agissent dans la lutte aux inégalités sociales, de genre, raciales. Ce sont les citoyen·ne·s en région qui se dressent contre des saccages environnementaux et pour la sauvegarde des terres agricoles, des forêts, lacs, rivières. 

Mon espoir, c’est aussi la mobilisation inattendue de nombreuses personnes partout au Québec pour une réforme du mode de scrutin. Depuis deux jours, les appuis se multiplient. Des jeunes proposent de manifester. Des pétitions en ligne circulent. Le Mouvement démocratie nouvelle vient de lancer une campagne qui est en train de devenir virale. On ne pourra certainement plus affirmer que cette question n’est portée que par quelques intellectuel·le·s, comme l’affirmait récemment François Legault de manière méprisante.

Finalement, je ne le cacherai pas, mon espoir, c’est Québec solidaire. Avec un mode de scrutin proportionnel mixte, QS aurait aujourd’hui au moins 16 députés·e·s plutôt que 11. Il en a gagné deux et perdu une, la formidable Émilise Lessard-Therrien dans Rouyn-Noranda–Témiscamingue. C’est tragique. Mais j’ai confiance en l’équipe solidaire qui va bientôt faire son entrée à l’Assemblée nationale. Ils et elles sont solides, la plupart sont maintenant expérimenté·e·s. C’est une «gang» audacieuse, courageuse, généreuse. 

Mon espoir, c’est la jeunesse québécoise qui est prête à se mobiliser contre les changements climatiques. Incidemment, je me demande: est-elle allée voter, la jeunesse?

Disons-le, la campagne menée par QS n’a pas été de tout repos. Le plan climat a été bien accueilli. Mais oser proposer de repenser la fiscalité, ça a été difficile. La question est complexe, je sais, mais sur le fond: voulons-nous partager la richesse, notre richesse individuelle? Oui, taxer les banques, les pétrolières, les grosses compagnies d’assurance. Cependant, il se trouve parmi nous des personnes, relativement peu nombreuses par ailleurs, qui peuvent faire davantage leur part. Si on est d’accord sur le principe, on pourra discuter de chiffres. 

Québec solidaire fera maintenant face au défi de percer davantage en dehors de Montréal, Québec et Sherbrooke. J’ai l’impression que les tournées des porte-paroles et autres député·e·s  se multiplieront. Finalement, il faut prendre le temps de lire les propositions solidaires, ce qu’on appelle la plateforme électorale. C’est plein de bonnes idées, plus concrètes les unes que les autres. 

Bref, en cet après-midi de beauté et de réflexion, je propose qu’on se retrousse les manches. Ne laissons pas la médiocrité gagner. Ne permettons pas que le Québec sombre dans l’impuissance. On a besoin de projets collectifs. D’être ensemble. Pour la suite du monde.


Françoise David est née à Montréal. Après avoir travaillé dans les services sociaux, elle coordonne le Regroupement des centres de femmes du Québec, puis dirige la Fédération des femmes du Québec pendant sept ans. En 2006, elle participe activement à la fondation du parti de gauche Québec solidaire, dont elle sera présidente et porte-parole. Élue à titre de députée de Gouin en 2012, elle quitte la vie politique début 2017.


Pour aller plus loin

Du cœur au combat: Françoise David en cinq temps, un livre paru dans notre collection Transmission

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