Sept façons de lutter contre la spéculation immobilière

Marie-Sophie Banville
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L'urbanisme nouveau

Sept façons de lutter contre la spéculation immobilière

Hausse des loyers, flambée des prix de vente des propriétés, embourgeoisement: si elle n’est pas un phénomène nouveau, la spéculation immobilière et ses multiples conséquences figurent parmi les grands enjeux du 21e siècle. Des administrations municipales aux gouvernements nationaux, en passant par les groupes de citoyens, tous ont un rôle à jouer dans la création d’une ville plus abordable.

Entre 2000 et 2015, le prix moyen d’une habitation au Canada a progressé presque trois fois plus rapidement que le revenu des ménages. Il en coutait en moyenne 455 500$ pour une maison unifamiliale à Montréal, en 2016. Pour assumer les mensualités d’une propriété de ce prix, il faut disposer d’un revenu familial de 116 700$, soit près de trois fois le revenu médian annuel d’un ménage montréalais. Cela, sans compter la mise de fonds de 91 100$ requise pour un tel achat. Que faire pour enrayer le phénomène?



Créer des fiducies foncières communautaires

Payer 550$ par mois pour un 51/2 à un jet de pierre du mont Royal? C’est la réalité des résidents de la fiducie foncière communautaire de Milton-Parc, à Montréal. Les fiducies communautaires reposent sur un modèle qui permet de dissocier la valeur du terrain de celle des bâtiments (qui peuvent être loués ou achetés). Le terrain est alors confié à une organisation qui s’engage à le placer définitivement à l’abri de la spéculation. Répandue aux États-Unis, cette approche prend timidement son envol au Canada.



Adopter une charte antispéculative

En 2015, Paris a adopté une charte signée par de nombreux promoteurs privés pour éviter la surenchère. Exit, la loi du plus offrant pour les terrains publics. Les projets sont maintenant sélectionnés en fonction de leurs mérites architecturaux et environnementaux, et de l’abordabilité du prix de vente des logements à venir. Il s’agit là d’un exemple d’administration municipale qui dépasse les outils traditionnels de taxation ou de zonage afin de relever un défi propre à notre époque.



Limiter l’accès au crédit hypothécaire 

Depuis le début des années 2000, l’accès au crédit hypothécaire a été considérablement élargi. Cette situation, en plus de faire exploser l’endettement des ménages, a stimulé de façon indue la demande sur le marché immobilier, qui s’est traduite par une flambée des prix. En Islande, en 2013, alors que le ratio d’endettement des ménages atteignait 108%—il avoisine 167% au Canada—, le gouvernement a décidé d’annuler une partie des dettes hypothécaires de ses citoyens. Pouvant atteindre 34 000$ par ménage, ce grand jubilé a réduit les mensualités gonflées par la forte inflation due à la crise financière.


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Taxer les achats spéculatifs

Emblème de la spéculation, une unité de luxe dans le projet One57 à Manhattan s’est vendue 100 millions$ en 2015. Le nom de l’heureux propriétaire? La société-écran P89-90, réputée pour être un voisin peu présent. La Ville de Vancouver a récemment instauré une surtaxe pour les acheteurs internationaux qui se cachent souvent derrière les sociétés à numéro afin de calmer son marché immobilier en surchauffe historique. Les effets de cette nouvelle taxe doivent encore être mesurés, mais Toronto envisage déjà d’emboiter le pas.



Squatter!

À Paris, le collectif Jeudi-Noir multiplie les coups d’éclat pour dénoncer la bulle immobilière et la précarité qui en découle. À São Paulo, le regroupement Frente de Luta por Moradia, qui compte 80 000 membres, coordonne des occupations illégales simultanées. Solution généralement temporaire, le squat demeure néanmoins l’une des pratiques les plus spectaculaires pour imposer un débat collectif sur la question.



Réserver les terrains publics

À Pointe-Saint-Charles, dans les années 1970, la Ville a accepté de convertir tous ses terrains publics en réserve foncière dédiée au logement social et communautaire. Résultat? Le dernier de ces espaces a donné place à une coopérative en 2013, et Pointe-Saint-Charles, malgré un embourgeoisement galopant, demeure le quartier le plus abordable du sud-ouest de Montréal.



Obtenir des retraites décentes

La précarisation croissante des conditions de travail contraint une quantité grandissante de gens ordinaires à se transformer en petits spéculateurs. Faute de solutions de rechange, la valeur de leur habitation devient alors une cagnotte pour la retraite. Un filet social adéquat contribuerait aussi beaucoup à calmer la pression sur le prix de l’habitation.


Marie-Sophie Banville détient une maitrise en urbanisme de l’Université de Montréal. Elle s’intéresse à l’éthique dans les professions de l’aménagement, veut agir pour des villes plus justes et combat la spéculation immobilière chez Vivacité–Société immobilière solidaire.

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