Biorégion ou barbarie
Et si le projet biorégional pouvait nous aider à traverser l’effondrement? Dans cet extrait de l’essai «Faire que!», récemment paru chez Lux Éditeur, l’auteur et philosophe Alain Deneault appelle à un certain retour à la terre.
Alain Deneault, qui signe l’essai Mœurs récemment paru chez Lux Éditeur, s’interroge sur la notion de «privilège» martelée par les auteur·trice·s à la mode. Un mot qui relève d’une signification différente depuis quelques années. En voici un extrait légèrement réédité.
La théorie de l’intersectionnalité fait polémique. À droite, elle représente un attentat contre la liberté, un appareil dictatorial à grande échelle, une hégémonie raciste anti-Blanc, une menace même pour des axiomes tels que 2 + 2 = 4… On l’agite jusqu’en Sorbonne1Lucie Delaporte et Mathilde Goanec, « Un vrai-faux colloque à la Sorbonne pour mener le procès du “wokisme” », Mediapart, 8 janvier 2022. comme un foulard pour exciter les foules, non sans céder soi-même à une forme de crispation panique. À gauche, Kimberlé Crenshaw, qui l’a promue la première il y a une trentaine d’années aux États-Unis, regrette maintenant qu’on en fasse une «politique identitaire sous stéroïdes» visant à «transformer les hommes blancs en nouveaux parias2Entretien de Kimberlé Crenshaw accordé à Katy Steinmetz, « She Coined the Term “Intersectionality” Over 30 Years Ago. Here’s What It Means to Her Today », Time, 20 février 2020.».
Or, pour qui sait raison garder, la grille descriptive qu’elle constitue en lien avec des injustices systémiques permet simplement de signaler ce qui structure l’agir et l’expression sociale des sujets–le sexe, l’ethnie, l’orientation sexuelle, la langue, l’accent, le statut social, l’âge… À l’évidence, une femme noire, lesbienne, arborant des signes religieux et parlant avec un accent aura plus de mal à s’imposer socialement que les représentants de catégories dominantes. Les champs d’application sont nombreux : le quotidien professionnel, le rapport aux organisations instituées, l’entregent, la recherche de logement… Cette approche invite à considérer comme une variable irréductible le lieu historique et social de la subjectivité. Être blanc·he ou noir·e, homme ou femme, jeune ou vieux, riche ou pauvre, diplômé·e ou décrocheur·euse, anglophone ou berbère… cela compte. Il s’agit conséquemment de travailler au rééquilibrage entre les sujets au sein de la citoyenneté.
À propos des «privilégié·e·s» en situation de précarité
L’intersectionnalité fait maintenant partie intégrante du discours public, de nos échanges sur les réseaux sociaux, du langage courant. Par conséquent, la notion de privilège est devenue fort problématique, parce que détournée de son sens, celle de «privilège». Ce terme et la très répandue épithète «privilégié» ont fini d’achever, dans les consciences, des conquêtes sociales durement acquises jadis par des catégories sociales nettement dominées. Elles retournent contre lui-même, voire le culpabilisent, quiconque de la classe moyenne se trouve en mesure d’exercer ses menues prérogatives. Jouer au théâtre, enseigner dans le champ de sa vocation, occuper une fonction dans une administration, le faire dans des conditions parfois décentes… ne passent plus aux yeux de certain·e·s pour des droits ou pour de simples modalités civiques de nos sociétés. Celles et ceux-là mêmes qui descendent des classes sociales s’étant mobilisées et parfois littéralement battues pour les obtenir les qualifient désormais de «privilèges» dont on doit rougir de les conserver et s’excuser de jouir.
À l’évidence, une femme noire, lesbienne, arborant des signes religieux et parlant avec un accent aura plus de mal à s’imposer socialement que les représentants de catégories dominantes.
Pour l’écrivaine Tania de Montaigne, «le problème de regarder le privilège blanc comme il est regardé en ce moment, c’est qu’on en déduit en fait que les Blanc·he·s ont des droits parce qu’ils sont blanc·he·s et donc qu’il va falloir inventer des nouveaux droits pour les Noir·e·s parce qu’ils sont spéciaux. On va partir de cette différence». Et ce, parce que l’on confond la privation d’accès à des droits universels avec la notion de privilège. Cette confusion peut même être l’occasion pour un·e Blanc·he qui se dénonce comme privilégié·e de se situer lui et elle-même précisément en haut d’une hiérarchie sociétale qu’il ou elle dénonce, pour s’attribuer le pouvoir d’aider les autres à gravir les échelons permettant de l’y rejoindre3Entretien de Tania de Montaigne, émission C politique, France 5, 7 juin 2020 ; et Irène Ahmadi, « Privilège blanc: Tania de Montaigne exprime son désaccord avec Virginie Despentes », Les Inrockuptibles, 9 juin 2020. Lire, de Tania de Montaigne, L’assignation. Les Noirs n’existent pas, Paris, Grasset, coll. « Essais et documents », 2018..
Maintenant, quelle n’est pas notre stupéfaction de voir ces conquêtes sociales présentées comme des privilèges lorsqu’elles sont, de surcroît, vécues sur un mode précaire. Des artistes masculins et blancs, sous-financés au point de devoir continuellement vendre leurs forces de travail aux agences de publicité ou se consacrer à des emplois strictement alimentaires, vont eux-mêmes s’humilier à se présenter comme «privilégiés», parce qu’ils ont accès à la scène davantage que ceux d’autres groupes sociaux relégués au statut de minorités (femmes, noir·e·s, musulman·e·s, lesbiennes…). Le fait, certes, est démontrable en sociologie et reste un enjeu majeur, comme en témoigne par exemple un courant féministe constatant le peu de place laissé aux femmes au théâtre4Stéphanie Marin et La Presse canadienne, « Des pistes de solution pour accroître la place des femmes au théâtre », Le Soleil, 5 novembre 2019.. Mais doit-on pour autant tout confondre? Cela fait-il de ceux qui tentent péniblement d’en vivre les tenants d’un avantage indu? L’acte même d’enseigner y passe: quelle chose devenue odieuse que celle de prodiguer à son tour des théories qu’on a apprises soi-même sur les bancs d’école, et auxquelles on doit une présumée «ascension sociale» jugée condamnable en elle-même5Maïka Sondarjee, « Le droit de penser », Nouveau Projet, no 20, septembre 2021, p. 29.! Dans ce difficile exercice d’expiation, le corpus scientifique qui fut si longtemps le nôtre devient un marchepied destiné à la seule reproduction professionnelle et le fait d’enseigner ces mêmes œuvres à l’université un acte colonial. Il faudrait que se mortifie un·e chargé·e de cours vivant aujourd’hui sous le seuil de la pauvreté, et peinant comme tant d’autres à rembourser les quelques dizaines de milliers de dollars qu’il ou elle doit formellement à une institution bancaire au titre de sa dette étudiante6Heidi Charvin, « La longue route de la précarité des docteurs sur le territoire français », Syndicat national de l’enseignement supérieur, Fédération syndicale unitaire, 6 septembre 2016., en se concevant comme «privilégié·e·s» au moment où il enseigne les thèses de Karl Marx, Rosa Luxemburg ou Theodor Adorno à ses étudiant·e·s? En quoi doit-on considérer qu’il a réussi, qui plus est dans un milieu gangrené par la violence psychologique7Jennifer L. Martin, Martina L. Sharp-Grier et Kathleen Piker-King, « Prime Targets: Identity Markers as the Secret Rationale for the Preponderance of Bullying in Academe », dans Michele A. Paludi (dir.), Bullies in the Workplace: Seeing and Stopping Adults Who Abuse Their Co-Workers and Employees, Wesport, Praeger, 2015.?
Les questions qui se posent alors surabondent.
Des artistes masculins et blancs, sous-financés au point de devoir continuellement vendre leurs forces de travail aux agences de publicité ou se consacrer à des emplois strictement alimentaires, vont eux-mêmes s’humilier à se présenter comme «privilégiés».
En quoi donc pratiquer sa vocation dans des conditions plus ou moins décentes serait-il un privilège indu? Il s’agit d’un état de normalité, plutôt, qu’on peut souhaiter tel et dont il faut se demander concomitamment pourquoi et comment des groupes sociaux entiers en sont exclus. Présenter les choses ainsi a le mérite d’économiser une distraction et de faire valoir un problème dans sa gravité, sans déprécier inutilement des acteurs sociaux inscrits dans leur légitimité.
En quoi donc enseigner le corpus de la tradition occidentale serait-il une faute, dès lors qu’on sait le relativiser en réfutant sa prétention de jadis à l’universel? S’il est effectivement salutaire que l’Afrique vienne au secours de l’Occident, comme l’indique le beau titre d’un livre d’Anne-Cécile Robert, on peut très bien par ailleurs sonder le vaste corpus occidental de connaissances sans recevoir continuellement des leçons de vie. Les corpus grecs, latins et chrétiens, la pensée moderne et le carrefour postmoderne ne sont en rien une menace ni n’entrent en opposition avec ceux qui souhaitent aussi sonder les vastes connaissances scientifiques du monde arabe, la science politique telle qu’on peut la concevoir en Afrique subsaharienne ou l’interculturalité en Amérique du Sud. Réduire la culture occidentale, qui n’est en rien transmise de manière satisfaisante, à une seule œuvre hégémonique et colonialiste, qu’une poignée de critères intersectionnels auraient fini d’épuiser, montre le degré de petitesse du «pouvoir» dont les auteur·trice·s à la mode pensent être soudainement dépositaires. Combien aujourd’hui se complaisent dans la mortification d’eux-mêmes, en condamnant leur propre «pensée blanche», pour s’empresser du même souffle de servir à leurs semblables de farouches injonctions à la contrition?
Ce phénomène concourt conséquemment à retourner contre lui-même le corpus de textes émancipatoires. Alain Roy, aujourd’hui directeur de la revue L’Inconvénient, se souvient du premier travail inspiré de cet éthos qu’il a reçu d’une étudiante, alors qu’il enseignait la littérature au tournant du siècle. Il s’agissait pour elle, de toutes les manières, même les plus contradictoires, de pousser Gabrielle Roy dans le camp des dominant·e·s, des colonialistes et des privilégié·e·s, même quant à des écrits où, à l’évidence, la romancière prenait parti pour le camp des dominé·e·s. La copie se nourrissait explicitement de la théorie postcoloniale, qu’elle répétait mécaniquement, et avait ainsi «la propriété de pouvoir fonctionner de manière autonome, indépendamment de son objet. Comme tous les discours lourdement idéologiques, ce discours se déployait d’une manière prévisible et prédéfinie, en déroulant une série de formules incantatoires qu’on pouvait appliquer à tout objet s’y prêtant en apparence». L’auteur décline la série d’injonctions contradictoires par laquelle cette rhétorique se renforce : plaindre une victime revient à la priver de son agency (sa capacité d’agir), mais ne pas le faire revient à en ignorer les souffrances; de même que les mots d’esprit traduiraient de l’insensibilité, mais l’empathie une manifestation de white guilt, et ainsi de suite à l’infini8. Tels étaient ses premières impressions, tant il était facile de mesurer l’écart entre le caractère monologique du discours et l’objet qui s’en démarquait sitôt qu’on le connaissait un peu.
La féministe Annie Cloutier démonte par l’absurde cette notion mal comprise de privilège : «Si un jour j’obtiens enfin un doctorat, ce sera au terme de nombreuses années d’efforts dans le but d’obtenir ce que ma société considère comme de la crédibilité. Devrais-je alors me taire parce que je fais partie des 0,4 % de Canadien·ne·s privilégié·e·s qui détiennent un diplôme universitaire de troisième cycle?9Annie Cloutier, Aimer, materner, jubiler. L’impensé féministe au Québec, Montréal, VLB, 2014, p. 33.»
C’est que la notion de «privilège» ainsi entendue permet tous les glissements. Le cas d’Annamie Paul est éloquent. La furtive cheffe du Parti vert du Canada fut la première représentante noire d’un parti comptant des députés au parlement fédéral. Elle s’est aussi inscrite dans le débat public comme étant juive. Cette deuxième caractéristique s’accompagne d’un parti pris de sa part–lui, résolument politique, intellectuel et libre–, à savoir son soutien aux politiques nationalistes et spoliatrices de l’État d’Israël. De ce point de vue, elle a laissé un proche conseiller torpiller la campagne électorale à venir d’une des députés de son parti, au prétexte que celle-ci s’était publiquement formalisée du «régime d’Apartheid» dans lequel sont plongées des communautés palestiniennes dans les territoires occupés, en lien avec de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) le dénonçant. Dans un article énumérant en outre tous les autres dossiers litigieux entre Mme Paul et l’organe décisionnel du parti, Radio-Canada a soulevé l’hypothèse du racisme systémique pour expliquer les différents ratés de l’intéressée. À propos spécifiquement du salaire jugé exorbitant que Mme Paul exigeait du désargenté Parti vert, parce qu’elle n’était pas députée elle-même, et que les instances du parti lui ont longtemps refusé, un conseiller de Mme Paul, Sean Yo, a en effet plaidé le fait du «racisme systémique» : «Je pense que si elle avait été issue d’un milieu plus privilégié, il y aurait eu plus de déférence de certains membres du parti à son endroit.10Laurence Martin, « Dans les coulisses du “déraillement” au Parti vert », Radio-Canada, 30 septembre 2021.»
En l’espèce, une telle assertion est évidemment invérifiable, et c’est en cela qu’elle permet tous les dérapages. Elle devient par trop commode pour ceux qui en usent, même si on est embarrassé de la repousser. Donc, en discuter nous plonge inévitablement dans des ratiocinations sisyphéennes: dans quelle mesure une diplômée de Princeton, avocate membre du Barreau et cheffe de parti, gratifiée d’un salaire plusieurs fois supérieur à celui de la moyenne, reste encore dans le camp de ceux qui ont insuffisamment de «privilèges»? Aurait-on automatiquement consenti à sa demande si elle avait été un homme blanc ? À contrario, n’y a-t-il pas des cas où même des hommes blancs, diplômés dans des secteurs de pouvoir comme la science économique, charismatiques et fondateurs de leur organisation, ont éprouvé de la difficulté à obtenir de leurs structures précaires un salaire bien moindre que celui qu’Annamie Paul exigeait, par exemple Jean-Martin Aussant comme chef du parti Option nationale en 201311Hugo Pilon-Larose, « Aussant recevra un salaire d’Option nationale », La Presse, 3 mars 2013 ; et Rhéal Mathieu, « Aussant carbure au fric », Vigile Québec, 13 août 2013.?
En quoi donc pratiquer sa vocation dans des conditions plus ou moins décentes serait-il un privilège indu?
De fait, on peut continuer de supposer qu’en toutes circonstances, de manière insidieuse et inconsciente, la discrimination reste potentiellement à l’œuvre. Et sourdement. Auquel cas, si on souhaite toutefois rester rigoureux, selon quels critères peut-on avancer que l’option du racisme a été subtilement adoptée par les uns et les autres, pour ne pas donner soi-même dans d’abusives accusations? Trop spéculative, la question permettra toujours aux conservateurs de nier l’hypothèse faute de preuves, et encore une fois d’invalider tout le phénomène sociologique du racisme systémique. Trop spéculative toujours, elle permettra à celles et ceux qui s’en éprennent d’en user sans ménagement, à leur gré.
Qu’est-ce qu’un privilège?
Donc, revenons-y, qu’est-ce substantiellement qu’un «privilège»? Un «droit exclusif ou exceptionnel accordé à un individu ou à une collectivité de faire quelque chose, de jouir d’un avantage12« Privilège », Antidote 10, Montréal, Druide informatique, 2020.». Ainsi doit se sentir désormais le moindre professionnel exerçant un métier qu’il chérit? User de ce terme «privilège» en lieu et place de traiter de droits acquis, parce que des groupes sociaux marginalisés, effectivement, peinent à se prévaloir de ces droits et opportunités, c’est au moins en méconnaître le sens. Qu’on assiste à ce genre de glissements dans un certain militantisme peut convenir, bien que cette fausse prémisse conduise vers une orientation platement moraliste. Mais que des universitaires abondent dans ce genre de confusions, les légitiment et les enseignent, puis pérorent et tiennent colloque à leur propos, cela devient plus inquiétant. Et a des incidences.
Certains discours poussent la notion de «privilège blanc» à ses dernières limites, et le voici qui porte sur la vie elle-même, sans plus de détour, dans The Atlantic13Ibram X. Kendi, « The Greatest White Privilege Is Life Itself », The Atlantic, 24 octobre 2019.. Ne pas risquer de se faire tuer à tout moment deviendrait une distinction indue favorisant les Blanc·he·s. Conceptuellement, puisque les privilèges sont ce contre quoi les progressistes se battent depuis le siècle des Lumières, il s’agirait donc de militer pour que les Blanc·he·s ne profitent plus d’un régime de faveur et soient donc elles et eux aussi sujets à tout moment à des exécutions sommaires, ou, par extension, que les hommes soient proportionnellement aussi nombreux que les femmes à vivre dans l’extrême pauvreté. Devenu délirant, le discours sur les privilèges fait perdre jusqu’au sens des causes sociales. Il devient ainsi une cause de nuisance.
Alain Deneault est professeur de philosophie à l’Université de Moncton, membre du Collège international de philosophie à Paris et auteur d’essais tels que La médiocratie (Lux, 2015), Faire l’économie de la haine (Écosociété, 2018) et Bande de colons (Lux, 2020). Il a signé le texte «Qualité de vieMD» paru dans Nouveau Projet 13 et «Laisser le choix» paru dans Nouveau Projet 20.
Pour aller plus loin
Mœurs, un essai de Alain Deneault paru chez Lux Éditeur en mai 2022
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