Mettre la hache dans le cash
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Et si la faune du Québec avait un représentant légal, chargé comme en Suisse de défendre ses intérêts dans les procédures pénales?
Les Suisses sont particulièrement exigeants en matière de protection des animaux. Impossible, par exemple, d’acheter un hamster sans lui offrir un compagnon de cage, d’adopter un caniche sans veiller à son bienêtre et à sa dignité. Pour assurer le respect de ces droits, des citoyens du canton de Zurich se sont mobilisés en 1992 pour que soit créé un poste de procureur spécialisé. Son rôle? Représenter les intérêts des animaux d’élevage ou de compagnie dans le cadre des plaintes pour cruauté, exploitation ou négligence, et punir toute violation de la loi.
Bien qu’il ait fait ses preuves, les Suisses se sont opposés par référendum à la systématisation de ce poste à l’échelle nationale en 2010. Le canton de Saint-Gall est le seul à l’avoir adopté. Malgré tout, le nombre d’interventions juridiques pour maltraitance a été multiplié par six à l’échelle du pays entre 2006 et 2016.
L’idée devrait inspirer le Québec, qui occupe la huitième position du classement national pour la protection des espèces sauvages et domestiques*Selon le Fonds de défense juridique des animaux.
«Nous ne sommes pas très bons par rapport aux autres provinces. Certaines rendent obligatoire l’observation des Codes de pratiques établis par le Conseil national pour les soins aux animaux d’élevage. D’autres ont prévu des règlements spéciaux pour les populations exotiques des zoos, animaleries et cirques, ou permettent de procéder à des accusations criminelles ou pénales», explique maitre Alanna Devine, juriste à la SPCA. «Au niveau international, le Canada est lamentable, surtout en ce qui concerne les animaux de ferme. Aucune loi fédérale ne fixe de normes minimales de soin pour l’élevage, et la législation sur les transports est l’une des plus mauvaises du monde. Affecter un procureur aux affaires de cruauté au niveau provincial serait une idée excellente, mais l’application de la loi pourrait rester problématique.»
Au Québec, les animaux ne sont pas représentés. C’est le personnel d’inspection du ministère de -l’Agriculture (MAPAQ) qui s’occupe de recevoir et de traiter les plaintes relatives aux animaux d’élevage, mais les accusés sont rarement traduits en justice. Les inspecteurs jouent de moyens limités: des recommandations, des amendes allant de 600$ à 36000$ pour les infractions, et de 2000$ à 75000$ en cas de mauvais traitement. En dernier recours, ils peuvent saisir le bétail et transmettre un rapport au ministère de la Justice, qui détermine alors si une poursuite doit être engagée. Dans tous les cas, les animaux ont tendance à être traités comme des biens: même si le projet de loi 54 voté à l’unanimité en 2015 a redéfini leur statut en tant qu’êtres «doués de sensibilité», il ne concerne pas les activités d’agriculture, d’enseignement ou de recherche scientifique.
Même en admettant que le MAPAQ reste le principal organisme d’application de la loi provinciale, la mise en place d’un procureur des animaux présenterait d’indéniables avantages. Comme celui de s’occuper des animaux domestiques, qui relèvent du droit fédéral et non du droit provincial. Le Code criminel interdit d’infliger des souffrances «inutiles» et pénalise la négligence. Mais il faut encore prouver, au-delà de tout doute raisonnable, que l’accusé a agi volontairement. Les condamnations sont donc très rares», explique la philosophe Christiane Bailey.
Un avocat dédié à ces victimes diminuerait considérablement les délais judiciaires, en allégeant les procureurs de dossiers qui stagnent en bas de leur pile. «Ils sont débordés, souligne maitre Devine. Et même s’ils ne l’étaient pas, ils ont rarement l’expertise requise pour ces dossiers compliqués. Bien souvent, ils n’en voient tout simplement pas l’intérêt.»
Au-delà du système judiciaire, il faudra aussi que les citoyens, comme en Suisse, soient plus vigilants et signalent plus vite les situations de maltraitance. Gandhi ne disait-il pas qu’on mesure la grandeur d’une nation à la façon dont les animaux y sont traités?
Judith Oliver est la rédactrice en chef adjointe de Nouveau Projet.
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