Chronique

Une histoire de pêches poilues

Murphy Cooper
Photo: Lakers
Publié le :
L’expérience Verdun

Une histoire de pêches poilues

L’impact de l’inflation sur notre garde-manger est un sujet récurrent au radiojournal, autour de la machine à café du bureau, et même sur TikTok. Pourtant, l’insécurité alimentaire a toujours existé. 

«Faut que je vous raconte quelque chose qui est arrivé tantôt à l’épicerie.»

Ce sont les mots de la tiktokeuse québécoise Stéphanie Beaudoin qui, les mains au front et la mine désarçonnée, nous promet, catastrophée, le récit d’une mésaventure inaccoutumée. Mais quel type d’incident a-t-il bien pu survenir à l’épicerie? 

«C’est la première fois que je vis ce genre de situation. Je me suis jamais privée pour la nourriture, j’ai jamais manqué de nourriture et je me suis toujours dit que jamais j’allais me priver pour manger quoi que ce soit.»

C’est qu’une fois arrivée à la caisse libre-service, l’influenceuse découvre que les quatre pêches poilues qu’elle vient de scanner et de déposer sur la balance affichent un montant de 11,75$. 

«Non, non, non, non, non, non, y a ben des limites!» se scandalise-t-elle dans sa vidéo TikTok qui a récolté 82 000 vues. On peut présumer qu’elle les a abandonnées là. La vidéo se conclut sur le questionnement suivant: comment les familles à faible revenu arrivent-elles à mettre du pain sur la table en période d’inflation?

Ça me fait tout drôle de voir que la hausse des prix à l’épicerie pousse la classe moyenne à produire des vlogues pour témoigner, à chaud, de son abattement sous le regard de milliers de gens. Pour les personnes issues de la précarité, les pêches étaient déjà un luxe depuis longtemps. Ça me convainc encore plus de mon invisibilité. Du fait que je n’ai jamais été vu ni entendu. Ce qui n’était jusqu’ici qu’un minifragment de ma réalité depuis tout jeune est devenu, pour ceux et celles qui ont grandi dans le confort, un motif pour prendre la caméra et filmer son désarroi.


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