Une politicienne pas comme les autres

Lisa-Marie Gervais
Photo: Nancy Guignard
Publié le :
Visages du Québec Nouveau

Une politicienne pas comme les autres

Réélue pour un second mandat à Sherbrooke, Christine Labrie veut montrer qu’on peut faire de la politique autrement.

«On dit de moi que je ne fais pas les choses comme les autres.»

Attablée dans un café du Vieux-Nord, le quartier de Sherbrooke où elle habite, Christine Labrie fait cet aveu non sans une certaine fierté. Il faut dire que ce côté imprévisible fait pratiquement partie de l’ADN de la députée, qui a d’ailleurs causé toute une surprise en se faisant élire pour la première fois en 2018 sous les couleurs de Québec solidaire, alors que la Coalition Avenir Québec raflait tous les Cantons-de-l’Est. Surtout qu’elle était jusque-là, mis à part une saucette publique aux élections municipales l’année précédente, une parfaite inconnue…

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«Je n’aime pas être là où on m’attend.» La cycliste invétérée—elle ne possède pas de permis de conduire—rentre tout juste d’un tour en solo de l’Abitibi à vélo, où elle s’est d’abord (presque) rendue par le train Montréal-Senneterre. Elle a même l’air contente que la locomotive ait lâché aux alentours de Shawinigan, l’obligeant à finir le trajet par les chemins forestiers. Dix-huit heures de transport, et beaucoup de paysages inoubliables, se sont ajoutées au périple. «J’ai une grande capacité d’adaptation, lâche-t-elle. Je n’aime pas quand tout est écrit d’avance.»

La routine? Très peu pour elle, en effet. Après le divorce de ses parents, la jeune Christine Labrie, née dans la reine des Cantons-de-l’Est—«Sherby», pour les intimes—, déménage souvent, habite dans tous les recoins de la ville. Son parcours de première de classe connaitra aussi plusieurs détours alors qu’elle tombe enceinte à 19 ans, pendant ses études au cégep. Deux autres enfants naitront pendant qu’elle est sur les bancs de l’école. «Je ne connais pas beaucoup de gens qui ont fait ça, mais j’ai toujours foncé. J’ai toujours voulu sortir de ma zone de confort.»

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À l’université, elle s’intéresse à la socio, puis passe à l’histoire avant de finir en études féministes au doc. Une montée en lacets pour la jeune femme «en quête de sens constante», qui aboutira sur la voie de la politique. Même si, encore une fois, on ne lui aurait jamais prédit un tel destin. «Je me rends compte aujourd’hui que mon parcours est cohérent. Il n’y avait peut-être pas de politique dans mon entourage, mais j’ai appris la solidarité au sein de ma famille, dont les membres se sont toujours entraidé·e·s, explique-t-elle. J’ai toujours cherché à me rendre utile au plus grand nombre.»

Se rendre utile passe désormais par les 1 001 combats qu’elle mène contre les changements climatiques et les violences faites aux femmes, pour plus de logements sociaux et de places en garderie, et pour de meilleurs soins aux ainé·e·s. Son petit côté «élève-modèle-qui-défend-la-veuve-et-l’orphelin» agace même le premier ministre, qui l’a déjà comparée à une sainte bien connue, bourde dont Christine Labrie se moque gentiment dans sa bio sur X: «Mère Teresa pour François Legault, députée de Sherbrooke pour les autres.»

Certes plutôt sage et réservée, la jeune trentenaire évite les feux de la rampe—à l’exception des réseaux sociaux—et ne prend pas le micro pour ne rien dire. Même que c’est probablement la politicienne qui parle le moins lorsqu’elle fait du porte-à-porte. «Je ne suis pas flamboyante, admet-elle. Si je vais dans un évènement, c’est pour prendre le pouls, pour être accessible. Quand on me demande de faire un discours, souvent je dis non.» Une posture naturelle d’underdog qui lui a bien servi jusqu’ici. Christine Labrie préfère nettement rouler dans le peloton: «Je suis là pour écouter les gens. C’est différent du politicien traditionnel, mais c’est ma façon à moi de faire de la politique.» Pas comme les autres, disions-nous.


Lisa-Marie Gervais est autrice, enseignante et journaliste au Devoir depuis près de 20 ans. Membre du comité éditorial de Nouveau Projet depuis sa fondation, elle a publié l’an dernier, dans la collection Transmission d’Atelier 10, une biographie et un livre jeunesse sur la vie de Françoise David. Elle partage son cœur entre Montréal et Sherbrooke.

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