Anne-Marie Dufour

Émélie Bernier
Publié le :
Visages du Québec nouveau

Anne-Marie Dufour

La cofondatrice du Festif! de Baie-Saint-Paul fait rayonner la musique partout où elle passe.

­Il en fallait, de l’audace, pour lancer avec trois fois rien un festival de musique et de cirque dans la petite ville proprette de ­Baie-Saint-Paul, il y a 12 ans. Heureusement, rien ne résiste à l’intrépide cofondatrice du ­Festif !, ­Anne-Marie ­Dufour.

«Notre petit groupe avait en commun de vouloir vivre dans la région qu’on avait quittée pour les études, et on avait envie de retrouver ce qui nous allumait quand on courait les festivals québécois comme celui de ­Tadoussac, où on allait depuis notre adolescence.»

Tandis que son acolyte, ­Clément ­Turgeon, investissait ses prêts et bourses dans une première édition de bric et de broc, Anne-Marie, fraiche émoulue de l’Université ­Laval—et un brin plus raisonnable—, combinait ses rôles de prof d’anglais à l’éducation des adultes et de cofondatrice du festival. « J’ai pu continuer d’enseigner pendant quelques années, mais le ­Festif ! grandissait trop vite pour son linge. Il a eu besoin de sa mère à temps plein ! »­rigole-t-elle. Le petit festival marginal auquel 2 000 spectateur·trice·s ont assisté la première année est rapidement sorti de l’alcôve du parc du Gouffre pour investir tous les recoins de la ville. Lors du 10e anniversaire, en 2019 (la dernière édition prépandémique), 45 000 festivalier·ère·s ont envahi ­Baie-Saint-Paul.

Tout le monde n’a cependant pas accueilli cette croissance avec le même enthousiasme. «Au début, je prenais les critiques de manière personnelle, puis j’ai compris que les gens réfractaires affectés du syndrome "pas dans ma cour" vont toujours exister. Et ils ont le droit! Ça nous a incités à communiquer davantage, à écouter aussi. Au final, on a été soulevés par une communauté qui croyait en nous.»

Et par une passion sans bornes pour la musique québécoise émergente et francophone. Spectacles la nuit, le jour, dans les cours, sur le quai et même sur une scène flottante: durant le ­Festif !, ­Baie-Saint-Paul en entier est mise au service de cette mission. «­La ville nous inspire ! ­Des festivals de musique, il y en a partout, mais des villes comme ­Baie-Saint-Paul, il y en a juste une.»

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Elle-même a bien tenté l’exode vers la grande ville, mais ses racines doivent baigner dans l’eau du fleuve. ­Petite-fille de capitaine, ­Anne-Marie a grandi à quelques encablures du chantier maritime de ­Saint-Joseph-­de-la-Rive et porte fièrement au bras un tatouage de goélette. Celle de son grand-père de L’­Isle-aux-Coudres, ­Philippe. «J’ai le fleuve en moi, son histoire me fascine. J’adore entendre ma belle mamie me raconter son passé de femme de marin. ­Ces ­femmes-là étaient incroyables, elles faisaient tout toutes seules! ­Elles ont eu des enfants, des entreprises, elles fabriquaient tout… ­Cette ­énergie-là me porte.»

La fibre pédagogue d’­Anne-Marie vibre encore. Il y a trois ans, elle a mis sur pied ­Le ­Festif! à l’école, une tournée durant laquelle des artistes se déplacent dans les salles de classe et les auditoriums. «­Le ­Festif! à l’école a commencé dans mon ancienne polyvalente et, cette année, la tournée a visité 28 écoles secondaires, souvent choisies parce qu’elles n’ont pas d’option musique, pas d’instruments, même. Les enfants et les ados réalisent que ce sont des humains comme eux qui font de la musique. C’est franchement beau à voir ! ­Imagine si on réussit à allumer une vocation... ­Sincèrement, j’ai rarement ressenti autant de fierté qu’avec ce projet.»

La prof est peut-être sortie de l’école, mais sa vocation de passeuse, elle, reste intacte.

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