Comment développer notre résilience, en six étapes

Marie-Claude Élie-Morin
Conférence de presse de la Maryland Emergency Management Agency pendant l’ouragan Sandy, 30 octobre 2012.
Conférence de presse de la Maryland Emergency Management Agency pendant l’ouragan Sandy, 30 octobre 2012.
Photo: Jay Baker
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Comment développer notre résilience, en six étapes

Le mot résilience est en perte de sens à force d’être mal utilisé. Ce qu’il évoque réellement, c’est la capacité extraordinaire de certains individus et systèmes à faire face à un traumatisme, pour mieux rebondir ensuite. À l’heure des bouleversements environnementaux, cette aptitude pourrait nous être fort utile, et nous aider à inventer les villes et les collectivités de demain.

Selon les auteurs du Petit traité de résilience locale (Écosociété, 2017), trois bouleversements majeurs nous forceront sous peu à revoir nos façons de vivre: le réchauffement climatique, la détérioration précipitée de l’environnement et la raréfaction des ressources sur lesquelles reposent nos civilisations. Chercheurs à -l’Institut Momentum de Paris, Agnès Sinaï, Raphaël Stevens, Hugo Carton et Pablo Servigne croient que nous—individus, collectivités et élus locaux—devons impérativement développer notre résilience si nous voulons préserver les rouages fondamentaux de nos sociétés. Résumé.



Réhabiliter le mot résilience

Très galvaudé, le mot résilience est souvent associé à la psychologie populaire. Dans les faits, le terme renvoie à l’aptitude des individus à traverser les épreuves et à en ressortir plus forts, et à la capacité des systèmes—nos villes et infrastructures, par exemple—à maintenir leurs principales fonctions malgré les chocs, même si cela implique une réorganisation interne. Plutôt que de marteler des expressions telles que décroissance ou rupture avec le passé, qui nous dérobent toute possibilité d’agir devant l’effondrement imminent de nos sociétés actuelles, choisissons consciemment de parler de résilience. Porteuse d’espoir, celle-ci suppose que nous allons créer quelque chose, pas nous laisser aller.



Miser sur l'emploi local et low tech

Qui dit raréfaction des ressources naturelles (pétrole, eau, bois, etc.) dit augmentation radicale du cout de ces ressources. Avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer: instabilité financière, gonflement du prix de la nourriture et de l’énergie, inégalités sociales croissantes… Les emplois qui dépendent de systèmes techno-logiques complexes, de longues chaines d’approvisionnement et de production, de l’énergie bon marché, d’un pouvoir d’achat (et de consommation) élevé et de l’expansion du crédit seront donc fragilisés. Plus concrètement, les chercheurs prévoient que les domaines de l’aviation, du tourisme et des services financiers connaitront une forte diminution de leurs activités à mesure que le cout de l’énergie augmentera et que les revenus disponibles chuteront. À contrario, les emplois liés à des secteurs non délocalisables seront en forte demande: agriculture biologique, élevage et soin des animaux, impression typographique, radio à ondes courtes, par exemple. C’est là qu’il faut investir, dès maintenant.



Préparer les villes aux rationnements

Des centaines de métropoles à travers le monde ont déjà commencé à prendre des mesures pour limiter leur dépendance aux énergies fossiles. À Londres, le gouvernement municipal soutient l’optimisation thermique des nouveaux bâtiments, la réduction de la consommation énergétique, la mise en place de toits et de murs végétaux pour réduire les ilots de chaleur et le recours à l’air climatisé. Singapour et Sao Paolo se préparent à la montée du niveau des mers en imposant de nouvelles normes de construction. De nombreuses agglomérations urbaines misent aussi sur un transport en commun rapide et sécuritaire afin de réduire la dépendance à l’automobile—un mode de transport qui serait hautement fragilisé en cas de pénurie énergétique. D’autres stratégies peuvent également être adoptées en ce sens: réduire les vitesses maximales, encourager le covoiturage et le télétravail, valoriser le commerce de proximité, mettre en place des péages urbains et des taxes sur les véhicules, etc.



Revoir les infrastructures pour pouvoir faire face aux coupures soudaines d’énergie

À la suite du séisme du 11 mars 2011, le Japon a connu l’une des pannes d’énergie les plus sévères n’ayant jamais touché un pays industrialisé. Dès le lendemain de la catastrophe, une agence gouvernementale spécialisée en efficacité énergétique a émis des recommandations pour éviter que le pays se trouve à nouveau dans un tel état de vulnérabilité. Chaque année, les industries japonaises doivent ainsi réduire de 15% leur consommation d’énergie par rapport à l’année précédente. Les employés sont même encouragés à porter des vêtements légers au bureau afin de supporter la chaleur en l’absence de climatiseurs. Autre exemple: après l’ouragan Sandy, en 2012, New York a exigé des opérateurs de télécommunications qu’ils s’équipent de façon à pouvoir résister aux évènements extrêmes. Plutôt que de subir les conséquences le moment venu, préparons-nous aux situations de crise qui mettront peut-être en péril nos infrastructures électriques ou électroniques. L’Agence internationale de l’énergie recommande d’ailleurs aux gouvernements d’être prévoyants, et d’élaborer à la fois des mesures d’urgence (en cas de coupure soudaine) et des mesures «régulières» destinées à réduire la consommation globale d’énergie.


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Repenser le rapport au territoire

Les changements climatiques sont un effet rétroactif de la consommation d’énergies fossiles en cours depuis 200 ans. Si nous n’avons pas pu mesurer les conséquences directes du productivisme sur notre milieu avant que les dommages s’accumulent, c’est entre autres parce que nous avons perdu le sentiment d’interdépendance qui nous relie au reste du monde vivant. Il nous faut reconsidérer le territoire comme un bien commun. Idéalement, chacun devrait connaitre la provenance exacte des aliments et de l’électricité qu’il consomme, ainsi que des déchets qu’il produit. Dans l’ère postpétrole, la sécurité alimentaire passera obligatoirement par la production locale. Celle-ci pourra prendre plusieurs formes, de la ferme au jardin collectif. La structure pyramidale et hiérarchisée du territoire (les grands centres utilisant les régions comme sources d’approvisionnement) devra aussi être repensée au profit de multiples «biorégions», soit de plus petites collectivités portées par le développement local.



Cultiver l’espoir et la résilience personnelle

Pénuries d’énergie, catastrophes climatiques ou nucléaires, biodiversité menacée, famines et guerres. Devant l’accumulation de mauvaises nouvelles, il est normal de ressentir de la peur et d’opter pour le déni—mais celui-ci empêche le processus de résilience de se déployer. La résistance psychologique se développe uniquement lorsque l’on traverse des expériences difficiles et que l’on accepte de vivre les émotions négatives. Cela suppose donc un certain travail de deuil: admettre que les choses ne seront plus «comme avant», renoncer à l’avenir que nous avions imaginé pour concentrer nos efforts sur une transition sécuritaire. Plusieurs techniques peuvent, selon les psychologues, nous aider à renouer avec la joie et à façonner notre résilience: tenir un journal de bord, écrire et lire de la poésie, méditer, créer de la beauté, retrouver le sens du sacré et, surtout, nous reconnecter aux autres et à la nature. 


Marie-Claude Élie-Morin est journaliste indépendante, chroniqueuse, scénariste en documentaire et auteure de l’essai La dictature du bonheur (VLB éditeur).

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