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Brève histoire de la communauté Milton-Parc, à Montréal, qui s’est mobilisée pour sauver bâtisses victoriennes et idéal démocratique des bulldozers d’un promoteur.
Le quartier Milton-Parc regroupe aujourd’hui la plus forte concentration de coopératives d’habitation en Amérique du Nord. Il en compte 15, en plus d’abriter 6 organismes sans but lucratif pour un total de 616 logements, et plus de 1 500 personnes.
Bordée à l’ouest par l’avenue du Parc et à l’est par la rue Saint-Urbain, prise entre l’avenue des Pins au nord et la rue Milton au sud, cette petite communauté multiethnique, égalitaire et démocratique a littéralement arraché ce morceau de Montréal aux promoteurs immobiliers [voir «Le Montréal qui aurait pu être»].
L’histoire commence dans les années 1960. Un lotisseur achète progressivement les maisons du quartier. Ces vieilles demeures victoriennes ont une valeur patrimoniale, mais l’investisseur a l’appui du maire Jean Drapeau, dont la mainmise sur la ville (de 1954 à 1957 et de 1960 à 1986) sera caractérisée par nombre de destructions de ce genre. Drapeau veut élargir le centre-ville, favoriser la circulation automobile et les tours d’habitation. Plusieurs logements et édifices historiques seront ainsi réduits en poussière.
En 1968, le promoteur possède la quasi totalité des immeubles, sauf les églises, deux écoles et quelques résidences. Agissant sous l’anonymat de quatre sociétés à numéro pour que le grand public ignore le plus longtemps possible ses plans, il a pour ambition de tout démolir pour ériger immeubles de bureaux et locaux commerciaux.
Résistance
Face à ce projet, les citoyens s’organisent. De 1968 à 1972, les membres du Comité des citoyens et citoyennes de Milton-Parc et l’équipe de University Settlement—un organisme offrant des services éducatifs aux pauvres de la communauté—frappent aux portes de leurs voisins, font signer des pétitions, manifestent dans leur quartier ou devant l’hôtel de ville, organisent des festivals de rue pour protester contre les destructions successives.
Cette joyeuse agitation n’empêche pas les évictions de se poursuivre. Les résidents de plus de 255 logements sont expulsés. Mais les militantes et militants du quartier redoublent d’ardeur: en 1972, ils occupent les nombreux logements laissés vacants par la compagnie sur la rue Prince-Arthur, puis les bureaux du promoteur immobilier. En découlent 69 arrestations et emprisonnements.
Les destructions vont bon train... Mais la résistance aussi. De nombreuses pétitions circulent; des manifestations, des rassemblements, des rencontres avec les élus sont organisés. Les citoyens mettent même sur pied un piquenique aux coins des rues Jeanne-Mance et Prince-Arthur afin de dénoncer les embouteillages créés par les interventions du promoteur immobilier.
En 1976, à la suite de l’élection du Parti québécois, le marché de l’immeuble va très mal: le promoteur immobilier, qui a pourtant déjà défiguré une partie du quartier avec trois tours de bureaux, renonce à son projet. Trois ans plus tard, les citoyennes et citoyens du quartier Milton-Parc peuvent enfin crier victoire: la Société canadienne d’habitation et de logement (schl) rachète les maisons à la compagnie. «Pour les gens du coin qui, comme moi, ont vécu les années noires, du temps où Concordia Estates mettait le grappin sur les maisons pour ensuite les démolir afin de construire les tours de la Cité, c’est une nouvelle vie qui commence», affirmait alors à La Presse le militant Dimitri Roussopoulos.
La défense d’un idéal démocratique
La SCHL n’est cependant pas tout à fait en phase avec l’esprit des citoyens, qui ont combattu pendant plus d’une décennie pour sauvegarder leur quartier. Ces derniers refusent que les loyers s’alignent sur ceux du marché. Les pourparlers vont donc reprendre jusqu’à ce que la communauté Milton-Parc ait la garantie que les loyers soient modérés et que les personnes à faible revenu aient priorité dans le choix des nouveaux locataires. Ils obtiennent également que la revente d’un édifice ne puisse être faite sans que l’offre ait été d’abord proposée aux coopératives du quartier.
D’autres victoires suivront: réduction de la circulation de la rue Hutchison (à la suite d’un blocage), sauvegarde de nombreux édifices patrimoniaux (dont l’école Stratearn qui devait être transformée en condos, mais qui est devenue un centre communautaire et artistique), transformation de terrains vacants en nouvelles coop, etc.
La communauté Milton-Parc est démocratique: elle fonctionne sur le mode des assemblées générales; elle est métissée, puisqu’elle compte des membres provenant de plus de 50 pays; et elle est égalitaire, car elle donne accès à de très beaux appartements à des familles à faible revenu. Non seulement elle a repris ce qu’on tentait de lui enlever, mais ses actions lui ont permis de faire de ce quartier un espace démocratique, unique en Amérique du Nord. L’existence de cet espace est cependant fragile, et ses habitants doivent faire preuve d’une grande vigilance. En mai dernier, la Communauté Milton-Parc rassemblait ainsi plus de 400 personnes afin de lancer sa campagne pour la sauvegarde de l’Hôtel-Dieu, son proche voisin.
Cette communauté s’est construite dans la résistance face à sa destruction. Le pouvoir qu’elle a acquis sur sa destinée ne lui a pas été donné: il a été arraché aux mains des propriétaires. Et tout semble indiquer que les citoyennes et les citoyens de Milton-Parc ne l’ont pas oublié.
Historien des mouvements sociaux, Marc-André Cyr s’intéresse plus particulièrement à l’histoire de la révolte populaire au Québec. Il est l’auteur de La presse anarchiste au Québec (1976-2001) et vient d’emménager dans une coopérative du quartier Milton-Parc.
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