Biorégion ou barbarie
Et si le projet biorégional pouvait nous aider à traverser l’effondrement? Dans cet extrait de l’essai «Faire que!», récemment paru chez Lux Éditeur, l’auteur et philosophe Alain Deneault appelle à un certain retour à la terre.
C’est l’histoire d’un homme qui a reboisé le village que son grand-père a bâti. Dans cet extrait d’Arsenic mon amour, paru aux Éditions du Quartz, l’auteur Jean-Lou David reprend contact avec les rues aujourd’hui disparues de Joutel, une localité oubliée d’Abitibi.
Quand j’étais enfant, mon père travaillait encore pour une minière, la mine Selbaie, située à Joutel. Joutel est un village qui n’existe plus.
Mon grand-père maternel y a aussi travaillé, bien avant, et ma mère se souvient des rues du village, pleines du piaillement joyeux des enfants.
J’ai reboisé huit ans. Huit années d’un labeur pénible. J’ai reboisé un jour les rues et les champs de Joutel. J’ai planté une forêt où il y avait jadis une vie, des espoirs et des trajectoires humaines.
Dans le Nord minier, rien ne doit durer. Nous vivons pour vivre seulement, dans le mépris de demain et de l’avenir. Il n’y a pas d’avenir pour nous. Il y a les mines, le potentiel des gisements, la durée estimée d’exploitation, les teneurs plus ou moins élevées en métaux, le prix plus ou moins bon de l’or, la fluctuation imprévisible des marchés, le brouhaha du shot down, le rythme des blasts, l’espoir d’une réouverture et le spectre d’une fermeture prochaine. Il y a tout cela, certes, mais ce n’est pas un avenir. Il n’y a pas d’avenir en Abitibi. C’est le pays du présent sans arrêt, du partage des eaux et du temps. Notre histoire s’écoule vers la Baie du Nord et de l’oubli, tandis que notre futur nous siphonne vers le sud.
Le jour où tout sera terminé et que l’on remballera la boutique, quand la faille sonnera creux comme une noix vide, couché sur la scorie, je veux que l’on m’enterre aux côtés des mien·ne·s dans le cimetière Notre-Dame.
Dans le Nord minier, rien ne doit durer. Nous vivons pour vivre seulement, dans le mépris de demain et de l’avenir.
Mon grand-père n’aura pas à rougir de moi. J’ai aussi travaillé de mes mains. J’ai aussi rêvé de l’or. J’aurai aussi construit mon propre monde, immense et fait tout entier de papier. J’aurai compulsé les archives de la ville jusqu’à leur tarissement, j’aurai englouti la montagne des fiches anciennes et jaunies. L’avalement entier des filières. J’aurai trouvé à ce moment peut-être le gisement originel.
Je fermerai alors les yeux afin de mieux entendre le dernier souffle de la fonderie, le grincement du dernier train. Je retournerai au fond de la faille.
Rouyn-Noranda, octobre 2022
Jean-Lou David est né en 1993. Depuis 2020, il signe des textes dans différents médias et revues littéraires, travaille comme chercheur en histoire et est rédacteur pour plusieurs organismes culturels. En 2021, il remporte le Prix littéraire de l’Abitibi-Témiscamingue.
Pour aller plus loin
Arsenic mon amour, un livre de Jean-Lou David et Gabrielle Izaguirré-Falardeau paru aux Éditions du Quartz
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