Humoriste abasourdie
Quels mots utiliser pour décrire le travail de Virginie Fortin? Dans cet extrait de «Mes sentiments», le 2e titre de notre collection «Humour», la principale intéressée se prête à un étonnant exercice d’introspection.
Près de dix ans après avoir parcouru les réserves autochtones du Québec, Philippe Ducros a fait de sa pièce La cartomancie du territoire un film, qui sera projeté pour la première fois dans le cadre du Festival de Cinéma de la Ville de Québec. À cette occasion, voici la première scène du texte original, publié dans notre collection Pièces.
Cachés derrière le paysage qui nous porte et qui nous façonne, éparpillés en lui, il y a des gens qu’on a tenté d’assimiler, de nier. Chassés, blessés à la moelle, ils guérissent tant bien que mal, ils reprennent des forces, se relèvent, en des restants de territoire enfouis creux dans les placards de notre histoire… Les réserves. Osselets rongés, laissés derrière par le grand festin colonialiste. Quarante-et-une réserves, cachées loin des autoroutes ou éventrées par elles. Des bungalows, des maisons préfabriquées, des enfants dans les rues, et du silence. Des chiens errants, des Ski-Doo… Une église. Un dépanneur. Une radio communautaire. Une pancarte sur le bord de la 138, une station-service hors d'usage sur le bord de la 132, une affiche: MOCASSINS À VENDRE, ARTISANAT. On passe à travers sans s’en douter, on est passé sur eux sans s’en préoccuper. Mais les réserves restent. Camouflées entre la scierie, l’horreur et le désespoir, encore debout. Derrière le décor de nos élections, de nos violences banales, ces nations qu’on ne sait pas nommer, ces gens rescapés de l’histoire, stationnés sur une terre de douleur. Quarante-et-une réalités. Quarante-et-un parkings humains, quarante-et-un camps qu’on aimerait invisibles, peuplés de survivants incarcérés poliment, ou même pas.
À l'hiver 2015, j'ai décidé d'arrêter de détourner le regard. D’aller voir. Avec l’intuition qu’à travers eux, je comprendrais mieux. Je comprendrais ce qui se passe derrière le paysage de notre modernité. Derriere ces pipelines qu’on veut greffer à ses veines, ce pétrole qu’on s’injecte et cette memoire qu’on coupe à blanc. Comprendre aussi un peu l'épuisement dans lequel m’ont plongé mes semaines de quatre-vingts heures, cet escalaveg moderne que je me suis moi-même imposé. Moi, en tant que peuple, moi, en tant qu’artiste. Moi en tant qu’homme défriché, miné, vidé de ses réserves. En tant qu’homme colonisé.
Demain, peut-être, j'écrirai une pièce de théâtre faite de pâtes et papiers. Entretemps, voici la cartomancie de son territoire.
Philippe Ducros dirige la compagnie de théâtre Hôtel-Motel. Il a écrit et mis en scène une vingtaine de pièces ancrées un peu partout sur la planète. La cartomancie du territoire, une réflexion sur la colonisation du territoire et de la pensée à travers les réalités des Premières Nations, est publiée dans notre collection Pièces. Il est le père de deux petites filles qui servent de maison à son nomadisme.
Pour aller plus loin
La cartomancie du territoire est le 10e titre de notre collection Pièces.
La première du documentaire réalisé par Philippe Ducros aura lieu au MNBAQ ce 14 septembre, à 16h, dans le cadre du Festival de Cinéma de la Ville de Québec. (Détails ici.)
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