Chronique d’une victoire annoncée
La montée en puissance de l’extrême droite en Europe est-elle le fait de leaders habiles ou le reflet fidèle des valeurs de l’électorat?
«La vérité est ailleurs.» La phrase culte de la série The X-Files semble être devenue le mantra d’une partie de la population mondiale. Sauf que les théories du complot ne se contentent plus d’interpréter les évènements: elles transforment la réalité qu’elles prétendent décrire. Alors quelles prises aurons-nous encore sur la vérité, en 2025?
Quatre ans après les attentats du 11 septembre 2001, le documentaire Loose Change apparait en ligne. Narré par une voix grave, articulée et crédible et s’appuyant sur des images d’archives et des témoignages d’experts, il compare l’effondrement des tours jumelles à des dynamitages d’immeubles désaffectés. Il cherche ainsi à démontrer que les attaques sont en vérité une mise en scène du gouvernement américain. Il s’adresse à l’auditoire non pas en émettant des hypothèses, mais en posant des questions: Comment un immeuble ultrarésistant peut-il s’effondrer en quelques secondes? Comment expliquer certains mouvements à la Bourse de New York juste avant les attentats?
Les réseaux sociaux comme on les connait aujourd’hui n’existent pas à ce moment-là. On se transmet l’existence de ce film comme un secret, au bureau, dans des partys… «Il faut que tu voies ça, ça va t’ouvrir les yeux.»
Cette théorie du complot gagne en popularité: on en parle à la télévision, en Amérique comme en Europe… À peine quelques mois après sa sortie, le film a été vu par plus de dix millions de personnes. Vanity Fair en parle comme du premier blockbuster de l’internet.
Intrigués, des journalistes décident de se pencher sur l’affaire. Leurs enquêtes arrivent toutes à la même conclusion: non, les attentats du 11 septembre ne sont pas un coup monté des États-Unis, il s’agit bel et bien d’un attentat terroriste. Malgré tout, la croyance en un complot refuse de mourir. Et pas seulement dans l’Amérique profonde: il suffit de questionner les gens autour de soi pour prendre la mesure de sa ténacité.
Près de 25 ans après la tragédie, des gens qui se sont donné le nom de «truthers» exigent toujours que leur gouvernement révèle les faits. Mais, on le comprend, ils ne seront satisfaits que lorsqu’on leur présentera la vérité qu’ils désirent.
On traduit souvent «truthers» par «les chercheurs de vérité». Mais de la même manière que le writer est celui qui write, le player celui qui play, le truther fait la vérité. Il la fabrique.
La montée du complotisme s’explique entre autres par la baisse de confiance dans les discours officiels. Après tout, de réels complots se sont avérés. Et s’il y a un pays où sont plausibles des scénarios abracadabrants, ce sont les États-Unis. Qu’on pense aux liens entre la CIA et les Contras, au scandale du Watergate ou aux nombreux coups d’État en Amérique latine, les Américains ont plus souvent qu’à leur tour agi dans l’ombre. On peut aussi penser aux lobbys de l’industrie du tabac, qui ont réellement conspiré pour cacher le fait que la cigarette nuisait à la santé.
L’Histoire nous rappelle que non seulement on a raison de douter, mais que c’est pratiquement un devoir. C’est sur cette méfiance, légitime d’une certaine façon, que se sont érigées ce qu’on a appelé les théories du complot.
Mais alors, qu’est-ce qu’on leur reproche?
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