Les larmes des femmes sont dangereuses

Rose Henriquez
Photo: Romain Behar
Publié le :
Essai

Les larmes des femmes sont dangereuses

Qui a encore peur des pleureuses en 2025? Inspirée par sa mère qui incarne cet archétype lorsqu’elle porte le deuil, notre collaboratrice sonde notre rapport collectif et intime aux débordements.

Considéré dans ce texte

Les émotions des femmes. L’eau salée qui coule sur les joues. L’influenceuse écossaise Mia Banducci. L’essayiste québécoise Camille Toffoli. Le deuil des êtres chers et leur force collective. Les racines haïtiennes d’une journaliste québécoise. 

La gestuelle de la perte s’écrit dans les rides des femmes, s’étale sur les écrans ou dans les rues, là où il est difficile de détourner le regard. 

À mon âge, les rendez-vous avec la mort s’accélèrent. Ma grand-mère maternelle a été emportée par la maladie en 2020. Mon oncle, par un accident de la route quatre ans plus tard. Devant ces deux pertes successives, ma mère a été engloutie dans une détresse que j’ai reçue comme une vague. 

J’ai ressenti sa peine dans mes veines, le sang que l’on partage. J’ai vu des morceaux d’elle s’abattre sur le marbre de ce salon funéraire où les membres de sa famille, les Fontus, élisent leur dernier domicile. J’ai reçu sa douleur en plein cœur tandis que je me faisais plus petite et invisible, comme on m’a toujours appris à le faire. Elle prenait un espace interdit, elle devenait immense, audible, visible. Dans ses plaintes et gémissements, toute une lignée de femmes. Son chagrin se répandait sur le sol, dans les bras des hommes qui avaient du mal à la maintenir, dans le regard à la fois navré et reconnaissant de ses sœurs, dans le stoïcisme d’un prêtre qui continuait son discours, habitué aux crises, et dans la stupeur incomprise de personnes venues présenter leurs condoléances. À la lumière de ces cris primaux, ancestraux, théâtres d’une folie temporaire… des rituels d’un autre temps.


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