Trouver les autres

Nicolas Langelier
Montage de Jean-François Proulx, d’après une photo du lac Pink (Gatineau) par Parham Barati
Publié le :
Intro

Trouver les autres

Chaque époque, au bord du gouffre, a trouvé ses passeurs, ses refuges, ses ateliers de relance du sens. Quels seront les nôtres?

À la fin d’un souper récent, je discutais avec une amie journaliste de ces figures importantes de notre paysage médiatique et culturel qui nous ont quittés cette année. De l’étrange sentiment d’être un peu orphelins, sans ces gens qui ont été des points de repère tout au long de nos vies de membres de la génération X.

Nous pensions en particulier à Pierre Foglia et René Homier-Roy, des modèles de plein de manières. Mais aussi, consciemment ou non, à Victor-Lévy Beaulieu, le bâtisseur de mythes et brasseur de cage; Guy Rocher, l’un des architectes intellectuels du Québec moderne; Jean-Claude Germain, grand conteur et défricheur de notre mémoire collective; Yvan Lamonde, l’historien des idées qui a reconstitué le fil de notre modernité pour que la société québécoise se voie telle qu’elle est—héritière, mais pas prisonnière. Et bien d’autres encore, pour qui 2025 aura été le bout de la route.

Leur disparition ne marque pas seulement le crépuscule d’une génération, mais aussi d’une forme de culture. Publique, lente, dialogique: une culture qui croyait à la puissance du mot écrit pour façonner la conscience collective.

Au même moment où ces voix s’éteignaient, une autre—non-humaine celle-là—s’imposait. Car c’est aussi en 2025 que l’intelligence artificielle s’est vraiment insinuée dans nos vies. Dans les salles de presse, les écoles et les bureaux, les modèles textuels et visuels écrivent, composent, résument, traduisent. Là où la parole humaine hésite, ils produisent. Là où la pensée doute, ils répondent. Alors que s’éteignent les hommes et les femmes qui incarnaient la médiation humaine—le lien entre savoir et public, entre mémoire et actualité—s’imposent des systèmes capables de simuler cette médiation, mais sans corps, sans lenteur, sans responsabilité.

L’année 2025 aura donc été celle d’un double mouvement: une série de fins humaines, et une prolifération de commencements artificiels.

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