Trois arguments pour l’amour de l’urbanité
De la pertinence renouvelée des métropoles denses et animées.
Au siècle dernier, la ville nord-américaine s’est retrouvée dans un cul-de-sac économique en se développant autour de l’automobile. On peut maintenant affirmer, exemples à l’appui, qu’il est écologiquement sensé et financièrement raisonnable de concevoir des quartiers qui placent les résidents—et non leur véhicule—au cœur de tout.
Pour Chuck Marohn, pionnier de l’urbanisme durable aux États-Unis, moins la ville est pensée pour les voitures, plus elle devient fonctionnelle. Fondateur de l’organisme Strong Towns, dont la mission est de promouvoir un modèle de croissance qui permette aux cités américaines d’être financièrement solides et résilientes, il estime que les villes qui s’articulent autour des piétons sont plus dynamiques et plus productives que celles qui placent la voiture sur un piédestal.
Voici dix principes à appliquer pour créer un quartier sans voitures.
Changement de mentalité
«Cherchons à bâtir des villes dominées par les gens, mais qui accommodent les automobilistes, plutôt que le contraire», explique Chuck Marohn. Selon lui, tout commence par un changement de mentalité.
Cohabitation
La voiture est souvent indispensable lorsque les services aux citoyens sont éloignés les uns des autres. Un quartier sans voitures devrait compter des commerces et des services variés, ainsi que des zones d’emploi, à proximité des lieux de résidence.
Piétonnisation
La présence d’une zone piétonne au cœur d’un quartier peut fortement inciter les gens à se débarrasser de leur voiture solo.
Transport en commun
Une bonne desserte en transport en commun encourage les gens à diminuer leurs déplacements automobiles au profit des déplacements actifs et collectifs. À New York, Roosevelt Island (12 000 habitants) est devenue presque entièrement piétonne grâce à la présence d’un tram aérien.
Design urbain
On ne crée pas un quartier sans voitures en retirant simplement les véhicules, mais plutôt en le dessinant minutieusement, en le repensant pour les gens. Dans les années 1970, Chicago a négligé cette étape lors de la transformation d’une portion de la rue State, au centre-ville, en zone piétonne. Les vastes espaces ainsi libérés ont suscité un sentiment d’isolement chez les piétons et le projet a avorté.
Accès à de l’équipement cyclable
Il ne faut pas sous-estimer l’im-portance d’équipements cyclables pour la création d’un quartier sans voitures. À Malmö, ville suédoise de quelque 309 000 habitants reconnue pour son centre piéton et sa faible utilisation de la voiture, plus de 30% des déplacements se font à vélo, grâce aux 420 km de pistes cyclables (contre 265 km à Québec).
Voitures en libre-service
Avec 70% de ses 5 000 résidents ne possédant aucune voiture, Vauban, nouveau quartier de Fribourg, dans le sud-ouest de l’Allemagne, a trouvé un équilibre efficace basé sur les transports en commun et les véhicules en libre-service.
Espaces publics
Pour ramener la population dans la rue et augmenter l’achalandage, le quartier sans voitures doit miser sur des espaces publics accueillants et conviviaux.
Densité et compacité
Dans la ville de High Point en Caroline du Nord, la valeur d’un terrain peu dense et centré sur la voiture avoisine le million de dollars par acre, alors que la valeur d’un terrain dit traditionnel, favorisant la marche, atteint près de 3,5 millions $ pour la même dimension. Les milieux denses et compacts sont plus productifs, plus accessibles et surtout plus animés que les milieux étalés.
Valorisation commerciale
Contrairement à la croyance populaire, l’absence de voitures est bénéfique pour les commerçants. Le Strøget, à Copenhague, est un quartier dont les propriétaires de commerces ont vu leurs ventes augmenter de 40% à la suite de la piétonnisation.
Montréal sans voitures: rêve ou possibilité?
L’automobile et le pétrole causent un déficit de 25 milliards$ dans la balance commerciale du Québec. Pour la seule région de Montréal, les impacts économiques de la congestion (productivité diminuée, retards de livraison, gaspillage de carburant, etc.) entrainent des pertes de plus de 1,5 milliard$ par année. Pourtant, un Montréal sans voitures en fait frémir plus d’un. Plusieurs professionnels de l’aménagement se sont tout de même penchés sur la question et des initiatives intéressantes ont vu le jour. Des projets de piétonnisation longue, comme ceux de la rue Sainte-Catherine ou de la rue Saint-Paul, ont fait leurs preuves. Les systèmes de vélos et de voitures en libre-service laissent entrevoir la possibilité de quartiers centraux sans voitures. Une chose est sure: le projet ne doit pas être précipité. Tout est question de vision d’ensemble. Et de volonté.
Gabrielle Immarigeon travaille pour l’agence de valorisation urbaine Convercité, où elle a développé une expertise en consultation citoyenne et en participation publique. Elle s’intéresse à la place de l’individu dans la mise en œuvre et la conception de projets urbains, ainsi qu’à la création de quartiers écoculturels.
De la pertinence renouvelée des métropoles denses et animées.
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