Laisser le vivant circuler

Joanie Pietracupa
Photo: Nancy Guignard
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Transition

Laisser le vivant circuler

Grâce à son plan de connectivité écologique, la Fiducie de conservation des écosystèmes de Lanaudière contribue à la protection d’une trentaine d’habitats naturels de la région.

En 2016, la Fiducie de conservation des écosystèmes de Lanaudière (FCEL) a mis sur pied un plan complet de «connectivité écologique»—définie par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) comme «les mouvements sans entrave de la faune et de la flore et le flux des processus naturels qui soutiennent la vie sur Terre». Ce projet a pour but de relier et de préserver 30 écosystèmes prioritaires du sud de Lanaudière identifiés et cartographiés lors de travaux réalisés en 2007 et 2008 par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs et le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques de l’époque.

L’objectif premier de ce plan à long terme? «Mettre du patrimoine à l’abri à perpétuité, rien de moins!» révèle Michel Leboeuf, ex-directeur général de la FCEL nouvellement à la retraite. Concrètement, ce travail essentiel—effectué un peu partout à travers le monde, et même dans notre belle province, insiste le détenteur d’une maitrise en sciences biologiques—peut passer par diverses actions, comme le reboisement de certaines zones ou la notarisation de terrains privés recouverts de forêts matures (de 100 ans et plus) ou de milieux humides, par laquelle les propriétaires s’engagent à protéger à perpétuité ou à réhabiliter une partie ou l’entièreté de leurs terres pour favoriser l’épanouissement ou la libre circulation des espèces fauniques, floristiques ou fongiques sauvages qu’elles abritent. «On veut surtout s’assurer que ces habitats préalablement identifiés par nos équipes et principalement situés dans des corridors reliant le sud et le nord de Lanaudière soient maintenus, même s’ils sont fragmentés, et pour le plus longtemps possible, indique Michel Leboeuf. Parce qu’au rythme où vont les choses actuellement, les milieux, suivis de près par les espèces qui les habitent, disparaissent très rapidement.»


Des corridors de vie

Dans l’avant-propos des Lignes directrices pour la conservation de la connectivité par le biais de réseaux et de corridors écologiques publiées par l’UICN en 2020, on peut lire que «la vie sur Terre s’épanouit là où les écosystèmes sont en bonne santé et connectés sur le plan écologique. À mesure que les impacts des activités humaines s’intensifient sur la planète, on assiste à la diminution et à la fragmentation des écosystèmes naturels. La dégradation et la fragmentation des écosystèmes naturels figurent parmi les principales causes de la crise mondiale de la biodiversité.» Autrement dit, les activités humaines, notamment le développement urbain et l’exploitation forestière, qui se déroulent à proximité d’habitats naturels (forêts, parcs nationaux, aires marines, etc.) perturbent les corridors écologiques au point d’entraver le passage des animaux et la dissémination des plantes et des organismes fongiques sauvages, ce qui les empêche de prospérer, voire de survivre.

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Dans Lanaudière, l’urbanisation des milieux naturels et l’arrivée d’espèces colonisatrices agressives, tel le roseau commun qu’on aperçoit en bordure de nombre de routes au Québec, entrainent la disparition d’espèces sauvages, un problème auquel s’attaque activement l’équipe de la FCEL. Parmi les espèces emblématiques présentement en péril dans la région: la grive des bois, «un oiseau typique des forêts matures du sud du Québec, qui a du mal à se nicher, en ce moment, par manque de périmètre pour se reproduire, dénicher de la nourriture et se développer», expose Michel Leboeuf. La chouette rayée, le hibou moyen-duc, le petit-duc maculé, le pic flamboyant, la petite chauve-souris brune, le chevalier cuivré, la tortue mouchetée, le cypripède tête-de-bélier, le polygale sénéca, l’utriculaire à fleur inversée et l’amanite de Jackson comptent aussi au nombre des espèces en voie d’extinction.

En plus de préserver les zones importantes et de lutter contre les espèces envahissantes exotiques, la Fiducie travaille à reconnecter, via des corridors écologiques, les grands noyaux naturels, c’est-à-dire les parcelles de terrain assez vastes (d’environ 300 hectares, mais idéalement de 500 hectares et plus) pour englober un maximum d’espèces vivantes. Depuis la création de son plan de connectivité, il y a huit ans, la plupart des corridors les plus faciles à préserver ou à restaurer l’ont déjà été.

Selon Michel Leboeuf, le geste le plus important que l’on peut poser comme citoyen·ne·s pour contribuer à la préservation des animaux, des plantes et des organismes fongiques sauvages est de participer à la sauvegarde et à la reconnexion des milieux naturels, notamment en cédant son terrain pour qu’il soit protégé ou reboisé par un organisme environnemental comme la FCEL, ou en créant des corridors écologiques à petite ou à grande échelle, au moyen d’une ruelle verte qui fera passer des pollinisateurs, par exemple.

«Ces actions aideront à maintenir la biodiversité pour le futur, mais aussi à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, à maintenir notre agriculture viable, à conserver notre eau potable, à laisser les arbres nous rendre leurs services écologiques comme purifier l’air, bref, à assurer notre survie! ajoute-t-il. Je dis souvent qu’un seul hectare de forêt vaut des milliers de dollars en services rendus… C’est à nous, êtres humains, de rendre la pareille à la nature et aux espèces en les protégeant le mieux possible!»


Journaliste et autrice, Joanie Pietracupa a occupé le rôle de rédactrice en chef de divers magazines féminins pancanadiens (ELLE Québec, ELLE Canada, VÉRO, Clin d’œil, LOULOU). Elle siège également au CA de l’OBNL ÉquiLibre, qui vise à favoriser le développement d’une image corporelle positive auprès des Québécois·es.

D’autres initiatives locales pour la transition


Leçon de partage

C’est dans la municipalité de Crabtree que l’application mobile Partage Club, qui compte désormais cinq villes membres, a vu le jour. Pour un tarif annuel de 60 dollars (après trois mois offerts gratuitement), les utilisateur·trice·s du «plus grand magasin en ligne d’objets gratuits à deux pas de chez soi», comme l’appelle sa cofondatrice Fauve Doucet, peuvent prêter et emprunter à leurs voisin·e·s des articles en tous genres—des jouets pour enfants aux chapiteaux extérieurs, en passant par des vélos de performance et des outils de jardinage—par l’intermédiaire d’une interface ultrapratique et conviviale.


Objectif zéro déchet

En 2022, la Ville de Mascouche a lancé un défi à ses citoyen·ne·s: réduire d’au moins 15% les matières résiduelles (déchets, recyclage et compost) de leur ménage dans le but de se rapprocher d’un mode de vie zéro déchet. Résultat de la première édition de ce défi mis en place sur trois mois? La quasi-totalité des familles participantes ont réussi à réduire considérablement la quantité de matières résiduelles qu’elles produisent, plus de la moitié des ménages atteignant même l’objectif initial de 15%. Au total, c’est près de 3 500 kg de déchets qui ont été éliminés—ce qui totaliserait environ 14 tonnes sur une année complète. La deuxième édition du Défi zéro déchet vient de se terminer.


Bibliothèque nomade

Avec des livres, des jeux et l’écoute attentive de bénévoles: voilà comment la Biblio mobile de Saint-Gabriel-de-Brandon combat la solitude chez les personnes âgées ou en perte d’autonomie. Créé durant la pandémie par l’équipe du Centre d’action bénévole Brandon, le service a pour but d’offrir de la compagnie aux gens seuls, mais aussi de prévenir la maltraitance chez les ainé·e·s. Aux trois semaines, deux bénévoles au volant d’une van remplie de livres, de jeux de société, de cartes de bingo et de casse-têtes arpentent donc la ville pour distribuer du matériel de divertissement aux plus vulnérables, en plus de consacrer une heure de leur temps à jouer et à échanger avec ces personnes.

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