Le garde-manger des pots cassés

Anna Demay
Illustration: Aurore Juin
Illustration: Aurore Juin
Publié le :
Alimentation

Le garde-manger des pots cassés

Veut-on laisser Costco fabriquer notre culture alimentaire?

Considéré dans ce texte

Les pots Mason et la construction de notre identité. Cooked, du journaliste Michael Pollan. La bouillabaisse, un gâteau forêt-noire et une pizza congelée. L’industrialisation, l’américanisation et la mondialisation de la nourriture. Les souvenirs de nos enfants.

Ma tradition de mise en pots a commencé en 2014. Comme toute bonne cuisinomane hipster enceinte qui se respecte, je trouvais ça sympa de faire comme les mammas italiennes du marché Jean-Talon et d’assumer, le temps d’un weekend, mon identité de pourvoyeuse.

Même si mon initiation à la mise en conserves n’a pas été d’une productivité mémorable, participer à cette manifestation authentique de notre culture culinaire s’est avéré bien plus prenant que je ne l’avais imaginé. Ce qui a commencé comme un simple divertissement est devenu, six ans plus tard, un passage automnal obligé. Chaque année, en contemplant ma famille et mes amis s’atteler à la tâche les jours de conserves, je suis emplie de béatitude. J’aime créer, transformer, profiter de la richesse de la nature selon sa saisonnalité. Puis, il faut le dire, le gout rayonnant de la vraie tomate sur des pâtes fraiches un soir glacial de février est sans égal: plus question de m’en passer.

Cette année, pourtant, le sérieux avec lequel j’ai fait mes provisions a pris une tout autre ampleur. Comme tout le monde, j’ai vu nos frontières se fermer et notre chaine d’approvisionnement alimentaire se fragiliser. Comme tout le monde, j’ai constaté les effets des politiques boiteuses, peu durables et peu logiques dans le contexte de la crise sociale et environnementale mondiale qui s’abat sur nous. Enceinte à nouveau, j’ai finalement compris l’ampleur de ce qu’implique la souveraineté alimentaire.

Bien plus qu’un mouvement dicté par des politiques agricoles, la souveraineté alimentaire nous demande de parfaire nos connaissances, de comprendre comment tirer profit des savoirs traditionnels et d’en assurer la passationVoir la définition du Réseau pour une alimentation durable, qui détaille les septs piliers de la souveraineté alimentaire et fait une place importante au savoir-faire culinaire.1Voir la définition du Réseau pour une alimentation durable, qui détaille les septs piliers de la souveraineté alimentaire et fait une place importante au savoir-faire culinaire.. Si nous voulons collectivement reprendre le contrôle de ce que nous mangeons, il va falloir accepter de mettre la main à la pâte. Ça a été une épiphanie: cette année, la mise en conserves se devait de dépasser la simple passata.

J’ai donc décidé d’honorer pour de bon la vraie vocation des centaines de pots Mason que j’avais accumulés au fil des années. (Confession: j’ai commencé à me servir des pots Mason à l’époque où c’était à la mode d’avoir la même verrerie que La Distillerie!) Outre mes quelques conserves automnales, ils m’étaient utiles pour tout—verre, lampion, rangement dans le cabanon—sauf pour stocker de la nourriture. Plus maintenant, les choses devaient changer.

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