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D'Oman au Honduras, quatre correspondant·e·s nous donnent des nouvelles de leur coin du monde.

Le destin scellé du sultanat

Mascate, Oman—«Oman? C’est où?» Il est de ces pays dont on ignore presque tout, jusqu’à leur localisation. Avec des voisins aussi turbulents que l’Arabie saoudite, l’Iran et le Yémen, il est surprenant que ce sultanat ne fasse pas davantage la manchette.

Oman, c’est la Suisse du Moyen-Orient: un acteur diplomatique qui a choisi la non-ingérence et le non-alignement comme lignes directrices de sa politique extérieure. Au sein de ce pays désertique bordé par la mer d’Arabie, la paix règne. Et un homme est crédité de cette stabilité: le sultan Qaboos.

Les édifices blancs de Mascate, la capitale, sont tapissés d’innombrables effigies du souverain, dont la barbe blanche trahit ses 77 ans. C’est grâce à lui qu’Oman a pris le chemin de la modernité, il y a 47 ans, lorsqu’il a chassé son propre père du pouvoir pour mettre la nation sur les rails de son épanouissement. Dans une sorte de Révolution tranquille à l’omanaise, la population s’est soudainement vue éduquée, les infrastructures développées, et l’or noir intensivement exploité.

Autre originalité par rapport à cette région belligérante, les tensions religieuses y sont marginales. Le pays est de confession ibadite, une branche plus tolérante de l’islam qui autorise la cohabitation de plusieurs religions. Les femmes ont le droit de travailler, de voter, de divorcer. L’homosexualité, pourtant prohibée par la religion, est peu réprimée, le sultan Qaboos étant lui-même divorcé et presque ouvertement gai.

Pourtant, tout n’est pas rose dans cette monarchie absolue: le souverain cumule les plus hauts pouvoirs, les mœurs demeurent relativement conservatrices et de grandes inégalités persistent entre Omanais et étrangers. Mais ces ombres au tableau ne semblent pas empêcher le peuple d’adorer son sultan. Surtout qu’à l’heure actuelle, celui-ci se meurt.

À son décès, il incombera aux membres de la famille royale de choisir son successeur. S’ils n’y parviennent pas en trois jours, ils ouvriront une enveloppe scellée que le sultan Qaboos a laissée au palais royal avec le nom de son dauphin (ou les deux noms, selon les rumeurs). Cette mise en scène, qui s’apparente davantage à un épisode de téléréalité qu’à un processus politique, nous rappelle qu’Oman n’est pas un État démocratique malgré les avancements des dernières décennies. Marche en avant ou régression: quelle direction prendra ce sultanat? Peu importent les spéculations, puisque l’avenir de ce pays est déjà scellé.


Geneviève Albert est réalisatrice et scénariste pour le cinéma et la télévision. Elle travaille actuellement sur son premier long métrage de fiction. 

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