À proximité de la ville d’Aradah, dans le sud de l’Irak, une épaisse fumée noire s’élève et s’accroche au ciel comme une plaie béante qui ne cicatrise jamais. Indifférente au passage du temps, la torchère de la raffinerie d’Ouest Qurna 2 brule l’excédent de gaz naturel généré par l’extraction du pétrole. Inaltérable, l’opération libère un venin ardent qui sature l’air et ronge l’horizon. Sous cette chape toxique, à la sortie d’usine du champ pétrolier opéré par le géant russe Lukoil, une marée d’ouvriers en blouse bleue avance en masse, leurs corps épuisés et dévorés par la chaleur des flammes. «Ici, tout appartient au pétrole. C’est lui qui décide de notre vie ou de notre mort. J’ai peur d’aller chez le médecin. Il va surement me diagnostiquer un cancer. Je préfère ne pas savoir», souffle Haider Abed d’une voix blanche. Cette maladie, le mécanicien ne la connait que trop bien. Elle grignote ses proches depuis des années. Au début, c’étaient quelques-uns de ses collègues. Maintenant, ce sont ses deux parents. «Je participe indirectement à la contamination de l’air à cause de mon travail. Mais que puis-je faire? Il faut bien que je nourrisse ma famille», se désole Haider.