Après la porno

Catherine Genest
Photo: Catherine Genest
Publié le :
Correspondances

Après la porno

Chicoutimi, Québec

De retour de son périple au Royaume, Catherine Genest nous entretient du potentiel érotique des étoiles de mer.

Un matin de mars, j’ai rendez-vous avec Aga Szreder et Rafał Żwirek, qui ont cofondé le Post P_rn Arts Fest de Varsovie, en Pologne. Un programme de leur cru sera présenté ce soir, dans Chicoutimi-Nord, dans le cadre du Festival Regard.

Les deux sont grand·e·s et leurs cheveux sont d’un blond glacial. En guise de premier pas, Rafał me tend, de ses mains manucurées de blanc, un morceau de tissu fuchsia. «On a un cadeau pour toi.» En le dépliant, je découvre un sac réutilisable orné de la sérigraphie d’une casquette, comme celle que porte Donald Trump, avec l’inscription Make Post Porn Great Again. «On l’a mis à jour pour notre voyage au Canada», me dit-il, joueur.

La pornographie est intrinsèquement politique pour ces artistes multidisciplinaires qui se définissent aussi comme travailleur·euse·s du sexe et qui habitent un pays où l’avortement est illégal dans presque tous les cas. «À la première édition du PPAF, il y a quatre ans, des manifestations ont eu lieu», raconte Aga. Son collègue détaille: «Des gens vêtus de toges, en tenues médiévales avec des chapelets autour du cou, ont prié devant les festivalier·ière·s pendant des heures. Ils lançaient du sel sur la bâtisse du cinéma pour tenir le diable à distance.»

La postporno se veut plus éthique, critique, artistique et diversifiée que la pornographie conventionnelle. Parce que les artistes de ce mouvement rejettent souvent les étiquettes, définir ses contours est difficile, et ces questionnements ennuient Aga et Rafał. «À chaque édition, les journalistes de Pologne nous demandent ce qu’est la postporno. Come on. Ils pourraient au moins se donner la peine de chercher sur l’internet avant.»

Pourtant, résumer le concept de la postpornographie n’est pas un exercice facile, et peu de gens s’y prêtent, même chez les universitaires qui en font l’objet de leurs recherches. C’est le cas de l’Italienne Rachele Borghi, qui a publié plusieurs articles scientifiques sur le sujet et qui se rabat sur une définition du collectif Go Fist Foundation: la postporno serait «le seul art qui représente les pratiques sexuelles telles qu’elles existent: avec des fluides, des odeurs, de la sueur, des bruits», celui qui «se charge de montrer “notre” sexualité dépouillée de tout romantisme et qui nous rapproche de notre animalité. C’est une revendication de notre sexualité1«Post-Porn. Corps en relation, corps en résistance», Rachele Borghi, 2013.», une «expérimentation ouverte» à toutes les personnes aux corps, tailles, orientations sexuelles et pronoms différents.

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