Sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme
L’effondrement arrive, a même possiblement déjà commencé. Plutôt que de nier le désastre, il est temps de préparer la suite en y consacrant tout ce qui nous reste de capacité à rêver.
À propos des véritables liens dont nous aurons besoin, au cours des temps troublés qui s’annoncent.
Nous prenons allègrement l’entière responsabilité de demain. L’effort rationnel, une fois retourné en arrière, il lui revient de dégager le présent des limbes du passé.
Dans la salle de l’Assemblée nationale, François Legault—fellow de l’Ordre des comptables agréés et 32e premier ministre du Québec depuis la création de la Confédération canadienne—s’est levé de son siège. C’était le 30 novembre dernier et l’occasion était solennelle: il allait prononcer le discours d’ouverture de la première session de son tout nouveau mandat.
Le premier ministre a laissé s’éteindre l’ovation offerte par les autres députés caquistes. Puis il a effectué les salutations et remerciements d’usage, avec le ton convivial et l’élocution toujours un peu laborieuse propres à cette nation dont il se veut le papa bienveillant. Nation qui se reconnait si bien en lui, d’ailleurs, qu’elle venait de lui offrir, à l’élection générale du 3 octobre, une victoire encore plus décisive que la première, avec 90 députés pour la Coalition avenir Québec et une opposition divisée, démoralisée, certainement pas en état de s’opposer à grand-chose.
Puis François Legault, sorte de Duplessis Calinours bâti sur mesure pour les banlieues québécoises du 21e siècle, est entré dans le vif de ce qu’il voulait communiquer aux membres de la nation, ce jour-là.
Si ladite nation a survécu et prospéré au cours des 414 années depuis l’Habitation de Champlain, a-t-il dit, et si le Québec est l’un des endroits dans le monde où les consignes sanitaires liées à la Covid-19 ont été les mieux respectées, a-t-il avancé, c’est en raison de notre «cohésion nationale».
S’en est suivie une liste détaillée des différentes priorités de son gouvernement pour les années à venir : éducation, économie, environnement, santé et, sans surprise, ce qu’il range dans la catégorie «Identité»—protection du français, immigration et plateformes numériques de diffusion culturelle.
Soixante-quinze longues minutes et deux interprètes en langue des signes plus tard, le front maintenant un peu luisant, François Legault est revenu à son idée maitresse pour conclure son discours :
Je le disais au début, une des choses qui m’a le plus impressionné, dans le dernier mandat, c’est ce qu’on a vécu pendant la pandémie: la solidarité des Québécois, à cause de cette cohésion nationale. Cette cohésion, ça part d’un sentiment d’appartenance à une nation. Ça part d’une histoire commune, d’une langue commune, de valeurs communes. C’est ça qui nous unit. C’est ça qui nous pousse à être solidaires. Et cette cohésion nationale, c’est très précieux. On doit la cultiver.
Était-ce le reflet de son opinion véritable ou une forme de vœu pieux? Difficile de dire ce que pense vraiment François Legault de cette histoire de cohésion.
Activez dès maintenant votre abonnement à Nouveau Projet pour lire le reste de ce texte. Du contenu original et de grande qualité, des privilèges exclusifs, et bien plus encore.
Voir les forfaitsDéjà membre? Ouvrir une session.L’effondrement arrive, a même possiblement déjà commencé. Plutôt que de nier le désastre, il est temps de préparer la suite en y consacrant tout ce qui nous reste de capacité à rêver.
Alors que les frontières se referment et que grandissent la peur de l’autre et le désir de nous retrouver «entre nous», quel espoir y a-t-il pour l’entraide dont nous avons si cruellement besoin, en ce moment critique?
Comment notre époque peut-elle en même temps sembler aussi spectaculairement catastrophique et profondément ennuyante, par bouts?