Paysage dans le brouillard

Denis Côté
Publié le :
Essai

Paysage dans le brouillard

Pour le cinéaste Denis Côté, l’année 2024​—couronnée par le prix Albert-Tessier pour l’ensemble de son œuvre—​aura été comme un cadeau, à la suite d’une greffe de rein salvatrice. Journal en bribes.

2024: une année qui marquera ou pas l’histoire, mais dans mon petit univers, j’ai eu 50 ans. J’ai un pilulier. Je vais mieux. À l’hôpital, on m’explique que la vie de greffé n’en est pas une de miraculé. Ça reste la vie d’un malade qui se doit de jouer de prudence, dans tout. La midlife crisis, la greffe de cheveux et la Corvette devront attendre une prochaine vie. Je suis suivi par Alberto, mon infirmier uruguayen aux grosses mains. Il a une tristesse dans la voix, mais je ne lui demande jamais ce que c’est.


2006: petit choc en automne

J’ai 32 ans.

On en parle aux nouvelles, donc ce doit être vrai: les médecins de famille sont une denrée rare au Québec. Je n’en fais pas de cas. Les hommes détestent aller à l’hosto pour rien, de toute façon. Deux jours plus tard, j’interroge ma mère au sujet du bon vieux doc Lortie. Il ne t’a pas vu depuis l’âge de six ans, me dit-elle.


Une clinique médicale, à l’époque, c’est trois vieux numéros de L’actualité sur une table en coin, avec le sudoku complété, ruiné. Et de lourds dossiers en mode numérisation imminente derrière le comptoir. On m’appelle. Je n’ai qu’un commentaire et une question pour le doc: «Je vieillis, c’est bien que l’on puisse garder contact», puis «C’est quoi un checkup général?» L’homme au sarrau me jure qu’avec cinq gouttes de sang et une cuillerée à thé de pisse dans une fiole, on me trouvera un problème.


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