J’attendais le 67 Saint-Michel, qui ne passe pas trop souvent hors des heures de pointe, quand mon regard s’est posé sur l’affiche d’une télésérie policière québécoise, Détective Surprenant, présentée sur Illico. Ce n’est pas la référence au personnage de Lorenzo Surprenant dans Maria Chapdelaine qui a arrêté mon regard, ni même les falaises de tuf rouge des Îles-de-la-Madeleine en arrière-plan, mais le chandail que portait l’acteur Patrick Hivon: un Aran bleu.

L’Aran est un pull marin appartenant à cette famille qu’en anglais on appelle «cable-knit»: un tricot à torsades. C’est l’un des modèles de chandail de laine les plus connus, surtout dans sa version blanche. C’est celui, par exemple, que porte Billy Crystal dans When Harry Met Sally. Des célébrités comme Elvis Presley ou Marilyn Monroe ont aussi été photographiées vêtues d’un Aran. En 2019, l’acteur Chris Evans a relancé les ventes avec une photo de lui en portant un, devenue virale. Un article du New Yorker rapporte que le fabricant du chandail, Blarney Woollen Mills, une compagnie irlandaise qui vend des tricots depuis 1823, a vu ses ventes augmenter de 150% après la diffusion de l’image. L’année suivante, Taylor Swift a repris le flambeau avec une photo d’elle en Aran qui a fait exploser les ventes chez ses fans.

Mais bien avant les vedettes, le chandail d’Aran était porté par les pêcheurs des iles irlandaises qui lui ont donné son nom. Contrairement aux fibres synthétiques, la laine peut absorber près de 30% de son poids en eau et continuer de garder au chaud. Le chandail était à l’origine fait de laine non lavée, d’où sa couleur traditionnelle blanc cassé, ce qui permettait de conserver ses huiles naturelles qui le protégeaient de l’eau et de la saleté. Le pull bleu du détective Surprenant a donc une origine assez bien choisie pour l’univers maritime des Îles-de-la-Madeleine, où se déroule la série.

Sur l’affiche de l’abribus, le tricot avait l’air de mauvaise qualité, probablement en fibre synthétique ou en coton. Surement une question de budget dans le petit monde de la télésérie québécoise, mais qui pointe un problème plus vaste: la qualité actuelle des chandails, depuis que le côté pratique des dérivés du pétrole a permis à ceux-ci de supplanter les fibres naturelles.