De la tension de l’information retenue

Clara Champagne
Publié le :
Commentaire

De la tension de l’information retenue

Comment les archives de Joan Didion changent-elles les histoires que nous nous sommes racontées à son sujet?

Considéré dans ce texte

Notes to John, par Joan Didion (Knopf, 2025)

Les Joan Didion and John Gregory Dunne papers à la New York Public Library

Ainsi que

Le piège du «je». La publication posthume. La préférence pour les grands traits. Le dévoilement et le contrôle.

Au début de l’une de ses œuvres les plus célèbres, The White Album (1979), Joan Didion inclut un extrait d’une évaluation psychiatrique dont elle a fait l’objet au cours de l’été 1968. Dans le même livre, elle confesse qu’elle est allée à Hawaï avec son mari «au lieu d’obtenir un divorce1Toutes les traductions sont de l’autrice.». Didion écrit qu’elle se divulgue ainsi: «[…] non pas comme révélation gratuite, mais parce que je veux que vous sachiez, en me lisant, précisément qui je suis, où je suis, et que j’ai en tête».

Ces passages contiennent exactement ce qui rend la lecture de Didion à la fois passionnante et déroutante: l’idée que son écriture nous permet de saisir précisément qui elle est. Ainsi, nous, ses fidèles fans, avons la vive impression de la connaitre. Nous savons, par exemple, qu’elle était une «fille native» de Sacramento, en Californie, une descendante de pionniers du 19e siècle qui ont voyagé vers l’Ouest avec la célèbre expédition Donner. Nous savons qu’elle a rédigé sa première histoire à l’âge de cinq ans et qu’elle a appris à écrire en tapant à la dactylo des passages d’œuvres de Hemingway. Qu’elle commençait ses journées avec un Coca-Cola et des amandes salées. Qu’elle dégageait une certaine aura californienne, immortalisée par les photographies de Julian Wasser où elle pose devant sa Corvette Stingray jaune banane, cigarette à la main. Qu’elle gardait une liste de choses à apporter pour chaque voyage de travail, qui incluait du bourbon et une jetée en mohair. Qu’elle recevait aisément des dizaines d’amis célèbres et qu’elle utilisait des cocottes en fonte orange. Qu’elle a vécu en Californie, puis à New York, avec son mari et collègue, John Gregory Dunne, dont la mort en 2003 a été (tragiquement, impensablement) suivie de celle de leur fille adoptive, Quintana Roo. Nous savons qu’elle craignait les serpents.

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