En 2011, Naomi Klein surprend une conversation dans les toilettes publiques d’un bâtiment de Manhattan, à proximité de Wall Street. Deux jeunes filles prétendent que Klein ne comprendrait pas les revendications du mouvement Occupy et qu’elle aurait publiquement désapprouvé une manifestation. «Je pense que vous voulez parler de Naomi Wolf», leur dit-elle en sortant de sa cabine.

Doppelganger s’ouvre sur cet imbroglio qui révèle bien davantage qu’une simple confusion fondée sur un prénom ou une couleur de cheveux. À ce moment, Wolf, une écrivaine et journaliste américaine, ne faisait déjà pas l’unanimité. Son interprétation du mouvement Occupy Wall Street avait déplu aux militant·e·s, et son livre The End of America, qui détaillait les dix étapes menant au fascisme, flirtait déjà avec le complotisme. Sans surprise, la pandémie de Covid-19 n’a fait qu’accentuer cette tendance, et, sur les réseaux sociaux, Wolf n’a eu de cesse d’«établir des ponts entre les faits et ses fantasmes^{1Les citations sont reproduites à partir des traductions des livres de Klein, publiés en français chez Actes Sud.}», comme l’écrit Klein, promouvant des hypothèses sans fondement sur divers sujets, de l’affaire Dominique Strauss-Kahn à Daech en passant par les prétendus dangers de la 5G… Et le brouillage entre les deux Naomi s’est intensifié, défiant toute logique, considérant l’écart entre les idées politiques de l’une et de l’autre.