Sept étapes pour survivre au trop-plein d’information

Marie-Claude Élie-Morin
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Mode d'emploi

Sept étapes pour survivre au trop-plein d’information

À l’heure actuelle, nous sommes exposés à l’équivalent de 34 gigaoctets de données par jour—c’est cinq fois plus qu’en 1986. Comme nos neurones ne peuvent analyser que 120 bits par seconde (ce qui revient à écouter deux personnes parler en même temps), nous distinguons de moins en moins bien le futile de l’utile. Tout ce travail cérébral nous laisse fatigués et distraits, plus prompts à perdre nos clés, à oublier un mot de passe, à rater un rendez-vous ou à vivre l'épuisement professionnel.

Daniel J. Levitin est professeur en neurosciences du comportement à l’Université McGill. Dans The Organized Mind, il se penche sur les manières dont le cerveau humain a appris à traiter et à organiser l’information. Tenter d’entrainer notre paresseuse matière grise à mieux répondre au déluge de données ne sert à rien, affirme-t-il. Il est préférable d’adapter notre environnement extérieur pour profiter davantage de ce que notre cerveau fait déjà très bien. Résumé.


Arrêter de se battre contre le vagabondage de l’esprit

La rêverie et la distraction sont généralement vues comme étant nuisibles à la performance. Or, les chercheurs en neuro-sciences ont montré que cet état du cerveau, pendant lequel les idées s’enchainent sans fil conducteur, lui procure un repos essentiel—voilà pourquoi les siestes et les vacances sont si bienfaisantes. Souvent, c’est ainsi que nous trouvons spontanément la solution à des problèmes jusque-là insolubles.


Se concentrer sur une chose à la fois

Le monde actuel déborde de sources de distraction. En plus de faire grimper exagérément notre taux de cortisol—générant ainsi de l’anxiété et de l’agressivité —, le mode « multitâche » auquel nous nous astreignons amène notre cerveau à consommer davantage d’énergie. C’est parce que le multitâche n’existe pas vraiment : notre cerveau ne fait qu’interrompre inlassablement une activité pour passer à une autre, nous laissant épuisés et désorientés. Il vaut donc mieux aménager nos espaces de travail et de vie de manière à réduire les stimulus extérieurs, et consacrer des plages précises de temps à chaque tâche. 


Ne pas confondre chaos et créativité

Plusieurs personnes se réclament d’une âme artistique, et affirment créer mieux dans un environnement désorganisé. Or, des recherches démontrent que les idées nouvelles se perdent si aucun système n’est mis en place pour que nous les notions et les archivions. Des artistes de renom, dont Joni Mitchell, John Lennon et Michael Jackson, classaient méticuleusement leurs fichiers et leurs cassettes contenant des bouts de chansons. Ils y revenaient maintes fois avant d’en arriver à une composition aboutie. 


Cesser d’être des junkies du texto

Répondre aux courriels et aux textos nous donne l’impression d’avoir accompli une tâche, ce qui entraine la sécrétion de dopamine et active les mêmes régions du cerveau que la cocaïne ou l’orgasme. Le scénario se reproduit lorsque nous consommons de l’information ou recevons des « likes » sur Facebook; notre système limbique en veut toujours plus. Il s’agit carrément d’une dépendance neurale, qui affecte notre capacité à atteindre nos objectifs collègues et amis de ne pas attendre de réponses immédiates à leurs textos.

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Mettre les choses par écrit

Le fait de noter systématiquement tout ce qui nous préoccupe aide énormément à demeurer concentré sur un objectif. Ce que Levitin appelle «se vider l’esprit» consiste à placer à l’extérieur de soi tout ce qui ne peut pas être réglé dans l’immédiat: le rendez-vous chez l’optométriste, la déclaration de revenus, la bouffe du chat, etc. Les hauts dirigeants d’entreprises ont des assistants personnels qui gèrent, justement, cette foule de détails quotidiens et encombrants—leur capacité à mener à bien des projets d’envergure est -d’ailleurs largement due à l’espace mental que cela libère chez eux. Plus modestement, Levitin préconise l’usage très -«archaïque» d’un carnet ou de fiches pour noter ce qui nous trotte dans la tête, suivant un classement en catégories faciles à retenir: fais-le tout de suite, -délègue--le, fais-le plus tard, oublie-le.



Ne pas sous-estimer l’importance du tiroir fourretout

Les individus qui développent des systèmes efficaces de classement souffrent moins du trop-plein d’information: un tiroir de cuisine pour les épices, par exemple, ou un dossier informatique marqué «Vacances 2015». Mais certains objets—concrets et virtuels—échappent à toutes les catégories, devenant dès lors des sources de distraction et de perte de temps. La solution? Un tiroir fourretout, dans la cuisine et sur l’ordinateur, qu’on réorganisera à intervalles réguliers en éliminant ce qui est brisé, incomplet, inutile. Cet exercice s’applique aussi à nos vies intimes. À ce chapitre, Levitin nous invite à prendre une pause de temps à autre pour nous poser certaines questions: -dois-je -encore m’accrocher à cette possession ou à cette relation? Ai-je vraiment -besoin d’accumuler plusieurs exemplaires du même objet? Suis-je ouvert à de nouvelles personnes, à de nouvelles idées et à de nouvelles expériences?


Retrouver l’art des découvertes fortuites

Les moteurs de recherche et les banques de données nous permettent de trouver l’information que nous voulons en un temps record. Mais comme ils enregistrent nos recherches passées et filtrent nos résultats en fonction de ce que nous avons lu précédemment, nous sommes souvent limités à des contenus qui confortent notre perception du monde. Flâner dans une nouvelle librairie, feuilleter une revue méconnue ou parcourir la bibliothèque musicale d’un collègue sont des occasions de faire de véritables découvertes. Pour nourrir notre créativité, nous devons absolument nous adonner à l’art du furetage, de préférence dans des lieux physiques ou à même des sources de contenus relativement restreints, où d’autres humains ont déjà fait un travail de triage.


Marie-Claude Élie-Morin est journaliste indépendante et scénariste en documentaire. Son premier essai, La dictature du bonheur, paraitra chez vlb éditeur le 1er avril 2015.

Photo: Arsenio Corôa

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