Bras de fer en clé de sol

Olivier Robillard Laveaux
 credit: Illustration: Laurianne Poirier
Illustration: Laurianne Poirier
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Commentaire

Bras de fer en clé de sol

Les radiodiffuseurs privés souhaitent que soit réduite la proportion de chansons francophones qu’ils sont obligés de diffuser. Dans l’autre camp, les artistes et les producteurs font valoir l’importance des quotas pour la scène musicale québécoise. Et si le CRTC trouvait une solution pour que tous sortent gagnants de cette impasse?

Considéré dans ce texte

Les quotas de chansons francophones à la radio québécoise. Les intérêts véritables des radiodiffuseurs privés. L’inévitabilité des Poids lourds du retour. Les nouveaux modes de consommation de la musique.

La cassette audio est en place dans le lecteur. Les boutons PLAY, REC et PAUSE sont enfoncés. Il suffira d’appuyer sur pause à nouveau pour que l’enregistrement débute instantanément, la clé du succès de mon opération. La radio est allumée au 96,9 fm, la station d’où proviennent toutes les chansons immortalisées sur ma compilation maison, identifiée été 1992. J’ai 11 ans et j’attends impatiemment que Denis Fortin prononce les noms Julie et Colocs. Dès que je sens la fin d’une pièce, j’approche de la radio. Et si «Julie» commençait sans aucune présentation?

Je reconnais enfin les cuivres distinctifs de la marche funèbre qui lui sert d’intro. J’appuie en vitesse sur pause, et je regarde tourner avec satisfaction les bobines de la cassette. «J’l’ai rencontrée au dépanneur, a s’achetait une grosse liqueur»...

Si mes parents m’ont fait découvrir la chanson francophone avec un grand C (Michel Rivard, Daniel Lavoie, Richard Desjardins, Maxime Le Forestier, Francis Cabrel, Alain Souchon), c’est la radio commerciale qui m’a révélé qu’on pouvait rocker en français: Vilain Pingouin, Les Parfaits Salauds, Les Colocs, Jean Leloup.

Dès que j’ai tenu une guitare acoustique entre mes mains, je me suis pris pour Leloup. Ma première composition était un simulacre de « I Lost My Baby », une chanson que j’avais aussi entendue à ckoi, quelque temps avant la sortie du Dôme. J’ai par la suite abandonné ma carrière de wannabe Leloup pour devenir journaliste musical. Sage décision. Mais la graine avait été semée. Sans Leloup, jamais je n’aurais écrit ma première chanson en français.

Cette discussion à propos de la «première composition» est revenue fréquemment dans ma carrière, surtout lorsque je rencontrais de jeunes artistes pour la chronique «Scène locale  au journal Voir. Si Pascale Picard a d’abord choisi l’anglais, c’est parce qu’elle a appris le métier en reprenant des chansons anglophones dans les bars. Si Pierre Lapointe a décidé de chanter en français, c’est parce qu’il a un jour découvert Barbara. Si l’on est ce que l’on mange, un compositeur est ce qu’il écoute.

Le seul disque francophone que les parents de mon ami Patrick possédaient en 1992 était Dion chante Plamondon. Mais Patrick enregistrait comme moi des chansons diffusées sur les ondes des radios commerciales. Il a commencé par celles de François Pérusse. Il a poursuivi avec celles de Zébulon. Sans le savoir, Denis Fortin était son seul pourvoyeur de nouvelle musique francophone.


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L’auditeur n’est pas un con

Qu’elles le reconnaissent ou non, les radios commerciales ont un rôle éducatif à jouer dans notre culture musicale québécoise, puisque nous sommes constamment exposés à ce qui est diffusé sur leurs ondes. Le caissier de mon dépanneur me rend la monnaie en écoutant nrj. Je patiente chez le dentiste au son de Rythme fm. Même si, dans le trafic, je préfère syntoniser CISM ou Radio-Canada, je finis toujours par entendre ce qui joue à ckoi, parce que le chauffeur d’à côté écoute Les poids lourds du retour dans le tapis, les vitres baissées.

Grâce aux ondes publiques, de grands groupes médiatiques comme Bell et Cogeco obtiennent des taux de pénétration impressionnants à travers la province. Ensemble, leurs stations accaparent plus de 50% du marché radiophonique. Lorsqu’elles s’y mettent, elles ont une influence majeure dans la carrière des artistes d’ici et peuvent servir de bougie d’allumage. Ce fut le cas pour MarieMai, Marc Dupré ou Jonathan Painchaud, mais aussi pour Karim Ouellet, Les sœurs Boulay, Alex Nevsky et Patrice Michaud, qui ont d’abord trouvé écho auprès des radios indépendantes. Leur parcours ne serait clairement pas le même sans l’appui des radios commerciales et les revenus en droits d’auteur qu’il engendre.

Le simple fait que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) ait besoin d’imposer des quotas francophones aux radios pour qu’elles daignent faire jouer les chansons de nos artistes me sidère. Les Québécois sont extrêmement créatifs, et ce, autant dans les milieux du cinéma, de la littérature, de la télé, du théâtre que dans celui de la musique. Nos œuvres sont jouées et applaudies partout dans le monde. Le mélomane en moi a du mal à accepter qu’on cherche constamment à diminuer le rôle de la radio dans le rayonnement de nos auteurs-compositeurs-interprètes.

Or, pour une entreprise privée, la colonne des profits importe bien davantage que la valeur artistique d’une chanson ou le devoir de faire rayonner la musique d’ici. Ce n’est pas un secret, l’unique but des grands radiodiffuseurs est que vous ne changiez pas de fréquence: les cotes d’écoute sont le nerf de la guerre. La musique? Elle sert à vous faire patienter entre deux annonces.

Diffuser une chanson d’un artiste que vous ne connaissez pas? Trop risqué. Vous pourriez syntoniser un autre poste, même si cette pièce est un ver d’oreille capable de rassembler tout le Québec. Les radios commerciales ont dit non à «Hawaïenne» des Trois Accords jusqu’à ce que la pression du public soit trop forte. Pas question non plus de faire jouer quelque chose qui s’éloignerait ne serait-ce qu’un peu d’une pop prédigérée.

Prendre l’auditeur pour un imbécile est sans doute l’un des pires défauts de notre système médiatique. «On ne peut pas aller là. C’est trop pointu. Les gens ne comprendront pas » Le raisonnement est lâche. Il suffit de trouver comment intéresser les gens et nous pourrons les amener n’importe où. Ça demande de faire des efforts, de trouver les bons communicateurs, d’y mettre du temps et de l’imagination, mais c’est envisageable. Nous ne sommes pas des abrutis.

Mais les dirigeants des radios commerciales prétendent savoir exactement ce que nous voulons : ne prendre aucun risque musical et... écouter le moins de chansons francophones possible. Leur constat est cinglant. Voire effrayant, si l’on considère que leur propension à deviner nos gouts est responsable de leurs sacrosaints profits depuis des décennies. Auraient-ils raison?

Selon les chiffres avancés par les radiodiffuseurs, la proportion de musique francophone écoutée par les Québécois s’élèverait à environ 30%, ce pour quoi les quotas francos devraient passer de 65 à 35%. Nettement plus optimiste, l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) affirme dans un récent mémoire que «67% des Québécois se disent très intéressés par la musique québécoise francophone». Lorsqu’il existe une telle différence entre les données des deux parties opposées, on se demande qui croire. La réalité doit bien se trouver quelque part au milieu. Pour une étude indépendante, il faut remonter à un sondage CROP-La Presse mené en 2011, selon lequel «70% des gens consultés trouvent la musique québécoise comparable à celle des autres catégories musicales, sinon meilleure».


Pour qui travaille le CRTC?

Le crtc devra donc se poser la question lors d’audiences prévues en 2016: faut-il ou non retrancher 30% aux actuels quotas de musique francophone? La rencontre devait se tenir en novembre dernier, mais la démission surprise du vice-président du CRTC, Tom Pentefountas, a forcé son report. Avec raison, le crtc préfère que la question des quotas de radio au Québec soit débattue par trois conseillers francophones. Or, depuis le départ de Pentefountas, il n’en reste que deux. Au moment où j’écris ces lignes, les libéraux n’avaient pas encore procédé à la nomination d’un troisième conseiller francophone.

Selon Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien, le parti au pouvoir souhaite «retisser des liens forts, valoriser [le] milieu culturel et, à terme, créer un partenariat durable, parce qu’[il] croit en l’importance [des] artistes au pays». De bonnes nouvelles pour l’ADISQ, qui propose plutôt d’abaisser les quotas francophones à 60% si le 5% dégagé est attribué aux artistes québécois s’exprimant dans une autre langue, comme Patrick Watson ou Half Moon Run, qui sont les grands perdants des quotas imposés aux radios francophones. Si CKOI ou NRJ ne peuvent consacrer que 45% de leur programmation à la musique en anglais, les Imagine Dragons, Adele et Coldplay passeront toujours devant nos artistes anglophones, sauf en de rares exceptions (lire Simple Plan).

Je sais que le jeu de la négociation consiste à demander plus pour obtenir un juste milieu, mais quand même, la demande des radios fait sursauter: seulement 35%? La surprise est aussi grande devant ce front commun des radios qui mettent ici leurs guerres de côté pour s’unir devant le CRTC. C’est connu, la riva lité entre chaines concurrentes est intense. Chaque victoire dans les sondages, aussi mince soit-elle, est vite claironnée à grands renforts de publicités. Les salaires pour attirer les humoristes/animateurs sont imposants, et la colère est vive lorsque l’un d’eux vire sa chemise de bord.

Prendre l’auditeur pour un imbécile est sans doute l’un des pires défauts de notre système médiatique. 

Qu’est-ce qui a poussé Bell et Cogeco à conclure une trêve? Le désir de diffuser presque deux fois moins de musique québécoise... Leur hypocrisie frôlait l’indécence lors du dernier gala de l’ADISQ, alors que certaines radios ont profité de l’occasion pour souligner leur engagement à l’égard de la musique d’ici. Avec un peu de cynisme, le message des radios aux artisans de la musique se résume ainsi: «On aime beaucoup vous entendre sur nos ondes, mais pas plus que 65 % du temps. Et peut-être bien juste 35%, finalement.»

Le CRTC acceptera-t-il de répondre à la demande ? La partie de bras de fer se poursuit. Contre les radiodiffuseurs privés se dressent l’ADISQ ainsi que huit autres associations du milieu, dont l’Union des artistes (UDA) et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN).

En temps normal, je ne serais pas trop nerveux quant au bon jugement du CRTC. Hélas, ses récentes décisions tendent à démontrer son peu d’intérêt pour la culture, qu’elle soit québécoise ou canadienne. En mars 2015, l’organisme éliminait ainsi les quotas sur le contenu canadien à la télévision avant 18h. Du jour au lendemain, plus aucune chaine de télé n’était tenue de diffuser du contenu local durant la journée. Bar ouvert sur les séries américaines traduites et les films hollywoodiens. De nombreuses émissions produites ici sont alors passées à la trappe.

Pire encore: lorsqu’est venu le temps de serrer la vis aux différents services de visionnement en ligne, le CRTC s’est couché à plat ventre, servant de tapis aux patrons de Netflix, qui non seulement n’ont pas à investir un sou dans la production télévisuelle canadienne (comme le font par exemple les câblodistributeurs), mais ne sont même pas tenus de diffuser un seuil minimum de contenu canadien sur leurs plateformes. Par cette décision, le CRTC a abandonné en grande partie le secteur télé visuel canadien, déjà affecté par l’arrivée d’un joueur comme Netflix, un compétiteur évident des câblodistributeurs dans un monde où plusieurs préfèrent s’abonner aux services d’écoute en ligne plutôt qu’à Bell ou à Vidéotron.


Le plaidoyer des radiodiffuseurs

Les radiodiffuseurs se servent d’ailleurs de la concurrence en ligne pour défendre leur demande de réduction des quotas. Selon eux, une part de leurs auditeurs, principalement les jeunes, délaisseraient la radio traditionnelle pour écouter leur musique par le biais de services comme Spotify, Apple Music ou Pandora, qui ne sont pas règlementés par des quotas francophones. Or, l’argument ne tient pas la route. Oui, ces sites permettent une nouvelle manière d’écouter de la musique, mais ils remplacent essentiellement votre bonne vieille collection de disques, et n’ont rien à voir avec la radio telle qu’elle est diffusée sur la bande fm. Spotify vous permet d’écouter n’importe quel album, où vous le voulez et quand vous le voulez, comme si vous trimbaliez tous vos disques préférés 24 heures sur 24. C’est comme si les radios accusaient votre discothèque personnelle de concurrence déloyale.

Certes, ces sites proposent également des listes d’écoute qui, dans une certaine mesure, s’apparentent au travail des radios tel que nous le connaissons. Mais, ici, l’argument des propriétaires de radios ne tient qu’à moitié. Vrai que les chansons francophones sont en grande majorité absentes de ces listes d’écoute, mais là ne réside pas leur force. Leur succès provient avant tout de leur éclectisme. Apple Music et Google Play offrent des centaines de listes d’écoute adaptées à tout moment du jour ou de la nuit : une pour ceux qui aiment boire du thé le dimanche après-midi, une autre pour faire de la course à pied, une trame sonore sensuelle pour les ébats du vendredi soir. Une diversité que les radios commerciales ont abandonnée le jour où le top 40 est devenu leur seule et unique bible.

Et quant au fait que les jeunes délaissent la bande fm pour se tourner vers des plateformes de musique en ligne, peut-être les préfèrent-ils parce qu’avec un abonnement, il n’y a pas de publicité? Peut-être est-ce parce qu’il n’y a pas d’animateur humo riste exalté qui meuble le temps entre la circulation et la météo? Pourquoi le feraient-ils uniquement pour échapper au français? Fouillez un peu sur Spotify et vous y trouverez une offre francophone variée, allant de Joël Denis à Richard Desjardins en passant par les Vulgaires Machins. S’associer avec les maisons de disques et les ayants droit de musique francophone a même été l’une des premières étapes qu’ont suivies de nombreuses plateformes d’écoute en ligne avant de s’implanter sur le marché canadien.

Les radios cherchent à joindre davantage de jeunes? Bonne chance! Élevés à l’ère du numérique, les 15–30 ans ont compris que personne ne pouvait leur imposer une vision étroite de la culture. Peu importe la plateforme, l’offre musicale en ligne est un buffet où chacun peut se créer une assiette selon ses gouts. En comparaison, la radio commerciale est une cafétéria où l’on ne sert qu’un seul menu, le même, tous les jours. Et parlant de l’internet, la situation des radios n’est pas aussi grave que celle qui est vécue par la presse écrite, qui a vu ses revenus fondre à vitesse grand V au profit du web. La radio est un média d’habitude, et ses profits demeurent relativement stables dans le contexte actuel. Bref, il n’y a pas encore d’urgence qui justifierait une baisse rapide et draconienne des quotas francophones.

L’autre argument des radiodiffuseurs est l’exode des auditeurs vers des radios anglophones, comme Virgin Radio, Beat 92,5 FM ou CHOM, qui ne sont pas assujetties aux quotas francophones imposés par le CRTC. Ici, je leur donne raison, même si j’exclus chom de l’équation, parce qu’aucune alternative francophone n’existe sur la bande fm. Aucune autre radio ne fait jouer du Led Zeppelin, du Nirvana ou du Stone Temple Pilots aux heures de grande écoute. Si CKOI veut jouer sur le terrain de chom, c’est avec moins d’Avicii et plus de Neil Young qu’elle y arrivera. Pas en coupant dans la musique francophone.

Pour Virgin et The Beat, la concurrence est effectivement déloyale, puisque ces radios proposent en général la même programmation musicale, sans avoir à faire jouer Vincent Vallières ou Les Respectables. Sauf qu’il faut comprendre que cette concurrence anglophone existe seulement dans le grand Montréal et dans le marché de Gatineau, où diffusent les radios anglophones d’Ottawa (Hot, Majic). Allez au Saguenay, en Gaspésie ou même à Québec, et vous constaterez que les jeunes ne peuvent délaisser les radios francophones au profit des chaines commerciales anglophones, parce qu’elles sont inexistantes. Faut-il changer l’ensemble des règles radiophoniques de la province en fonction des marchés de Montréal et de Gatineau? Si changement il y a, il ne devrait être appliqué que dans ces deux endroits où la compétition anglophone existe bel et bien.


Et maintenant, on fait quoi?

Pour que la solution soit durable, elle devra satisfaire toutes les parties en cause, autant les radios commerciales que l’ADISQ. Ce ne sera pas évident, mais voilà le défi du CRTC.

Selon certains commentateurs, les quotas ne représentent plus la solution, parce que les radios arrivent déjà à les contourner en toute légalité grâce à des montages de sept à neuf minutes comportant trois chansons anglophones qui, selon les règles actuelles, ne comptent alors que pour une seule pièce. Or, le problème se règlerait facilement si l’on resserrait la loi. Chaque tranche de trois minutes d’un montage anglo devrait compter comme une pièce anglophone. Entre zéro et trois minutes de montage: une chanson anglo. Entre trois et six: deux chansons. Entre six et neuf: trois.

Les quotas francophones ont permis à des centaines d’artistes d’ici de se faire connaitre, de vendre des albums, de remplir des salles et de composer encore davantage. 

Les opposants des quotas affirment aussi qu’ils ne favorisent pas la diversité culturelle, et qu’une radio peut très bien atteindre la cible de 65 % de programmation francophone en faisant jouer les mêmes chansons plusieurs fois par jour. Ce qui expliquerait au passage le manque d’intérêt de leurs auditeurs pour la chanson francophone : ils veulent en entendre moins parce qu’ils sont tannés d’écouter toujours les mêmes pièces.

Difficile d’être contre cet appel à la diversité. Mais comment légiférer? On ne peut pas imposer une police du bon gout qui forcerait les radios à faire tourner Avec pas d’casque, Jimmy Hunt et Klô Pelgag. Penser changer le son des radios commerciales est utopique; la France, toutefois, pourrait nous servir d’exemple. Les quotas francophones imposés aux radios y sont plutôt bas (40%), mais l’ancienne ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, a tenté d’imposer des quotas supplémentaires de diversité francophone. Selon son projet de loi, les dix titres francos les plus programmés par une radio ne pourraient compter que pour 50% des quotas à atteindre. Forcément, les programmateurs auraient à repérer d’autres chansons et donneraient ainsi à un plus grand nombre d’artistes la chance de se faire entendre. Une excellente idée, dont le CRTC devrait s’inspirer.

En échange de ce resserrement de la loi quant aux montages et de ces nouvelles mesures en matière de diversité—qui rendraient service aux membres de l’ADISQ—, les radios commerciales de Montréal et de Gatineau pourraient obtenir un allègement de leurs quotas francophones. En fonction du bilinguisme de ces marchés, une limite de 50% me semblerait acceptable. Je serais même prêt à le réduire à 45 % aux heures de grande écoute (de 6h à 18h) si, encore une fois, les montages étaient enfin comptabilisés comme il se doit.

Et pour contrer davantage la concurrence anglophone, j’imposerais même des quotas de 10% de chansons francophones aux radios commerciales anglophones. Cette solution est rarement (voire jamais) évoquée par les observateurs, comme si le fait d’exiger la diffusion de quelques chansons francophones à une radio anglo qui diffuse au Québec était impensable. Leur demander de ne pas vivre en vase clos et de s’intéresser, ne serait-ce qu’un maigre 10%, à la culture des gens vivant sur le territoire de diffusion est-il une demande si grande qu’elle est non recevable?

Évidemment, ce n’est pas moi qui trancherai le débat, alors j’imagine bien le monde comme je l’entends. Je ne suis pas un intégriste de la langue française. Je suis seulement un chroniqueur qui souhaite vivre dans un milieu culturel où les chansons des musiciens d’ici se rendent facilement au plus grand nombre d’oreilles possible. Jusqu’à maintenant, les quotas francophones ont permis à des centaines d’artistes québécois de se faire connaitre, de vendre des albums, de remplir des salles et de composer encore davantage. Vouloir court-circuiter la boucle pour permettre à une poignée d’actionnaires de s’enrichir toujours plus va à l’encontre de notre intérêt commun.


Olivier Robillard Laveaux a été journaliste et chef de la section musique à l’hebdomadaire Voir avant de faire le saut à la télévision et à la radio, où il est chroniqueur pour différentes émissions. Il a récemment animé L’ADISQ 2015: le premier gala, en plus d’être à la barre de l’émission FAQ (Fabriqué au Québec), diffusée cet hiver à MusiquePlus.

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