Explorer la poésie avec Camille Readman Prud’homme
À l’occasion de sa 34e édition, le Marathon d’écriture intercollégial s’associe à quelques-un·e·s des auteur·trice·s les plus intéressant·e·s de la scène littéraire du Québec nouveau. Parmi eux et elles, l’autrice de Quand je ne dis rien je pense encore, recueil vendu à plus de 15 000 exemplaires.
À l’instar de Rima Elkouri, Francis Ouellet, Étienne Lepage et Jean-Sébastien Bérubé, la poète Camille Readman Prud’homme donnera un atelier au Marathon d’écriture intercollégial, dans la nuit du 25 au 26 octobre. L’activité, qui s’annonce riche et inspirante, est ouverte à tou·te·s les étudiant·e·s du cégep, partout à travers la belle province.
- L’autrice-compositrice-interprète Klô Pelgag, gagnante d’une quantité impressionnante de Félix, est la présidente d’honneur du Marathon d’écriture intercollégial en 2024.Photo: Benoit Paillé
Quel genre de cégépienne étais-tu, Camille Readman Prud’homme?
C’est plutôt par hasard que je me suis inscrite au programme Arts, lettres et communication du cégep du Vieux Montréal. Juste avant d’entamer ce cycle, j’avais, l’année de mon secondaire 5, décidé de changer d’école pour intégrer le programme danse-études de l’École supérieure de ballet du Québec. À cette époque, je me demandais si je voulais faire de la danse ma vie, et cette année d’immersion m’a permis de comprendre qu’en dépit de la joie que j’avais à danser, mon espace se trouverait sans doute ailleurs. Je crois que je cherchais à la fois une discipline qui exige la précision de la danse, mais qui permet plus d’autonomie.
Parce qu’à part la danse, je m’intéressais au cinéma, j’ai donc fait ce choix—ce compromis?—de la communication. Pendant les deux ans de mon parcours au cégep, j’ai pu fréquenter les univers de la presse écrite, de la radio et du cinéma, documentaire et de fiction. J’y ai appris bien des choses, mais je n’ai jamais eu l’impression d’être tout à fait sur mon X: j’en ai tiré la conclusion qu’il me faudrait continuer d’explorer d’autres disciplines. Je me souviens aussi d’avoir beaucoup aimé les cours de français et de philo. Mais au final, ce qui a été le plus marquant de mon cégep, c’est la troupe de théâtre—L’Organe théâtral—, dont j’ai fait partie et qui était dirigée par la magnétique Marie-Dominique Cousineau.
Les auteur·trice·s se découvrent souvent une vocation littéraire pendant leurs études collégiales. Quelles sont les lectures qui t’ont le plus marquée à cette époque?
Pour moi, le chemin vers la littérature n’a été ni rapide ni clair, pour la principale raison qu’écrire m’a longtemps semblé être l’activité de grand·e·s discoureur·euse·s, un truc de personnes qui aiment parler fort et beaucoup, le lieu d’une assurance et d’une certaine grandiloquence—ce qui m’embarrasse et m’ennuie. Or j’avais bien évidemment tort: depuis, je sais que la littérature, c’est aussi l’affaire des gens qui autrement ne sauraient pas parler (c’est aussi une affaire d’ordinaire, de petit, de délicat).
C’est entre autres ce que m’a révélé La princesse de Clèves, de madame de La Fayette, lu à l’époque du cégep. Encore aujourd’hui, j’adore ce roman, qui décrit de façon si précise le trouble amoureux: son désir de le contenir, et la crainte que notre corps ne le trahisse.
Je me rappelle aussi avoir lu L’amant de Marguerite Duras et Les enfants du sabbat d’Anne Hébert dans les cours de français et avoir éprouvé à ces deux occasions un choc esthétique. Chez Duras, c’était la découverte de cette phrase et de cette syntaxe si envoutante, mais aussi de cette écriture si sensuelle et désirante; chez Hébert, l’appel d’une précision et d’une intransigeance quasi magiques.
Ton recueil Quand je ne dis rien je pense encore se vend comme des petits pains chauds. Il a même fait l’objet d’une adaptation théâtrale présentée au Quat’Sous. Comment est-ce que ce succès change ton rapport à l’écriture?
Je suis aussi heureuse que surprise de la réception que connait Quand je ne dis rien je pense encore. Depuis sa parution, toutes sortes de propositions inattendues et réjouissantes m’ont été faites: adaptation du texte au théâtre, au Québec mais aussi en France; collaboration à l’émission Il restera toujours la culture, sur Ici Première; rencontres avec des étudiant·e·s de différents cégeps et universités pour discuter d’écriture et de poésie; invitations à soumettre des textes dans diverses revues (dont Nouveau Projet!); et même, plus récemment, l’écriture d’un livret pour un opéra électro.
Je crois que je cherchais à la fois une discipline qui exige la précision de la danse, mais qui permet plus d’autonomie.
Sinon, après trois années un peu frénétiques passées à New York, où j’ai amorcé un doctorat, je suis de retour au Québec avec plus de temps pour replonger dans des projets d’écriture plus longs. D’un côté, il y a ma thèse, qui porte sur la vulnérabilité et qui touche à l’écriture du corps; d’un autre, il y a un projet d’essai que je souhaite finaliser cet automne, qui poursuit la réflexion sur le passage de la pensée à la parole qui était à l’œuvre dans Quand je ne dis rien je pense encore. Puis, comme si l’imprégnation new-yorkaise avait fait son œuvre, avec le côtoiement des gratte-ciels, j’ai aussi un autre projet, dont la forme n’est pas encore déterminée, qui portera sur les rapports haut-bas et sur l’incidence de la spatialité du point de vue sur ce qu’on voit et ne voit pas.
Bref, c’est une joie et un privilège que d’être lue, et l’attention qu’a suscité mon premier recueil me donne envie de poursuivre l’écriture en faisant de mon mieux.
Les gens qui ont lu ton premier recueil savent que tu réfléchis beaucoup à ton rapport aux autres. Que comptes-tu partager avec les participant·e·s du Marathon d’écriture dans le cadre de ton atelier?
J’imagine que c’est tout à fait juste de dire que d’une façon ou d’une autre la question du rapport aux autres investit ma pratique, mais je dois admettre que ce qui relève d’un choix, ou plutôt d’une préférence consciente et affirmée, c’est avant tout le parti pris du petit. Ce qui m’intéresse le plus souvent, c’est d’aller examiner à fond un détail d’une séquence, de façon à faire apparaitre à côté des grands ensembles les sous ou les microévènements (les choses tellement petites qu’elles paraissent insignifiantes).
Au Marathon, j’aimerais donc partager mon intérêt et mon amour du petit, de l’infime qui est autrement révélateur.
Le Cégep André-Laurendeau se démarque par son ADN unique, qui combine excellence de l’enseignement, vie étudiante dynamique, engagement social et environnemental. Ce sont des étudiant·e·s du Cégep André-Laurendeau qui ont fondé le Marathon d’écriture en 1990, cherchant à pousser leur créativité et leur pratique de l’écriture.
Texte commandé par le Cégep André-Laurendeau et réalisé par le Studio A10 dans le respect de ses lignes directrices.
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