L’extérieur de nous-mêmes

Rafaële Germain
Photo: Jacques Barraband
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Commentaire

L’extérieur de nous-mêmes

Comment expliquer l’engouement pour l’ornithologie?

Considéré dans ce texte

Les guides d’ornithologie et leur démultiplication. Notre curiosité maniaque et possessive à l’égard de la nature. L’oiseau qui porte le nom d’un pub du Mile End. L’unselfing.

Chaque année, quelque part au printemps ou alors que les premières fraicheurs de l’automne se font sentir, ils se posent sur les présentoirs de nos librairies. Des geais, des cardinaux, un chardonneret perché sur une cocotte. Ils attendent, entre les recettes de Ricardo et la dernière fournée littéraire, le regard curieux et rêveur de qui cherche un guide.

En 2022 seulement, sont apparus sur nos tablettes Les oiseaux du Québec: guide d’identification, nouvelle édition d’un ouvrage de Suzanne Brûlotte qui s’est déjà écoulé, nous dit une vignette jaune imprimée sur la couverture, à 30 000 exemplaires; Oiseaux du Québec et des Maritimes : édition revue et augmentée, de Jean Paquin; et Oiseaux du Québec et du Canada, un guide de poche qui n’entre dans aucune de mes poches et qui a pour éditeur-conseil le certainement prédestiné professeur David M. Bird.

S’ajoutent à ces trois-là d’autres rééditions d’autres guides parus un ou deux ou trois ans auparavant, des recueils aux illustrations délicates et des albums de photos impossibles (gros plan d’une grue royale et portrait intimiste d’un bec-en-sabot du Nil), des calendriers où tous les harfangs du monde sont prisonniers de décembre, des romans parlant d’oiseaux, et des récits fantastiques pour ados sur lesquels vole plus souvent qu’autrement un corbeau.

Un peu plus loin sur les rayons, on peut croiser des pavés formidables et sidérants de rigueur comme le Deuxième atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional (2019), qui met à contribution la passion des ornithologues en herbe de la province dans une compilation des habitudes de nidification de tout ce qui vole au sud du cinquantième parallèle, un carré rouge sur une carte détaillée indiquant la présence confirmée d’un nid et témoignant de la fascination que peuvent susciter chez nous les bêtes à plumes. Sur la couverture, trois fous de Bassan levant le bec vers le ciel, les longs cous blancs évoquant les ouailles d’autrefois, toutes nimbées de grâce et auréolées d’une ferveur qui n’est pas sans rappeler celle de la petite cohorte responsable de l’ouvrage et de ceux et celles qui, éventuellement, choisiront de rentrer à la maison avec dans leur besace un guide depuis la couverture duquel un roselin pourpré les regarde.

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