Petit chat
Un affrontement inattendu avec une bande de jeunes voyous plonge un homme dans le doute face à ses principes, à sa force de caractère et à sa masculinité.
Grace? T’es où, criss?
Elle me fait le coup à chaque fois. Je passe dix minutes à la chercher. Récemment, elle a trouvé comment démonter le panneau arrière de l’armoire pour se faufiler dedans sans l’ouvrir. J’ai cru devenir folle, je suis partie en retard. J’ai beau le remettre dans ses gonds à coups de marteau, le panneau arrière, elle finit toujours par l’arracher.
Sur le balcon non plus, pas de Grace. Parfois derrière les pots de fleurs des voisins, quand ce n’est pas dedans. Ils ne disent rien parce que je les laisse utiliser ma place de stationnement et aussi parce qu’ils sont sous le charme. Elle s’allonge crânement sur leurs pensées. Elle pose façon Brigitte Bardot. Elle est irrésistible.
Grace!
Pas non plus sous le lit. La dernière fois, elle s’était glissée sous la couette, entre l’oreiller et le matelas, indétectable. Quand quelqu’un se hasarde à nous rendre visite, elle se sent trahie. Je n’ai pas le droit d’aimer quelqu’un d’autre qu’elle, surtout pas un homme, elle les déteste.
Je l’avais adoptée depuis une semaine quand on a passé la porte de la clinique pour la faire vacciner. Une dame était assise là avec un chihuahua qu’elle appelait mon amour. J’ai pouffé. C’est la dernière fois que j’ai trouvé ça ridicule. Le samedi suivant, à 2h du matin, tandis que Grace tentait d’arracher sa collerette victorienne et ses points de suture poststérilisation, je rampais sous le lit pour rattraper ses bandages et resserrer son harnais, les bras griffés, le cœur débordant de tendresse, mon amour, viens ici ma chérie, ma merveille, mon cœur, mon trésor, mon poulet.
J’avais dû changer de pays et de travail, le vertige de la solitude me semblait infini, je suis tombée amoureuse de ses photos sur l’annonce, l’incarnation d’une beauté accessible, démocratique: une panthère endormie enroulée sur elle-même, au pelage graphique, argenté, au museau de renardeau espiègle et, sur la dernière image, un regard hésitant-mélancolique de Bambi pris dans les phares d’une voiture. Je l’ai aimée sans condition, béatement, immédiatement. J’en avais besoin.
Activez dès maintenant votre abonnement à Nouveau Projet pour lire le reste de ce texte. Du contenu original et de grande qualité, des privilèges exclusifs, et bien plus encore.
Voir les forfaitsDéjà membre? Ouvrir une session.Un affrontement inattendu avec une bande de jeunes voyous plonge un homme dans le doute face à ses principes, à sa force de caractère et à sa masculinité.
C’est tout l’équilibre familial qui vacille lorsqu’un enfant subit de l’intimidation. Dans cette autofiction inédite, l’autrice du désormais classique «Borderline» aborde ce problème de l’angle des parents.
Au plus fort de la pandémie, une femme à la santé chancelante observe la vie qui bat, malgré tout, sur le trottoir en bas de chez elle. Regard sur la faune bigarrée du quartier Milton Parc, à Montréal.
De passage dans la Ville Lumière, l'énigmatique Paul Serge Forest s'enfonce dans les méandres du pétrole pour pondre ce récit inédit.